Intervention de Henri Lagarde

Réunion du mercredi 17 novembre 2021 à 16h00
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Henri Lagarde, chef d'entreprise, ancien président du groupe Thomson Électroménager et du groupe Guyomarc'h :

Je vais présenter les dix pays phénix. Au-delà de tout système de pensée, je préfère exposer des exemples qui fonctionnent très bien. Huit sur les dix sont situés en Europe.

Selon moi, la compétitivité de nos entreprises est anéantie par la fiscalité.

Prenons trois entreprises qui font vingt millions d'euros de chiffre d'affaires chacune.

(image non chargée)

Nous observons une fiscalité à 35,2 % sur les salaires, tandis que les Allemands sont à 16,5 % et les Danois à 0 %. Les impôts de production sont perçus sur le résultat courant avant impôt (RCAI), ce qui implique qu'une entreprise peut perdre de l'argent, mais être astreinte à ces impôts de production. Ce n'est pas le cas en Allemagne ou au Danemark. En France, l'impôt sur les sociétés représente 30,1 %, alors qu'il est bien plus faible dans les deux autres exemples. Nous constatons, par conséquent, que les profits nets sont très différents. Les prélèvements totaux s'élèvent pour l'entreprise française à 2 915 000 euros, soit 106,4 % du RCAI. Si nous mettons maintenant ces trois entreprises sur un pied d'égalité pour comparer les fiscalités, nous obtenons 92 % en France, 39,9 % en Allemagne et 29,9 % au Danemark. L'écart est très important et explique quasiment à lui seul la disparition de l'industrie française.

En 1973, notre industrie représentait 23,4 % du PIB contre 10 % aujourd'hui. Le chômage était de 3 à 4 % et il est passé à 8,4 % en 2009, pour atteindre aujourd'hui un taux de chômage réel de 19,2 %, puisque les classes A à E de Pôle emploi reçoivent une indemnité mensuelle, et je ne prends pas en compte les formations et les arrêts maladie. Notre pays est donc démoralisé et champion des transferts sociaux, qui représentent 32,1 % du PIB quand la moyenne européenne est 19,2 %, et celle de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) 23,2 %.

Il existe au sein de l'Europe des pays culturellement très différents, Danemark, Finlande, Suède, Norvège et Irlande, mais également dans l'hémisphère Sud, Nouvelle-Zélande et Australie, qui étaient en crise grave avant d'être, aujourd'hui, en budget positif. Leurs taux de croissance sont supérieurs au nôtre.

En 1973, toujours, nous étions le quatrième pays au monde en termes de PIB par habitant. Nous avons rétrogradé à la quinzième place depuis. Dans les pays les mieux classés, le choix n'a pas été fait de relancer la consommation pour soutenir l'offre, mais plutôt de relancer les conditions générales de fonctionnement de l'industrie.

L'Allemagne, le Danemark, notamment, ont pratiqué une baisse de l'impôt sur les sociétés, de 55 % à 15 % aujourd'hui. En France, nous sommes à 28 %. Ces baisses ont été financées par la hausse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de l'impôt sur le revenu des particuliers (IR), par la suppression des niches fiscales et celle des dépenses publiques.

En France, il est nécessaire de préparer l'opinion publique, notamment en envoyant des journalistes, des salariés, des patrons et des syndicats observer sur place le fonctionnement des pays que je cite en exemple. Il est également essentiel de faire preuve de pédagogie en expliquant ce que signifie la création de richesses. Quand nous consommons de la richesse, nous la détruisons. Nous devons, absolument, engager les salariés et l'opinion publique dans une nouvelle relation sociale.

Je propose donc de limiter à 15 % les cotisations sociales, à 15 % du RCAI les impôts de production et à 15 % l'IS. De nombreux pays fonctionnent avec ces chiffres. Le financement de cette proposition est chiffré entre 85 et 100 milliards d'euros. Nos prélèvements obligatoires seraient donc de 45 %, proches du 39 % allemand, mais bien supérieurs aux 29 % danois.

Ces pays ont beaucoup moins de prélèvements obligatoires sur leurs entreprises, mais ils vont payer la même TVA que nous sur le marché français. En d'autres termes, nous subventionnons les importations.

Une baisse de la TVA pourrait sembler induire une diminution de l'inflation, mais les prix, contrairement à ce nous pourrions croire, ont tendance à baisser. J'en veux pour preuve l'exemple de Woodrow Wilson, en 1916, pour sa réélection. Quand l'Allemagne a, par deux fois, augmenté sa TVA, les prix ont baissé, mais les Allemands pensent, à tort, qu'abaisser de nouveau la TVA réduira les prix. Le Danemark a un taux moyen de TVA de 23,5 % et n'a aucun problème d'inflation.

Mes propositions s'appliquent sur dix ans avec tout d'abord la préparation de l'opinion publique, puis la baisse des prélèvements obligatoires, la hausse de la TVA et enfin la baisse des dépenses collectives.

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