Intervention de Olivier Bogillot

Réunion du jeudi 7 octobre 2021 à 17h30
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Olivier Bogillot, président de Sanofi France, président de la Fédération française des industries de santé (FEFIS), président du comité stratégique de filière des industries et technologies de santé (CSF-ITS) :

Tout d'abord, il est devenu difficile, sur le plan technique, de mener des essais de phase III versus placebo dans le cas de la Covid-19. La plupart des pays ont accès aux vaccins et les autorités réglementaires ont par conséquent des réticences sur le plan éthique à lancer ces essais, qui restent cependant le standard exigé par les autorités sanitaires. On se trouve un peu devant un paradoxe de ce fait. C'est la situation dans laquelle se trouve le vaccin à protéine recombinante adjuvantée de Sanofi. Nous concevons probablement le dernier vaccin à pouvoir passer par une étude versus placebo. Les autres vaccins ne pourront être enregistrés que sur la base de leur capacité immunogène parce que nous n'aurons plus l'opportunité de réaliser des essais de phase III.

En second lieu, beaucoup de temps aurait été nécessaire pour rassembler les cas et les résultats n'auraient pu être présentés qu'à la fin de l'année 2022, alors qu'une grande partie de la population aura reçu deux voire trois doses de vaccin. Notre vaccin à ARN messager n'aurait donc pas été utilisé. Ce renoncement a suscité de vrais débats en interne, mais il est préférable d'investir pour utiliser cette plateforme qui fonctionne bien sur d'autres aires thérapeutiques, certaines grippes par exemple. Je comprends la déception que nous avons suscitée, mais elle découlait d'un choix assez rationnel au plan industriel.

Les raisons du retard du vaccin à ARN messager sont également rationnelles. Les laboratoires Pfizer, BioNtech et Moderna n'avaient misé que sur cette plateforme technologique, sans certitude qu'elle fonctionnerait. On vient de vivre quelque chose d'assez exceptionnel ! Cette nouvelle technologie a été validée en décembre 2020 sur quelques dizaines puis milliers de patients. Sanofi avait d'autres outils dans son portefeuille : en mars 2020, la meilleure technologie vaccinale était la protéine recombinante adjuvantée. L'ARN messager était un pari. Nous savions que les adénovirus présentaient des effets secondaires et une utilisation complexe – on l'a vu avec AstraZeneca et Johnson & Johnson. Aucun concurrent n'a réussi à proposer un vaccin avec la protéine recombinante adjuvantée. Si l'ARN n'avait pas marché, on dépendrait d'une plateforme adénovirus pas simple à utiliser et on attendrait impatiemment le vaccin à protéine recombinante adjuvantée.

Je ne pense que tout cela soit dû à un défaut de recherche ou de financement publics. Nous travaillions sur l'ARNm en partenariat avec Translate Bio depuis 2018. Nous avons racheté cette société à l'été 2021. Nous avons décidé d'accélérer parce ce que nous avons considéré que l'ARN messager offrait une bonne technologie. Nous avons lancé une restructuration de nos équipes pour l'utiliser dans des vaccins et d'autres aires thérapeutiques dans le futur. Parfois, il vaut mieux être une biotech, disposer d'une seule plateforme et que ce choix marche. M. Stéphane Bancel – pour qui j'éprouve une immense admiration – travaillait sur l'ARN messager depuis dix ans. Cela a marché et la capitalisation de Moderna est désormais supérieure à celle de Sanofi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.