Intervention de Nicolas de Warren

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 14h00
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Nicolas de Warren, directeur des relations institutionnelles d'Arkema, président de l'Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN) :

Il n'y a pas eu de points négatifs. Nous avions peu d'attentes sur les sujets de court terme. Un point très positif est que les ministres ont souhaité d'emblée aborder les propositions et les orientations. Dans la crise paroxystique que nous connaissons actuellement, le prix du gaz a été multiplié par cinq ou six, le prix de l'électricité par trois, ce qui revient à une évolution des prix moyens d'approvisionnement de l'ordre de 50 %. Quatre ou cinq usines ont aujourd'hui arrêté de fonctionner en France, comme l'usine de zinc d'Auby, même si certains industriels ne veulent pas communiquer sur ce point en raison des relations avec leurs clients. 40 % de la capacité européenne d'ammoniac est à l'arrêt, car toute production entraîne une perte directe. 80% de l'ammoniac est dirigé vers l'agroalimentaire avec la production d'engrais azotés : des répercussions surviendront en termes de prix et de disponibilité sur la campagne agricole à venir. Le reste de l'ammoniac est utilisé dans des procédés industriels notamment en chimie, dans la chaîne du froid, et dans la production de l'additif AdBlue utilisé pour respecter les normes d'émission d'oxyde d'azote par les camions diesel.

La plupart des solutions de court terme n'étaient pas applicables. Nous avons demandé un écrasement temporaire des niveaux de taxes dans le cadre de la situation de crise, comme la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) – le gouvernement a déjà pris une initiative sur la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). En matière de fiscalité, nos industries bénéficient déjà de taux très bas, en conformité avec la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, et il reste donc peu de marge de réduction de ce point de vue. Une autre piste était de maximiser certains dispositifs comme la rémunération des effacements, de revoir le mécanisme de capacité, ou d'écraser encore les tarifs de transport du TURPE mais nous bénéficions déjà de tarifs réduits en contrepartie des services que nous apportons au réseau. Sur tous ces aspects, les améliorations possibles n'auraient pas été en tout état de cause à la dimension du problème.

Nous sommes donc revenus sur la question sensible de l'augmentation des volumes d'électricité pouvant être attribués dans le cadre de l'ARENH. En 2019, la rehausse possible du plafond de l'ARENH a été votée. EDF doit céder aux fournisseurs alternatifs depuis 2012 100 TWh, c'est-à-dire 25 % de la production de son parc nucléaire historique. Ce prix a été figé par le gouvernement de l'époque à 42 euros par MWh. Depuis 2019, ce plafond peut être rehaussé en volume à 150 TWh. Cette possibilité s'exerce par arrêté ministériel. Elle pose cependant des problèmes du point de vue du gouvernement : d'une part, ce rehaussement du plafond ne peut aller que de pair avec une augmentation du prix. Or, il est aujourd'hui complexe d'afficher une hausse de l'ARENH, même si nous sommes obligés de reconnaître que le prix de 42 euros par MWh ne correspond plus à la réalité du coût du parc nucléaire historique pour EDF. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a établi un rapport à la demande du gouvernement sur le coût complet du nucléaire historique hors Flamanville 3. Ce rapport, qui n'a pas été rendu public, évoque un prix de 48,20 euros. La contrepartie est donc de rehausser les prix en fonction du volume. Nous signerions dès demain pour une telle aubaine dans les circonstances actuelles. Toutefois, la Commission a toujours été contre l'ARENH, et d'importantes négociations seraient nécessaires pour proposer un aménagement aujourd'hui. L'autre problème serait l'impact direct sur les tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE), qui sont calculés à partir de l'ARENH par empilement des coûts. Un nouveau choc sur le niveau des tarifs serait donc problématique. Enfin, EDF indique avoir déjà couvert l'ensemble de sa production. EDF devrait afficher les prix qui étaient en vigueur l'année passée, soit 40 à 45 euros, et racheter sur le marché ces 50 TWh additionnels entre 150 à 200 euros le MWh. Cet achat représenterait une perte de l'ordre de 2 à 4 milliards d'euros directs pour EDF. Le gouvernement a par conséquent d'emblée écarté cette piste.

Il faudra reformuler cette question par le biais de l'écrêtement. Le guichet de l'ARENH est ouvert en novembre. Tous les fournisseurs présentent à la CRE leurs demandes selon un dispositif législatif, en fonction de leur perspective de portefeuille commercial pour l'année à venir. Ils n'ont pas le droit d'exagérer leur amplitude commerciale sous peine de pénalité. La CRE procède alors à un écrêtement, car, dans les périodes de forte hausse, le prix de l'ARENH est très attractif. La demande sera probablement de l'ordre de 150 à 160 TWh, alors que la CRE ne peut attribuer que 100 TWh. Un écrêtement uniforme est donc appliqué à tous les fournisseurs, que le client final soit un particulier, un résidentiel, une entreprise ou un industriel. Cet écrêtement va peser lourd car les industriels ne seront pas servis à la hauteur de leur demande et cet impact se chiffre rapidement à presque 10 euros par MWh. Il serait anticonstitutionnel de demander à la CRE de différencier cet écrêtement en fonction du consommateur final. Par conséquent, une modification législative sera nécessaire pour intégrer au texte afférant à l'ARENH cette faculté de différencier le taux d'écrêtement par destinataire en fonction des circonstances. Ce point reste ouvert car c'est un outil qui serait praticable d'ici la fin de l'ARENH même s'il n'est l'est pas dans le contexte actuel.

Il n'existe pas de solution immédiate et facile au niveau français concernant le gaz. Les niveaux de stockage sont heureusement assez élevés en France et moyens en Europe. Les solutions européennes sont également compliquées. La Commission européenne évoque la création de capacités de stockage. Or les stockages sont coûteux et posent des difficultés de répartition. L'autre voie est le consortium d'achat, entre autres pistes sur lesquelles travaille la Commission européenne. Le problème est que le prix du gaz entraîne celui de l'électricité sur le marché de gros. Ce sujet nous concerne donc pour la partie des approvisionnements qui n'est pas couverte par l'ARENH.

Quand Exeltium a été créé en 2010, un agrément fiscal avait été nécessaire pour restreindre l'accès à ce groupe aux actionnaires initiaux. C'était un montage financier avec effet de levier massif, puisque les 27 industries du groupement ont apporté 300 millions d'euros en argent comptant à EDF et les 1,4 milliard d'euros correspondant ont fait l'objet d'un emprunt bancaire qui a abouti en 2010. Cependant, le volume cible défini pour Exeltium était à l'époque de l'ordre de 16 TWh et nous n'avons contracté que pour 6 TWh. Les mêmes industriels ont donc la possibilité juridique de contracter pour 10 voire 15 TWh additionnels, car le dispositif a été agréé par la direction générale de la concurrence de la Commission européenne. Ce dispositif est susceptible d'être mis en œuvre rapidement et facilement. Le président d'Exeltium dialogue actuellement avec les ministres à ce sujet.

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