Depuis vingt ans, l'industrie française a été relativement mal traitée par la collectivité dans son ensemble, quels que soient les hommes et les femmes en charge des affaires publiques et privées. Ils semblaient imaginer que le pays pouvait trouver sa voie sans produire. L'industrie représente environ 80 % des exportations de notre pays. Notre balance commerciale est déficitaire en raison de la désindustrialisation massive que la France a vécue.
Le mérite revient à M. Arnaud Montebourg d'avoir parlé pour la première fois de l'industrie alors qu'il était ministre de l'Économie, du redressement productif et du numérique entre 2012 et 2014. Le Président de la République, M. Emmanuel Macron, a ensuite recentré les débats. Sous M. Arnaud Montebourg a émergé l'idée d'une nouvelle France industrielle et 34 plans ont été proposés.
La plupart de ces plans relevaient d'une seule et même initiative, qui était l'industrie du futur. Cette dernière ne réside pas seulement dans la digitalisation. Il s'agit aussi de nouvelles technologies, de nouveaux matériaux et de nouveaux procédés pour décarboner l'industrie. Notre industrie connaissait alors un certain rebond. En 2017, nous avons créé en France des emplois nets dans l'industrie, après de nombreuses années de suppressions. Les mesures prises à la fin du quinquennat de François Hollande et leur accélération au début du quinquennat d'Emmanuel Macron ont permis un rebond de l'industrie, dont l'élan a été freiné par la crise sanitaire. Le plan de relance et le plan France 2030 ont toutefois permis d'atténuer ce choc exogène et permettront de poursuivre cette dynamique.
Cette désindustrialisation s'est traduite par le faible pourcentage de valeur ajoutée que l'industrie représente dans le produit intérieur brut (PIB) français, et qui s'élève à 10 %. Si l'industrie se porte mieux et que le moral des chefs d'entreprises est meilleur, ne perdons pas de vue qu'après un recul de la production manufacturière en France en septembre de 1,4 %, cette production manufacturière reste encore 6 % en dessous de la période antérieure à la crise de la Covid-19. Contrairement au PIB, l'industrie n'a pas retrouvé son niveau de production de la période antérieure à la crise sanitaire. D'importants efforts doivent encore être fournis. Nos concurrents se sont également dotés de plans de relance.
Il me semble que vous devriez penser à l'industrie dans toutes les dispositions que vous votez. Il faut miser sur les technologies de rupture, et faire de la décarbonation de l'industrie un objectif majeur de notre politique économique. Ces enjeux passeront par la promotion de la digitalisation de nos systèmes de production, en travaillant sur la conception de nouveaux procédés et systèmes énergétiques. L'hydrogène est fréquemment évoqué. D'autres solutions doivent également être pensées, telles que la captation et la séquestration du carbone. Il faut aussi travailler sur notre indépendance énergétique. Le nucléaire constitue une partie de la réponse. Nous devons corriger nos faiblesses stratégiques dans les secteurs clés, en particulier celui des biotechnologies dans lequel nous avons pris du retard.
Il est possible de prendre une longueur d'avance parce que les cartes se redistribuent dans le domaine industriel. L'industrie du futur renvoie aux nouvelles technologies. Quand on parle de robotique, il faut aussi parler de cobotique, qui désigne la coopération entre le robot et l'homme, par exemple dans le cadre de logiciels embarqués. Les nouvelles machines intelligentes comme l'impression en trois dimensions (3D) « additive », tant pour le métal que pour le polymère, révolutionne les moyens et les modes de production en dehors de la production de masse. Pour des produits spécifiques, cette massification personnalisée caractérise la société postindustrielle que nous vivons et qui est une société « hyperindustrielle » de mon point de vue. Ces technologies sont parties prenantes de la transformation. De nouveaux matériaux entrent aussi en jeu. Pour élaborer un avion bas carbone, il faut penser à sa motorisation, mais également réfléchir aux moyens de l'alléger grâce à de nouveaux matériaux, qui vont au-delà des matériaux composites.
La réindustrialisation est possible. Tous les pays sont sur la ligne de départ. Relocaliser des industries qui ont déjà quitté notre territoire serait une erreur. Certes, certaines industries devraient être relocalisées à l'aune de notre indépendance, comme les principes actifs dans le domaine de la santé. Cependant, il faut avant tout localiser les industries de demain dans notre pays. Il ne s'agit pas simplement de produire de l'hydrogène en France, mais de produire sur notre territoire les différentes briques technologiques qui permettront de produire de l'hydrogène. Sinon, nous resterons dépendants de pays tiers pour des éléments clés de ce procédé comme l'électrolyseur.
La mise en place d'un écosystème favorable à cette réindustrialisation est indispensable. Il vous faut par conséquent poursuivre la baisse des impôts de production. L'entreprise Fives, que je préside, est une société née dans le nord de la France en 1811. Quand Fives décide d'investir à l'étranger, elle prend en compte les critères de qualité de la main-d'œuvre et des infrastructures, mais également l'attractivité fiscale. L'industrie française est pénalisée par ces impôts de production. Je comprends que les collectivités locales en vivent. En tant que députés, il vous revient de trouver des moyens originaux de compenser les collectivités locales. Taxer l'investissement et les salaires est dissuasif et pousse les industriels à délocaliser leurs usines. Il est possible de réindustrialiser notre pays si nous investissons dans les technologies de demain.