Intervention de Frédéric Collet

Réunion du mercredi 17 novembre 2021 à 14h30
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Frédéric Collet, président de Novartis France, président du LEEM :

Je vous remercie de nous donner le temps d'aborder la question de notre empreinte industrielle et de l'attractivité de la France après la crise que nous venons de vivre.

Nous répondrons aux questions que vous nous avez adressées, de façon précise tout en apportant des réponses complémentaires.

Au préalable, je souhaiterais souligner un point important. La crise que nous avons traversée a fonctionné comme un révélateur et un accélérateur. Elle a révélé des fragilités connues, notamment sur le plan industriel (notamment les questions d'indépendance énergétique et sanitaire), et accéléré des forces dont, bien souvent, nous ignorions l'existence. Je pense aux différentes collaborations entre les acteurs et à l'effet de la mondialisation qui a permis de répondre aux besoins des patients et des soignants. Au terme de la crise, nous pouvons constater que l'aspect industriel du médicament est devenu un enjeu stratégique.

Pour répondre aux questions de la compétitivité et de l'attractivité, il est nécessaire de se rappeler que le métier des acteurs du médicament se construit autour de quatre piliers successifs à considérer de façon cohérente et indissociable :

– le premier est la recherche, dont la crise a révélé les forces et les fragilités ;

– le deuxième concerne la recherche clinique qui permet aux patients de bénéficier de traitements innovants ;

– le troisième pilier est la fabrication (le manufacturing ) ; il représente un caractère stratégique essentiel en matière de santé publique, et économique avec de très nombreux emplois qualifiés répartis dans 300 entreprises adhérentes au LEEM, dont 250 sites sont localisés en région ;

– le dernier pilier est l'accès et le bon usage du médicament.

Le premier facteur d'attractivité d'un pays tient à la cohérence des mesures en vigueur et de la chaîne du médicament dans son ensemble.

Les questions de relocalisation de la production des médicaments et d'indépendance sanitaire ne sont pas nouvelles, mais ont été exacerbées par la crise. Pourtant, malgré les conditions (notamment de fortes demandes de certains produits, comme les produits de réanimation, d'anesthésies, les produits respiratoires), nos entreprises ont été en capacité de fournir tous les traitements.

En conséquence de ces événements, le LEEM a établi plusieurs recommandations pour renforcer l'attractivité et la compétitivité de la chaine.

Avant de commencer l'échange, il est important de poser des bases préliminaires.

Tout d'abord, il est illusoire de prétendre à l'indépendance sanitaire sur l'ensemble de la pharmacopée existante en France, comme en Europe. Il est donc essentiel d'identifier les traitements sur lesquels nous voulons assurer une disponibilité en toutes circonstances. Cela peut dépendre du caractère innovant ou essentiel du traitements, caractères qui ne sont pas forcément liés. À cet égard, à l'initiative du LEEM, un certain nombre de mesures ont été prises pour renforcer le stockage de médicaments d'intérêts thérapeutiques majeurs (MITM).

Ensuite, nous devons être conscients que la réponse à la crise ne peut pas se faire à l'échelle nationale. Notre approche doit être européenne et nous devons agir de concert avec ces États sur les produits que nous aurons identifiés.

Au-delà du rapatriement et des mesures sur les stocks, il s'agit de nos capacités à optimiser les structures existantes. Nous avons un historique très fort puisque, la France a été le premier pays industriel en matière de fabrication de médicaments, encore très récemment (dix ans), pour être quatrième aujourd'hui. Il est nécessaire de redynamiser notre savoir-faire pour entamer un processus de réindustrialisation. Il est nécessaire que cette réindustrialisation s'appuie sur notre savoir-faire, et ce qui existe déjà, notamment en régions, dès lors que certaines ont établi un tissu, un écosystème, qui permettra le redéveloppement de structures industrielles.

Enfin, le travail de cartographie est essentiel pour avoir une vision claire, partagée et exhaustive de la structure du tissu industriel en France. Par ailleurs, il est important de connaitre la nature de ce tissu, qu'il s'agisse de principes actifs ou de produits finis, très variable selon les sites.

En ce qui concerne le pacte industriel pour le médicament, le LEEM a travaillé sur un certain nombre de recommandations selon deux axes.

Le premier est celui de la compétitivité. Notre tissu industriel est vieillissant. L'essentiel des produits que nous produisons en France sont issus de la pharmacopée d'hier ; 30 % de notre fabrication sont des génériques. À l'opposé, seul 3 % sont des anticorps monoclonaux. Notre savoir-faire, que nous devons préserver, a été mis sous une pression insupportable par une régulation extrêmement efficace. En conséquence, ces produits génériques, matures, fortement exposés à une concurrence internationale ont fini sur des chaines de coûts et de valeurs très tendues. Cette régulation a créé cette délocalisation à laquelle on a assisté sur les produits matures.

Le second élément est l'attractivité. Il essentiel que bien plus de 3 % des anticorps monoclonaux soient fabriqués en France. Il en est de même pour les nouvelles thérapies géniques et cellulaires ou les nouvelles thérapies géniques.

En matière de stratégie industrielle et de stratégie publique en général, nous devons avoir à l'esprit ces deux éléments d'une équation différente selon que l'on parle de compétitivité ou d'attractivité des entreprises, sur la pharmacopée de demain.

L'enjeu pour la compétitivité est de faire en sorte que les conditions économiques soient restaurées et assurées a minima, pour éviter que ces médicaments ne partent à l'étranger (principalement les molécules chimiques). En ce qui concerne les molécules biologiques, une attractivité est à constituer sur le territoire. Je rappelle qu'elle dépend de la cohérence de l'ensemble de la chaine du médicament.

J'insisterai enfin sur deux axes qui me semblent importants.

Le premier est de faciliter et d'encourager l'investissement par des mesures fiscales ou administratives sur le territoire, pour produire en plus grande quantité des médicaments, ainsi que de moderniser et de créer de nouvelles structures.

Le second aspect est de garantir la soutenabilité économique d'une filière «  made in Europe  ». J'ai déjà évoqué l'effet extrêmement délétère et direct de la régulation sur ce tissu industriel. En dix ans, le chiffre d'affaires régulé du médicament est resté parfaitement stable et la France est passée, en parallèle, du premier rang au quatrième rang des pays européens producteurs. Par ailleurs, la France est passée du premier pays européen en matière de recherche clinique au quatrième, sur la même période. Si la régulation a été efficace sur les comptes publics, elle a été, en revanche, nuisible sur l'attractivité et la compétitivité du territoire.

Je voudrais revenir sur les propositions pour une politique de médicaments ambitieuse telle que nous l'envisageons au LEEM. Il s'agit de favoriser les investissements et de sécuriser l'approvisionnement (prix planchers, système de critères d'origine dans les appels d'offres à l'hôpital). En outre, il est nécessaire d'accélérer la bioproduction et donc l'attractivité. Dans ce domaine, le crédit d'impôt recherche (CIR) a été efficace, mais il peut être adapté et amélioré.

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