. Nous saluons l'initiative de cette commission d'enquête. La pandémie a douloureusement rappelé les conséquences de cinquante années de désindustrialisation et a mis en évidence l'incapacité des acteurs publics et privés à répondre aux besoins de la population ainsi que notre forte dépendance envers les approvisionnements étrangers. L'industrie joue un rôle clé pour bâtir une économie résiliente. La renforcer, c'est lui donner les moyens de relever les grands défis de l'humanité. Le soutien à l'industrie doit donc être la priorité de tout gouvernement. Ces dix dernières années, de nombreux rapports ont mis sous le feu des projecteurs la situation alarmante de l'état de l'industrie, souvent dénoncé par notre organisation syndicale. Depuis 2007, à chaque élection présidentielle, notre fédération publie un livre blanc de défense de l'industrie. Depuis les états généraux de l'industrie, en passant par la conférence nationale de l'industrie et le CNI, des échanges ont eu lieu et des actions ont été menées. Nous soutenons la stratégie industrielle française fondée sur la logique de filière. Malheureusement, et malgré les travaux réalisés par le CNI, nous ne sommes pas suffisamment entendus par nos gouvernants. Notre dernier livre blanc, intitulé Pour la défense de l'industrie sur notre territoire – acte IV, reprend nos analyses précédentes en défendant nos revendications et actions sur ce sujet. Il propose également un bilan des actions réalisées par les différents acteurs au sein de diverses instances, des corps intermédiaires et des gouvernants successifs avec nos commentaires négatifs ou positifs. Il développe un esprit critique sur des décisions susceptibles d'avoir dans le futur des conséquences dramatiques pour certains secteurs industriels et emplois. Nous préparons à ce jour un nouveau support qui sera adressé prochainement à tous les candidats de l'élection présidentielle. Nous espérons obtenir quelques réponses. Nous attendons des gouvernants et des politiques un sursaut patriotique et une stratégie industrielle de long terme sur notre territoire, pour qu'il ne subisse pas au gré du temps et des alternances les aléas politiques.
La crise de la Covid-19 a peut-être déclenché un sursaut des acteurs concernés en faveur d'une véritable politique industrielle. Nous avons pu constater le rôle important de l'industrie dans l'équilibre de notre économie. La désindustrialisation et les destructions d'emploi doivent vous inciter à repenser notre industrie et à réfléchir aux moyens de la promouvoir. Ce sont parfois des choix de chefs d'entreprise et de leurs conseils d'administration qui nuisent à nos fleurons industriels et à l'emploi dans les territoires. Il faut arrêter de brader l'industrie, ses brevets, ses savoir-faire et ses technologies. Des engagements mesurables et efficaces en faveur de l'emploi doivent être pris, y compris en passant par la conditionnalité des aides attribuées aux entreprises afin d'en évaluer la réelle efficacité. Le monde idéal n'existera jamais, mais nous pouvons chacun y contribuer en prenant les bons choix pour notre société. La France dispose d'atouts, mais en raison de mauvaises orientations politiques et de certaines lois, elle impose parfois des contraintes et des normes insupportables pour les entreprises et les salariés.
À la veille de la révolution numérique, il ne faut surtout pas opposer la vieille industrie et la nouvelle. Elles sont indissociables. 750 000 emplois industriels ont été perdus en dix ans. Le déficit de commerce extérieur de la France est très important. Il ne peut y avoir d'économie forte sans industrie forte. Certes, des actions ont été menées en faveur d'un renouveau industriel, comme la mise en place de la Banque publique d'investissement (Bpifrance), la relance du CNI ou le développement des CSF. L'industrie française peut compter sur des domaines d'excellence reconnus à l'échelle internationale, comme l'aéronautique, l'aérospatiale, le nucléaire, le luxe, la pharmacie, la gestion de l'eau et des déchets, ou l'industrie culturelle. Le tissu productif de la France est encore important avec des groupes puissants et des PME innovantes et dynamiques. Les ingénieurs français sont recherchés pour leur capacité d'adaptation, leur formation généraliste et leur productivité. Un autre atout est la fidélité des salariés à leur entreprise. Nombreux sont fiers de travailler pour leur groupe. L'industrie dispose de compétences nombreuses de technologies à caractère transverse : logiciels, systèmes complexes, micro- et nanotechnologies. Le plan de relance et le plan France 2030 seraient peut-être le signe d'une prise de conscience à la suite de la crise sanitaire. Le soutien à l'industrie y occupe une place importante, avec des mesures principalement axées sur la relance par l'offre. Cependant, nous craignons que les budgets pour atteindre ces objectifs soient insuffisants. En effet, 30 milliards d'euros sont évoqués sur 5 ans pour l'industrie, ce qui correspondrait à 0,2 % du PIB.
L'ambition de créer des « Airbus » du ferroviaire ou de la batterie est maintes fois répétée. Toutefois, le dialogue social et la pratique contractuelle sont aussi des moteurs de la compétitivité des entreprises lorsque les négociations sont loyales. Si notre pays peut s'enorgueillir des succès d'Airbus, c'est aussi parce que les organisations syndicales ont participé à sa construction. Près de 40 années de pratiques contractuelles auront été nécessaires pour bâtir ce géant économique dont le poids dans la balance commerciale française est écrasant. Son succès mondial repose pour une large part sur l'excellence et l'implication de ses salariés, lesquelles ont été rendues possibles par l'édifice social et industriel que les négociateurs ont contribué à bâtir au fil des décennies. Nous avons pu aussi constater le rôle des représentants des salariés et leur capacité à négocier des accords pendant la crise sanitaire afin de répondre à la situation dramatique dans laquelle se trouvaient de nombreuses entreprises.