Intervention de Nicolas Dufourcq

Réunion du jeudi 18 novembre 2021 à 14h30
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d'investissement :

La Caisse des dépôts et consignations est notre actionnaire. Elle se limite à financer les infrastructures. Elle se retrouve essentiellement dans le financement des projets et des friches industrielles, tandis que Bpifrance finance les entrepreneurs. Il arrive que nous partagions certains dossiers, dans lesquels Bpifrance finance l'entrepreneur en capital et en crédit alors que la Caisse injecte ses fonds propres dans l'infrastructure sous-jacente, notamment pour la transition énergétique. Une autre frontière entre ces deux acteurs concerne l'actionnariat dans les très grandes entreprises françaises. La direction de gestion d'actifs de la Caisse gère 250 milliards d'euros. Elle investit son portefeuille, mais elle n'est jamais présente dans les conseils d'administration des entreprises. Elle ne s'inscrit pas dans une perspective de capital patient et n'est actionnaire actif que parce qu'elle vote aux assemblées générales. De son côté, BpiFrance n'investit jamais si elle n'est pas présente dans les conseils d'administration, que l'entreprise concernée soit cotée ou non. Elle investit en outre pour de nombreuses années. Elle ne gère pas des actifs, mais des capitaux propres. Les métiers et la culture des individus sont différents.

L'APE, qui est notre actionnaire à 49 %, se concentre sur les infrastructures souveraines de la nation : les réseaux d'électricité, la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), les aéroports ou les télécommunications à travers sa participation dans Orange. Elle cible par ailleurs le monde de la souveraineté pure, c'est-à-dire la défense, avec Airbus, Dassault, Thales ou Safran. L'APE assure également des missions ponctuelles en fonction de l'état d'esprit du moment. En juin 2020, elle a été dotée par l'Assemblée nationale d'une enveloppe importante de 20 milliards d'euros pour parer à l'éventualité d'un krach brutal de l'économie française imposant de venir au secours d'un grand nombre d'acteurs. Nous ne connaissions pas à l'époque la nature ni la profondeur de ce risque. Nous ignorions que la recette du prêt garanti par l'État, du fonds de solidarité et de Bpifrance s'avérerait suffisante. Ce compte d'affectation spéciale de participations financières de l'État n'a donc pas été réellement consommé et s'est trouvé disponible en renfort de l'action de la Bpifrance. Il a financé le fonds automobile, le fonds aéronautique et le fonds nucléaire mis en place avec EDF. Il n'est pas exclu que de nouveaux fonds soient créés sur d'autres thématiques.

Notre activité de fonds de fonds privés est développée sur nos fonds propres ainsi qu'avec des ressources financières fournies par le programme d'investissements d'avenir (PIA), des assureurs, la Caisse des dépôts et, désormais, l'APE. Toute une gamme de financeurs publics converge ainsi vers une seule et même équipe de Bpifrance, composée de 25 personnes et située boulevard Haussmann, qui dirige le fonds de fonds de Bpifrance avant de le répartir sur toute la profession du capital investissement français.

La décision la plus récente du ministre a porté sur la création du fonds de transition de 3 milliards d'euros pour soutenir des entreprises en difficulté dans une zone « suffisamment grise » pour qu'il soit difficile à Bpifrance d'intervenir en investisseur avisé. Nous sommes en effet une banque régulée par la Banque centrale européenne. L'État et la Caisse des dépôts nous fixent des objectifs de rendements. Bpifrance n'a ainsi pas pu investir dans Petroplus, dans l'usine sidérurgique de Florange, dans Mory TNTE ou dans les poulets Doux. En son temps, le ministre M. Arnaud Montebourg avait créé une enveloppe dans ce cadre, dont le fonds de transition est une version actualisée avec une gouvernance différente, comportant par exemple des consultants. Il n'est pas certain qu'un grand nombre de dossiers seront adressés au guichet du fonds de transition. L'économie française se porte en effet plutôt bien et les entreprises qui sont en difficulté se trouvaient déjà dans cette situation avant la crise sanitaire.

En raison de la crise de la Covid-19, entre août 2020 et janvier 2021, la direction générale des entreprises (DGE) a instruit des dossiers nominatifs pour plus d'efficacité. Cependant, dans l'esprit de M. Thomas Courbe, son directeur général, que vous auditionnerez prochainement, l'instruction de dossiers nominatifs relève du rôle de Bpifrance et non de la DGE. À partir de janvier 2021, Bpifrance a de nouveau procédé à ces instructions sur les plans de l'automobile et de l'aéronautique. Dans le cadre du plan France 2030, ce sera également son rôle. L'infrastructure publique nationale qui permet d'orienter des capitaux vers des milliers d'entreprises sera assurée par les ingénieurs de Bpifrance de la direction de l'expertise et les 50 directions régionales de notre établissement comportant des ingénieurs et titulaires de doctorat ou PhD.

Aux débuts de Bpifrance, nous déployions environ 400 millions d'euros de subventions du PIA auprès des entreprises françaises. Il n'existait pas de prêts d'innovation ou d'amorçage. Les subventions comprenaient les anciennes aides à l'innovation de l'Anvar et les programmes collaboratifs du PIA. En 2022, le budget s'élève à 5 milliards d'euros. Il a été multiplié par 10. Pour traiter cette volumétrie de dossiers, nos équipes se sont amplifiées. Entre le lancement d'un appel à manifestation d'intérêts et le financement du dossier, il s'écoule en moyenne trois mois. Nous avons bâti une infrastructure capable d'instruire rapidement ces dossiers, composée d'ingénieurs et non de banquiers, à Paris et dans les territoires. L'instruction est parfois partagée avec les conseils régionaux ou l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) pour les programmes liés à la décarbonation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.