Je pense avoir eu la prudence d'évoquer le conservatisme de l'industriel au passé. Il me semble avoir dit clairement que si nous avions pu l'être sur certains points, notamment face aux enjeux, nous en sommes désormais conscients et nous voulons apporter notre contribution.
Il convient de remettre ce mot « conservateur » en perspective et ne jamais oublier que la première préoccupation d'un chef d'entreprise, et sa première responsabilité envers ses actionnaires, ses fournisseurs et ses collaborateurs, réside dans la pérennité de son entreprise. Une entreprise est d'autant plus encline à prendre du risque, qu'elle est capable d'en assumer les conséquences sans que sa pérennité soit mise en cause.
S'agissant de la structure capitalistique que vous évoquez, le sujet n'est en effet pas anodin. L'industrie fonctionne sur le temps long. Notre capitalisme familial a été fragilisé par une rentabilité insuffisante et une taxation du capital sensiblement supérieure à celle des autres pays. Pendant de nombreuses années, seule la fiscalité de la dette était plus avantageuse que nos grands voisins. Ce constat a généré une propension à disposer de fonds financés par la dette, tels que les rachats à effet de levier ou Leverage Buy Out (LBO), qui étaient devenus en France, l'un des grands acteurs de la gestion de la transmission et du développement. Cependant, ce financement par la dette est réalisé à un horizon de temps qui se raccourcit parce qu'il est plus court que celui d'un fonds de pension, notamment. Dès lors, les règles fiscales et les choix collectifs conduisaient à une gestion du capital sur des horizons de cinq à dix ans alors que, dans l'industrie, un horizon de vingt à cinquante ans est probablement beaucoup plus pertinent.
Une entreprise industrielle est une matière vivante, mais très plastique, qui s'adaptera aux contraintes pour assurer sa survie. Si les contraintes s'avèrent trop fortes en France, l'entreprise ira produire à l'étranger. Elle se localisera également dans des pays qui lui proposeront des conditions favorables de financement. Les effets ont probablement fragilisé notre industrie et favorisé son déclin pendant une trentaine d'années.