Intervention de Laurent Borel Giraud

Réunion du jeudi 4 novembre 2021 à 12h00
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Laurent Borel Giraud, directeur des opérations pharmaceutiques et commerciales de Teva Santé :

Le modèle économique du marché allemand est différent du marché français pour ce qui concerne nos produits. Les Allemands ont davantage recours à des mécaniques d'appels d'offres. Cette mécanique est utilisée en France, que ce soit pour les marchés publics ou privés, très régulièrement, pour les marchés hospitaliers, mais pas pour la fixation des prix à la ville qui sont réglementés par le prix fabricant hors taxes défini par le Comité économique des produits de santé (CEPS). L'hôpital met les acteurs en concurrence pour des molécules équivalentes et cette compétition permet aux groupements d'achats hospitaliers publics ou privés d'obtenir des prix plus bas. C'est peut-être ce qui permet au décideur, en Allemagne, face à un prix plus bas, d'avoir une préférence pour une production locale, régionale ou nationale. Si l'on transpose ce priuncipe en France, ce que nous n'appelons pas de nos vœux, car il peut être très destructurant sur la valeur des produits et la chaîne d'approvisionnement. Nous avons fait part au CSIS qu'il serait nécessaire d'aménager et d'améliorer certaines règles qui représentent une cause très spécifique de la perte d'industries des génériques hospitaliers en France et en Europe. Ces appels d'offres génèrent des baisses de prix pouvant atteindre 90 % du prix initial et donc des économies extraordinaires sur les dépenses publiques. Cependant, cette méthodologie des appels d'offres est extrêmement brutale. D'abord, le délai entre la réponse à l'appel d'offres et la livraison des produits est d'environ deux ou trois mois. Sachant qu'un délai de production est compris entre trois et six mois, les laboratoires doivent prendre le risque de produire simultanément au dépôt de leur dossier, dans la totale incertitude de gagner le marché. Ce risque pousse les laboratoires à se focaliser sur la partie économique des appels d'offres de sorte à minimiser les risques de pertes. Cette tendance fragilise beaucoup les industries françaises.

Par ailleurs, les groupements d'achats dans les appels d'offres représentent entre 50 et 80 % du marché national et ils sont en général mono-attributaires. Les appels d'offres sont lancés le plus souvent pour une durée de trois ans. Lorsqu'une entreprise perd un appel d'offres, elle désindustrialise totalement son modèle pendant ces trois ans pour l'ensemble de son activité et elle rencontrera des difficultés à revenir sur le marché trois ans plus tard. Dès lors, les fabrications hors Europe sont plus compétitives puisqu'elles adressent, avec des modèles à prix extrêmement tirés, l'ensemble des marchés européens.

Enfin, s'agissant de cet aspect hospitalier, nous recommandons :

– qu'une réponse à l'appel d'offres soit apportée préalablement à la mise en production de sorte à éviter le risque économique ;

– que les marchés les plus importants, notamment sur les molécules d'intérêt thérapeutique majeur, deviennent multi-attributaires parce que la multiplicité des sources actives d'approvisionnement est essentielle afin de se préserver du risque de rupture et de maintenir une part d'activité pour des acteurs, peut-être en donnant une préférence au service et au respect de critères environnementaux nationaux qui ne sont pas intégrés aux critères de choix dans les méthodologies d'appels d'offres ;

– que les critères différents du prix pèsent davantage dans le choix de ces appels d'offres, qu'ils soient publics ou privés.

Cette mécanique d'appels est plus difficile à comoprendre pour les génériques de ville, puisque c'est un mouvement plus lent et qui a été très rythmé par les exigences brevetaires, pusiqu'au cours des vingt dernières années, il était impossible de développé un produit en France, mais l'était encore hors Europe. Telles sont les raisons pour lesquelles les produits les plus récemment lancés sont majoritairement développés et produits hors d'Europe.

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