Intervention de Frédéric Visnovsky

Réunion du mercredi 17 novembre 2021 à 17h30
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Frédéric Visnovsky, médiateur national du crédit et secrétaire général adjoint de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution :

J'évoquerai brièvement l'activité de médiation du crédit et je complèterai mon propos liminaire à partir des analyses qui sont produites, sur la question du financement de l'industrialisation, par l'Observatoire du financement des entreprises que je préside en tant que médiateur. Par ailleurs, son prochain rapport portera sur les défis de l'investissement des entreprises et de son financement.

La médiation du crédit est un service de la Banque de France qui permet à toute entreprise qui fait face à des difficultés d'accès au crédit bancaire ou à l'assurance-crédit de bénéficier d'un accompagnement. C'est un service de proximité, développé au sein des territoires par les succursales de la Banque de France, mis en place à la suite de la crise précédente. Pour près de 23 000 entreprises, 420 000 emplois ont pu ainsi être préservés pour un total de 7 milliards d'euros de crédit. Le dispositif avait donc déjà fait ses preuves avant la crise liée à la Covid-19. L'activité du dispositif avait été réduite parce que l'accès au crédit était facile : une enquête trimestrielle de la Banque de France à paraître confirme qu'il n'y a pas de problèmes d'accès au crédit sur les crédits de trésorerie ou les crédits d'investissement avec des niveaux d'accès similaires à la situation avant la crise.

Durant la crise sanitaire, la médiation a été fortement mobilisée, essentiellement sur les questions des prêts garantis par l'État (PGE) distribués massivement avec 700 000 prêts pour un montant de 142 milliards d'euros. Notre activité de 14 000 dossiers a été très significative, quatorze fois supérieure à notre activité avant la crise, et est à mettre en regard avec le déploiement important des PGE. Aujourd'hui, nous notons un retour progressif à une situation d'avant crise.

L'Observatoire du financement des entreprises présente un intérêt très particulier puisqu'il réunit l'ensemble des parties prenantes. Nous avons, à la fois, les représentants de l'ensemble des organisations d'entreprises, comme la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) ou l'Union des entreprises de proximité (U2P), les financeurs qui regroupent les banques traditionnelles et les nouveaux financeurs, ainsi que les différents organes publics comme la Banque de France, l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et la direction générale du Trésor.

Depuis sa création en 2010, l'Observatoire a produit plusieurs rapports qui montrent que le tissu économique souffre d'un certain nombre de problèmes, mais qui ne relèvent pas du financement. La progression du crédit aux entreprises est continue et très forte. Les problèmes tiennent donc à d'autres facteurs, à savoir un nombre insuffisant de petites et moyennes entreprises (PME) exportatrices, des investissements pas toujours orientés vers l'innovation, un déficit d'entreprises de taille intermédiaire, des paramètres financiers (fiscalité, règlementation, positionnement en gamme dans les différents produits) ou culturels.

Un deuxième point était souligné dans ces différents rapports qui tenaient à l'offre de financement en matière de capital-risque de développement, où résidait une insuffisance. Les chiffres récents montrent une amélioration. Concernant les problèmes de financement de la part des assureurs en raison de contraintes réglementaires soulevés, des évolutions sont depuis intervenues.

Enfin, nous constatons une modification du partage entre le financement de marché et le financement bancaire, essentiellement du fait des grandes entreprises. À l'heure actuelle, le crédit bancaire représente 63 %, et le financement par le marché 37 %. Le financement bancaire est, bien évidemment, essentiel pour les petites entreprises.

Il ressort de ces rapports que dans la problématique de développement des entreprises et de désindustrialisation, le sujet n'est pas l'accès au financement.

Plusieurs travaux se sont intéressés à la désindustrialisation, comme le rapport de France Stratégie Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales de novembre 2020, une note de la Banque de France analysant les causes de la désindustrialisation et le rapport de M. François Villeroy de Galhau sur le financement de l'investissement des entreprises remis au Premier ministre en septembre 2015.

Je retire de ces éléments et des travaux engagés dans le cadre de l'Observatoire quatre causes de la baisse de la part de l'industrie dans le produit intérieur brut (PIB) de la France : tout d'abord, une explication très claire en termes de compétitivité-coût qui est largement liée à la fiscalité, mais aussi le fait que notre industrie n'est pas montée en gamme à l'inverse de pays comme l'Allemagne. En outre, nous avons connu un mouvement de délocalisation pour avoir accès à des coûts de production plus faibles. Enfin, on peut noter une réduction de la proportion des consommateurs à consommer des produits industriels manufacturés par rapport à des services.

Plutôt que les questions de financement, ces quatre éléments paraissent expliquer la dynamique de réduction de l'industrialisation. Par ailleurs, le taux d'intérêt des banques françaises est en moyenne inférieur, pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE), aux autres pays européens. Ce n'est pas pour autant que nous ne devons pas aborder le sujet du financement. Le rapport de François Villeroy de Galhau de 2015 sur le financement de l'investissement des entreprises posait des questions de mobilisation et de meilleure orientation de l'épargne.

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