Intervention de Nicolas de Warren

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 14h00
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Nicolas de Warren, directeur des relations institutionnelles d'Arkema, président de l'Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN) :

Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) est un sujet porté par la France depuis au moins 2007. La Commission européenne en a fait une proposition concrète dans le cadre du paquet « Paré pour 55 », ou « Fit for 55 », à la demande de la France et avec l'assentiment d'autres États membres. Nous accueillons avec intérêt ce mécanisme dont les aspects positifs sont incontestables. Ce n'est pas un dispositif protectionniste, mais d'égalisation des conditions de concurrence au niveau international pour que chacun intègre la contrainte carbone dans ses coûts et dans ses prix.

Nous identifions cependant dans ce mécanisme un très grand risque d'exécution. Certains États pourraient se satisfaire d'un succès diplomatique entérinant la création de ce dispositif tout en le contournant d'un point de vue juridique pour le rendre ineffectif. En effet, ce dispositif sera déféré à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) par des États tiers qui revendiqueront d'emblée une présomption d'effet équivalent entre leurs systèmes en place et le système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne (SEQE-UE). Il y aura un renversement de la charge de la preuve puisque c'est l'Union européenne qui devra administrer devant l'OMC la preuve que le dispositif SEQE-UE est plus performant que le dispositif chinois ou indien. Cette preuve sera difficile à documenter. La Chine a pris en compte la perspective de cette compensation carbone en Europe : elle possède un marché carbone national en place depuis le 1er juillet 2021. Elle a immédiatement annoncé que ce marché constituera une opportunité contre la Russie et la Turquie vis-à-vis de l'Europe, et prétendra donc que son dispositif est au moins aussi efficace que SEQE-UE tandis qu'il sera à l'Europe d'apporter la preuve du contraire.

Dans les négociations politiques à venir, ces questions d'exécution apparaissent souvent secondaires. De notre point de vue, le contrôle (monitoring) doit être au cœur des négociations politiques. La France aura une partie difficile à jouer, car l'Allemagne par exemple se satisfera d'un succès d'estime et d'un dispositif aussi léger que possible.

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