Je pense que ce sujet se pose de manière équivalente dans l'ensemble des pays européens, contrairement à la question du blocage des transmissions d'entreprise. À titre d'exemple, mon entreprise dispose d'une filiale industrielle à Blois pour assurer notre production. Les taxes de production supportées par une filiale représentent quatre fois le montant de l'impôt sur les bénéfices – en réalité bientôt seulement trois fois depuis la baisse des taxes qui s'appliquera à partir de la fin de l'année. Les 2 millions d'euros annuels de taxe de production que je paie équivalent au prix d'un mélangeur fabriqué par une PME française dans lequel j'aurais pu investir. En Allemagne, si les taxes de production s'élèvent à 200 000 euros annuels, en l'espace de vingt ans, l'écart se creuse en termes de capacités d'investissement. Ces différences ne s'appliquent d'ailleurs pas seulement aux dépenses industrielles, mais aussi aux dépenses pour la digitalisation, aux investissements environnementaux ou aux investissements d'exportation. Sur une longue période, il est difficile de lutter à armes égales sur le plan de la compétitivité dans un environnement tel que le nôtre. En 1980, on dénombrait autant d'ETI en France qu'en Allemagne de l'Ouest. Aujourd'hui, nous en comptons deux fois et demie moins de notre côté.
Pourtant, nous disposons intrinsèquement de toutes les ressources pour réussir. J'aimerais insister sur le fait que nous ne sommes en aucun cas soumis à la fatalité. Ainsi, en réalignant l'écosystème français, nous pourrions rapidement devenir très compétitifs. Notre pays est idéalement situé, bordé par trois façades océaniques ; nos inventeurs sont aussi nombreux qu'en Allemagne et nous sommes dotés d'un fort esprit entrepreneurial – ce qui constitue une nouveauté dans le paysage des trente dernières années : lorsque j'étudiais à l'université, on nous expliquait que les gens veulent aller dans l'administration ; aujourd'hui, les jeunes veulent créer leur entreprise. L'idée selon laquelle certains pays seraient davantage propices à l'activité industrielle est à mon avis erronée.
Le sujet capital en économie est le terme. Travaille-t-on sur le long terme, le moyen terme ou le court terme ? Si l'on me demande de faire augmenter la cotation en bourse de mon entreprise à un mois, j'adopterai un mode de gestion différent de celui que j'appliquerai dans le cas d'une vente prévue à cinq ans si j'appartiens à un fonds d'investissement dont l'objectif est la revente avec profit. La gestion sera encore différente si l'on attend de moi que je bâtisse une marque mondiale sur le long terme, voire que je travaille en vue de sa transmission. La création de mes produits, la composition de mes équipes et mon interaction avec mon environnement, avec les fournisseurs vont varier selon que l'on travaille à court terme ou à moyen terme.