Intervention de Laurent Fompeyrine

Réunion du mercredi 24 novembre 2021 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Laurent Fompeyrine, directeur ingénierie globale santé animale et projets d'investissements de Boehringer Ingelheim France :

Je me réjouis de l'intérêt que voue cette commission aux enjeux industriels ainsi qu'à la nécessité de développer des politiques publiques en faveur de la réindustrialisation. Ces sujets me tiennent particulièrement à cœur du fait de mon parcours professionnel de quarante ans dans l'industrie. J'ai d'abord travaillé chez Airbus à Toulouse pendant cinq ans, avant de rejoindre l'industrie pharmaceutique chez Rhône-Poulenc, puis Sanofi, Merial et enfin Boehringer Ingelheim. Cette société pharmaceutique familiale européenne est indépendante des marchés financiers et intervient à la fois en santé humaine et en santé animale. Elle trouve ses racines industrielles en Allemagne et en France depuis le rachat en 2017 de Merial, filiale vétérinaire de Sanofi. Boehringer Ingelheim se situe à la première place mondiale des groupes pharmaceutiques non cotés ainsi qu'à la seconde place dans le secteur de la santé animale.

Le choix d'implanter une usine repose sur un panel multifactoriel de critères qu'il est important de connaître pour construire une politique industrielle pragmatique. De nombreux critères sont évalués afin de nous aider à faire notre choix d'implantation. Parmi ces critères figurent le capital humain, c'est-à-dire l'ensemble des compétences et des savoirs disponibles dans les pays et les régions d'implantation que nous envisageons, l'écosystème technologique et scientifique comme les réseaux localement existants, la proximité entre la recherche et la production, ou encore la fluidité des partenariats entre les acteurs privés et les institutions publiques.

La corrélation entre le cadre législatif local et les aspects réglementaires, en général internationaux, qui régissent nos produits, principalement des médicaments et des vaccins, constitue également un critère important. Je pense aussi que le délai d'accès au marché est un facteur de choix crucial pour une entreprise pharmaceutique. Bien entendu, un certain nombre de critères économiques liés aux analyses techniques et financières entrent en jeu, comme l'anticipation des coûts d'exploitation, c'est-à-dire les productions pharmaceutiques, les contrôles réglementaires, les contrôles des procédés et la distribution des produits.

Les critères géopolitiques peuvent également être pris en compte. Par exemple, le choix d'implanter en région lyonnaise le principal site de production de vaccins contre la fièvre aphteuse en France est lié en grande partie à l'accès au marché européen. Nous avons reçu un soutien de la France sur un plan réglementaire, en vue de fournir les autorisations administratives de production en France pour ce projet. L'ensemble de ces aspects nous a amenés à faire le choix de ce projet, qui constitue un investissement d'environ 300 millions d'euros.

Boehringer Ingelheim se spécialise sur les deux secteurs de la santé, humaine et animale, et dispose donc d'une vision globale des enjeux de santé. Il est clair que la politique française sur la santé humaine peut avoir une influence sur les décisions prises dans le secteur de la santé animale.

Deuxièmement, en ce qui concerne la chaîne d'approvisionnement, l'enjeu de la diversification importe davantage que celui de la localisation. En effet, la stratégie industrielle d'un groupe international doit aujourd'hui s'appuyer sur une diversification des sites pour être proche de ses marchés de référence et donc répondre à une demande internationale croissante. Faire le choix d'une stratégie industrielle internationale n'implique pas nécessairement une délocalisation. À titre d'exemple, plus de 78 % des traitements produits par Boehringer Ingelheim en santé humaine et mis à disposition des patients français sont intégralement produits en Europe, y compris leurs principes actifs, ce qui est primordial. Pour la santé animale, 68 % des médicaments distribués en France sont produits en Europe. Si nous faisons le choix de maintenir une empreinte industrielle forte en France et en Europe, il est également essentiel d'implanter des usines sur les marchés américains et asiatiques auprès de nos clients, mais également d'assurer une diversification de nos fournisseurs pour parer d'éventuelles failles dans la chaîne d'approvisionnement en matières premières. Faire le choix du 100 % local ne permet donc pas d'assurer la sécurité de la chaîne de production et d'approvisionnement.

Si la France veut attirer les usines de demain, elle doit prioritairement investir dans l'éducation et la formation. Afin de conduire une politique industrielle efficace, de nombreux leviers doivent être activés, dont le plus important serait à mon sens celui de l'éducation, de la formation et de l'apprentissage. En France, nous manquons cruellement d'ingénieurs pour réaliser nos projets et pour gagner le combat de la reconquête industrielle. Je pense qu'il faut particulièrement inciter dans les années à venir les jeunes Français à s'orienter vers des études d'ingénieur ou des études techniques pour ensuite accéder à des emplois industriels.

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