La question de la transformation de la filière automobile n'est pas spécifique à la France ; elle se pose à l'échelle européenne. À quel rythme cette transformation doit-elle se faire ? Tout dépend de la situation de départ. Certaines entreprises n'ont pas fait l'objet d'investissements depuis quinze ans. Ainsi, à l'usine de Bridgestone, qui ferme parce qu'elle n'est pas assez compétitive, on n'avait plus vraiment investi dans l'outil de production depuis 2006, lequel est de ce fait devenu obsolète : qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ! Cela n'a pas empêché Bridgestone d'utiliser les compétences de l'usine pour aller former des équipes polonaises… Cela soulève des interrogations sur la manière dont on conçoit le pacte social qui lie les salariés et l'entreprise qui les emploie.
Autre cas de figure, celui des sous-traitants de moteur thermique. On est là confronté à un double problème : d'une part, l'évolution de la consommation, d'autre part, le fait qu'un moteur électrique est, du point de vue industriel, beaucoup moins compliqué à construire qu'un moteur diesel, qui suppose l'assemblage d'un nombre plus grand de pièces à forte valeur ajoutée. Comment ces entreprises vont-elles se repositionner ? Quel sera le coût de la transformation des compétences ?
La réponse du Gouvernement est d'essayer de trouver par tous les moyens des repreneurs et d'examiner les possibilités d'investissement. Mais lorsqu'on ne trouve aucune solution susceptible de garantir durablement le maintien de l'emploi dans l'entreprise, il vaut mieux s'engager vers la reconversion du site industriel et des salariés, ou orienter ceux-ci vers des employeurs qui ont de l'avenir. C'est ce qui s'est passé avec Bridgestone : après le refus par l'entreprise du scénario proposé, qui s'assortissait d'un investissement très important qui aurait permis de réorienter le site vers une production durable, nous avons dit à ses dirigeants que dans ces conditions, il faudrait assurer la reconversion du site et que cela coûterait très cher.
Pour ce qui concerne la transformation environnementale, le plan de relance automobile a permis d'accompagner 349 sous-traitants vers la modernisation et la diversification, dont une vingtaine de fonderies. Nous avons créé un fonds spécifique pour celles-ci, afin de soutenir les salariés dans leur rebond professionnel et d'anticiper les besoins en compétences, étant entendu qu'il y a, à l'échelle nationale, 70 000 postes à pourvoir dans l'industrie et 225 000 projets de recrutement. À Béthune, le taux de chômage est ainsi passé de 16 % à la fin 2016 à 12 % au premier semestre 2021.
On note enfin une corrélation entre la robotisation et l'emploi. La robotisation assure des gains de production qui permettent d'obtenir de nouveaux contrats et de pérenniser les productions. De surcroît, elle améliore considérablement les conditions de travail. C'est pourquoi nous soutenons la modernisation des chaînes de production. Il ne faut pas avoir peur des robots.