Je le crois volontiers. Il s'agirait d'une amélioration significative. Des salariés qui participent à la gestion de l'entreprise, qui connaissent le terrain, voient les difficultés et ont une approche humaine et concrète ne peuvent que représenter une contribution bénéfique pour une entreprise. Dans certaines sociétés comme Orange, les salariés actionnaires détiennent une part élevée du capital. Les salariés y jouent un rôle très actif comme actionnaires dans les organes de gestion de l'entreprise. Il ne s'agit pas d'une cogestion, mais d'une contribution particulièrement active avec des salariés formés aux perspectives de l'entreprise. Ces derniers décryptent et travaillent sur toutes les filiales. J'ai assisté à plusieurs assemblées générales des actionnaires salariés d'Orange pour échanger avec eux. Il existe un syndicat majoritaire qui joue un rôle important. Indépendamment de la syndicalisation, ce sont d'abord des salariés qui participent de la pérennité, de l'outil de travail et des perspectives. Le conseil d'administration ne peut pas agir comme il le souhaite. Les décisions de fusions et d'acquisitions sont dès lors prises différemment. Les choix d'investissement ne sont pas non plus les mêmes. Les choix de rémunération du capital font l'objet de négociations, d'un arbitrage entre salaires et dividendes. Toutefois, l'intérêt social de l'entreprise est préservé et renforcé.
Une loi permet d'intégrer, dans les entreprises de plus de 5 000 salariés, un certain pourcentage d'entre eux au conseil d'administration. Néanmoins, nous comptons peu d'entreprises de plus de 5 000 salariés sur le sol français. Un accord est nécessaire sur le partage de la rétribution du capital, la présence dans les conseils d'administration et une meilleure rémunération par l'intéressement, au fonctionnement de l'entreprise. L'Allemagne et les pays du nord de l'Europe ont conservé une industrie parce que l'alliance entre le capital et le travail fonctionne au quotidien. Le territoire et l'outil de travail subsistent.
La France est-elle capable d'imiter ce processus ? Il me semble que oui. Il existe un désir de participation accrue. Je suis partisan d'une parité. Dans une entreprise comme Renault où l'État est actionnaire, mais absent, il existe deux administrateurs indépendants au sein du conseil, tandis que les autres membres de cette instance sont des amis du président qui ont été cooptés. M. Carlos Ghosn a réussi à propulser l'alliance Renault-Nissan en tant que numéro un mondial en termes de volumes de véhicules produits. Si des salariés avaient siégé à parité au sein du conseil d'administration, la stratégie aurait davantage été modérée sur le plan mondial, mais les usines seraient moins dégarnies. J'ai souvenir d'une négociation qui aurait dû avoir lieu dans le cadre du conseil d'administration. Les organisations syndicales, M. Carlos Ghosn et son directeur des ressources humaines bataillaient pour savoir si l'accord de compétitivité qui allait être signé et permettait de rapatrier la fabrication de 300 000 véhicules Renault dans les usines françaises pouvait faire l'objet d'une mesure « au trébuchet » sur la répartition de la nouvelle Clio 4 entre l'usine de Bursa en Turquie et celle de Flins. L'accord a abouti, le groupe a embauché 5 000 personnes. Ce type de négociation, que j'ai imposé lorsque j'étais au gouvernement, correspond au travail du dialogue social dans l'entreprise. Je suis favorable à un système permettant aux salariés d'avoir du poids dans les décisions de l'entreprise. Les syndicats Force ouvrière (FO), la Confédération générale des cadres (CGC) et la Confédération française démocratique du travail (CFDT) avaient signé l'accord. Seule la Confédération générale du travail (CGT) s'était abstenue sans se déclarer opposée. Cela représentait 65 à 70 % des salariés. Il s'agissait d'un accord économique, social et industriel.