Intervention de Alain Sainsot

Réunion du mercredi 24 novembre 2021 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Alain Sainsot, président de GTP-Bioways :

J'ai commencé ma carrière d'industriel comme directeur d'usine, puis je suis devenu directeur industriel avant d'entreprendre. Je suis actuellement directeur d'une « jeune pousse » (startup) qui développe des thérapies innovantes, notamment sur les applications des nanotechnologies. Nous travaillons actuellement sur plusieurs projets de développement de vaccins contre la Covid-19.

Je suis quelque peu attristé des débats actuels parce que voilà quelques années, j'avais l'occasion d'affirmer que la France était « fâchée » avec ses usines. Lorsque j'étais étudiant en pharmacie, certains intervenants me conseillaient de me diriger vers le marketing ou la vente plutôt que vers la production industrielle, presque régressive car nous traversions alors la grande époque du concept d'industrie sans usine ou fabless.

Il est frustrant de savoir que nous sommes aujourd'hui réunis pour évoquer la désindustrialisation alors que nous bénéficions en France d'un environnement e xtrêmement favorable, que ce soit sur les aspects logistiques, techniques ou sanitaires. Il nous revient de comprendre les raisons ayant mené à cette situation et de promouvoir notre outil industriel grâce aux technologies de communication dont nous disposons. Le système de contraintes présent dans les usines est souvent dénoncé, mais il ne me paraît pas plus difficile que les conditions de travail des livreurs Uber ou Deliveroo, notamment dans l'industrie du médicament qui dispose de moyens financiers considérables. Nous ne donnons pas assez envie à nos jeunes de venir travailler dans nos usines. Le discours ambiant consiste à séparer la vie professionnelle de la vie personnelle, ce qui n'est pas nécessaire. J'ai œuvré à cela en organisant notamment des journées portes ouvertes pendant lesquelles les enfants des salariés pouvaient venir visiter l'usine et observer leurs parents travailler.

Le plus grand acteur européen de la bioproduction est localisé en Irlande, ce qui s'explique par des raisons fiscales. Il faut avoir le courage de s'installer en France où nous disposons de magnifiques universités, de centres de formation tout à fait remarquables et de centres hospitaliers universitaires (CHU) extraordinaires. Nous rencontrons toutefois des difficultés à faire travailler l'académique avec l'industriel : de ce fait, il est aujourd'hui difficile de trouver de la main-d'œuvre en agronomie, en laboratoire, en pharmacie ou encore dans la production de semi-conducteurs. Cinq millions d'opérateurs ont disparu du marché du travail aux États-Unis pour une raison inconnue. La filière française de bioproduction est ainsi quasiment réduite à néant, au point que je ne trouve plus les composants nécessaires au développement de mes médicaments, notamment en immunothérapie et en oncologie. Il n'existe plus d'équipementier ni de fournisseur de composants français.

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