Je comprends votre plaidoyer pro domo et je vous reconnais un talent de présentateur. Le plan de relance dans son volet industriel, en dehors d'un certain nombre de choix effectués, ne fonctionne pas comme il se doit. Il prend la forme d'appels d'offres multicritères et multidécisionnaires. Pour réindustrialiser, il est nécessaire de savoir ce que nous devons et souhaitons produire en France. Or le plan de relance, que j'ai examiné avec des amis entrepreneurs, ne propose pas d'analyse sectorielle et ne témoigne d'aucune volonté engagée et planifiée de reconquérir les parts de marché perdues aux prix mondiaux. Cet élément est laissé au libre jeu du hasard de la rencontre entre des appels d'offres ouverts et sectoriels. Cette mécanique de rencontre entre initiatives privées et propositions publiques ressemble au « jeu de l'amour et du hasard ». J'avais connaissance du cas d'une entreprise qui souhaitait relocaliser. Or nous n'arrivions pas à obtenir un bon niveau de subvention à cause de l'Union européenne. Il s'agissait d'un secteur sans appel d'offres public qui concernait le champ de la sécurité sociale. Nous aurions pu imaginer la mise en place des embryons d'une industrie future, créatrice d'emploi sur les territoires. La bureaucratisation du plan de relance, y compris dans ses aspects positifs, a toutefois affaibli cette entreprise. Votre réponse sur le plan microéconomique est insuffisante. Sur le plan macroéconomique, notre croissance atteint heureusement les 6 % après les pertes essuyées l'an dernier, mais il s'agit d'un rattrapage. La quasi-totalité des pays européens se situe au plein-emploi et compte ainsi entre 3 et 5 % de chômeurs. De notre côté, nous recensons encore 5,5 millions de chômeurs en catégories A, B et C. Quant aux chômeurs de longue durée, ils sont plus nombreux qu'avant la crise.
La tension dans l'industrie existe depuis longtemps. Les dirigeants d'entreprise industrielle indiquent proposer de bonnes rémunérations sans attirer de candidats. Dans l'agriculture, le problème se pose également. Il n'existe pas de politique d'immigration économique assumée, alors que de nombreux secteurs tels que celui de l'agriculture requièrent un système clair à ce sujet. Il existe 57 métiers en tension avec des emplois non pourvus. Nous sommes moins doués que nos amis et partenaires européens. La directive européenne (UE) 2018/957 du 28 juin 2018 sur les travailleurs détachés, qui s'apparente à mon sens à du dumping social à domicile, représente 500 000 emplois dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics (BTP) et des transports. Elle montre que nous n'avons pas su gérer l'évolution des compétences. À ce sujet, le plan de relance comporte un volet utile : les compétences. La réforme de la formation professionnelle de 2018 est consumériste et ne règle pas le sujet. Nous allons faire face à de tensions fortes sur tous ces sujets.