Intervention de Pierre Luzeau

Réunion du jeudi 4 novembre 2021 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Pierre Luzeau, président du comité exécutif du groupe Seqens :

Je vous confirme que l'ensemble des études dont nous disposons montre que la dépendance de l'Europe à l'Asie s'élève à 75 %. C'est ce que montrent beaucoup de travaux :

– le rapport de la mission stratégique visant à réduire les pénuries de médicaments essentiels rendu par M. Jacques Biot en juin 2020,

– les études allemandes menées par ProGénérica qui ont établi une cartographie mondiale de la production des principes actifs,

– l'étude de Technopolis avec la Commission européenne,

– plus récemment l'étude réalisée par PricewaterhouseCoopers (PwC) qui montre la vulnérabilité de l'approvisionnement de l'industrie européenne en principes actifs,

– enfin, une étude publiée en janvier 2021 par le syndicat européen de la chimie fine European Fine Chemicals Group (EFCG) qui analyse les causes et les conséquences des ruptures d'approvisionnement.

L'étude de PwC est intéressante parce qu'elle analyse spécifiquement et en détail une des chaînes de valeur sur une trentaine de principes actifs essentiels, sur des aires thérapeutiques importantes. Ils sont rangés en plusieurs catégories, entre les traitements pour maladie chronique (l'asthme, les maladies cardiovasculaires, les maladies métaboliques, les maladies neurodégénératives, les antidépresseurs), les anticancéreux et de manière générale toutes les maladies qui donnent lieu à des protocoles pour le traitement du cancer, les antiviraux – et naturellement les candidats pour le traitement de la Covid-19 –, des antibiotiques, les antifongiques, les anesthésiques, les analgésiques – comme le paracétamol qui a manqué pendant la crise sanitaire – et les antibactériens. La liste de ces aires thérapeutiques existe désormais.

Au-delà, il convient d'essayer de classer les principes actifs critiques en fonction de leur vulnérabilité aux différentes étapes de la chaîne de fabrication. On peut dégager quatre critères :

– premièrement, la fragilité de l'approvisionnement en intrants – par exemple, en France, pour la production des corticoïdes, l'accès aux matières constitue un enjeu très important ;

– deuxièmement, la complexité de la chaîne de production : il peut exister de nombreuses étapes de fabrication et, en conséquence, la maîtrise de la technologie peut être sensible et nécessite d'être bien complète ;

– troisièmement, une fabrication qui repose sur des technologies anciennes ou vieillissantes ;

– quatrièmement, une fragilité économique importante sur des chaînes peu rentables. Sur ce dernier critère, le paracétamol offre un exemple intéressant même s'il en existe d'autres : que veut-on faire à propos d'un produit essentiel mais dont la demande est instable ?

Le cumul de ces critères appliqués à la trentaine de principes actifs critiques montre que l'ensemble des chaînes de valeur a conduit ou conduira inévitablement à des pénuries de médicaments. Plus les molécules sont matures et plus elles sont essentielles, plus la fragilité est prégnante. Ce constat est logique puisque les molécules les plus matures, les plus anciennes mais qui servent au quotidien ont été développées au niveau mondial, génériques. De fait, leur rentabilité est moindre et elles ont été délocalisées sur d'autres continents – ce qui fragilise l'approvisionnement quand la consommation est loin de l'offre.

Il existe une méthode pour identifier ces molécules critiques, basée sur une analyse factuelle des thérapeutiques clés. Elle aboutit à la même conclusion, à savoir la nécessité de dresser une liste de molécules dont il s'avère essentiel de réduire la vulnérabilité.

La meilleure manière de réduire la vulnérabilité consiste à produire près du lieu de consommation, là où la souveraineté doit être assurée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.