Intervention de Philippe Lamoureux

Réunion du mercredi 17 novembre 2021 à 14h30
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Philippe Lamoureux, directeur général du LEEM :

Le stock est un sujet récurent. Suite à un débat récent à l'Assemblée nationale, lors de la discussion du PLFSS pour 2021, un texte a été adopté et il traduit, je crois, un certain équilibre. J'insiste sur trois points.

Tout d'abord, il est important de pencher sur la façon dont on utilise les chiffres. Souvent, des chiffres mis en avant mélangent les déclarations de risques de ruptures des ruptures avérées. Depuis 2016, les industriels ont une obligation de déclaration des risques de ruptures, mais en réalité, elles sont bien moins les ruptures effectives sont bien moins nombreuses que les risques. Sur 2 500 déclarations de risques de ruptures, seuls 5 à 10 % sont réels, soient 120 à 140 ruptures, par rapport à 15 000 médicaments commercialisés.

Ensuite, l'allongement de la durée de stockage est une mauvaise solution, puisque cela aggraverait les ruptures actuelles, pour trois raisons :

– les médicaments à risque de rupture sont souvent des médicaments anciens génériqués à faibles marges. Imposer des obligations de stockage sur ces produits dissuaderait des entrants sur le marché. Des petits génériqueurs ne rentreront pas sur un marché dans lequel vous avez une obligation de stockage qui dégrade la rentabilité de l'exploitation du produit sur le territoire ;

– les laboratoires princeps risqueraient de cesser la commercialisation des molécules. La politique très active en faveur des génériques menée par les gouvernements successifs, montre des taux de pénétration de ces médicaments jusqu'à plus de 80 %. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a parfois demandé aux laboratoires princeps de reprendre la production du fait de la défaillance des génériqueurs ;

– la troisième raison est l'effet de contagion. Si la France allonge ses durées de stocks, nos voisins européens feront de même. Par exemple, si la France durci ses conditions de stockage, le Royaume-Uni fera de même, ce qui peut être problématique à la suite de son retrait de l'Union européenne. Si nous avons pu nous approvisionner pendant la crise de la Covid-19, c'est grâce à la mondialisation. Cela nous a permis de rattraper certains produits vers les patients, là où étaient les besoins. Si les durées de stockage avaient été plus strictes, nous aurions été en rupture. L'enjeu de notre réflexion est donc de relocaliser sans démondialiser. Sur les stocks, nous avons atteint un point d'équilibre. Afin de mieux anticiper les situations problématiques, nous avons créé un outil, « Track Stock », à la disposition des autorités de santé. Par ailleurs, nous avons rédigé une liste des médicaments d'intérêt stratégique sanitaire (MISS) pour lesquels il n'existe pas d'alternative thérapeutique et dont la rupture entrainerait un risque vital. Cette liste est plus restrictive que celle des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) qui englobe la moitié de la pharmacopée existante.

Enfin, à propos de l'exemple de la Finlande que l'on nous oppose régulièrement, je rappellerais que le pays représente 0,3 % du marché mondial et est totalement dépendant de l'importation. Le stock a, effectivement, une durée plus longue, mais est financé par l'État.

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