Je reviens sur un grand chantier qui a marqué le début du quinquennat d'Emmanuel Macron : la stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Elle a donné lieu à de grandes annonces en septembre 2018, il y a deux ans exactement, avec l'ouverture d'un chantier sur le service public de l'insertion (SPI) et le revenu universel d'activité (RUA). Une grande loi-cadre devait être rédigée pour 2020. Deux ans plus tard, alors que nous étions vraiment dans la concertation en tant qu'organisation représentative des associations de jeunes, tous les travaux ministériels et les concertations ont été stoppés par le confinement. Nous n'avons plus aucune nouvelle. Le poste de la secrétaire d'État qui était chargée de ce dossier, Christelle Dubos, n'existe plus. Il n'existe plus au sein du Gouvernement d'incarnation de la lutte contre la pauvreté.
Nous aurons l'occasion d'en parler avec la nouvelle secrétaire d'État à la Jeunesse, mais nous nous interrogeons sur ce revenu universel d'activité et ce qui existera en matière d'accompagnement. Nous défendons depuis 2014 l'ouverture du RSA aux jeunes de 18 à 25 ans parce que nous pensons qu'il s'agit d'une anomalie en Europe, qui n'est constatée qu'en France et au Luxembourg. Dans tous les autres pays, les jeunes ne sont pas considérés comme des « mineurs sociaux », alors que c'est le cas en France jusqu'à 25 ans.
Nous rappelons souvent que le RSA n'est pas seulement une allocation financière. Il existe déjà un parcours d'accompagnement associé. Certes, ce parcours est perfectible, nous pouvons avancer et le renforcer. Cet accompagnement peut passer par les missions locales, par le réseau Information Jeunesse, par les établissements pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE), le réseau des écoles de la seconde chance.
Avec le collectif Alerte et le collectif Big Bang des politiques jeunesse, nous avons appelé en juillet dernier à sanctuariser ce droit à l'accompagnement pour les jeunes dès 18 ans et à leur offrir des solutions. Le « Plan jeunes » annoncé en juillet comporte de bonnes mesures, mais aussi de nombreux oublis. Notamment, la garantie jeunes ne monte pas encore suffisamment en puissance pour atteindre tous ces jeunes.
En ce qui concerne la situation lors de cette rentrée, je pense effectivement qu'il est un peu tôt pour tirer un bilan. Je voudrais faire une remarque : nous avons vu pendant le confinement qu'il manquait une réserve civique. Elle avait été prévue par la loi Égalité et citoyenneté de 2017, elle était restée « dans les cartons » depuis plus de deux ans. Il a fallu que le confinement arrive pour qu'une accélération se produise et que ce dispositif voie finalement le jour en une semaine. Apparemment, cela a bien fonctionné. Nous savons que 300 000 personnes se sont inscrites sur la plateforme, mais nous ne savons pas combien de personnes se sont réellement portées bénévoles. Nous aimerions avoir des retours, notamment des jeunes, pour documenter cette plateforme, l'améliorer et mieux connaître l'engagement des jeunes en France. Le Forum français de la jeunesse n'a pas été associé à l'élaboration de cette plateforme et nous pensons que nous devrions, avec d'autres associations, être impliqués dans ce projet.
En ce qui concerne la couverture médiatique, ce n'est pas une nouveauté. Lorsque le Forum français de la jeunesse s'est créé en 2012, c'était aussi pour porter un autre discours sur les jeunes dans le débat public. Malheureusement, on constate du paternalisme, des clichés font les couvertures des journaux. Le covid-19 nous concerne toutes et tous. Les jeunes ont pris leur part dans les actions de solidarité durant le confinement, ils ont respecté les gestes barrières, ils se sont confinés comme leurs aînés et il serait temps d'avoir une couverture médiatique plus équilibrée. Je pense à la couverture réalisée par un grand journal national, qui ne sert pas ce quotidien. Au FFJ, nous donnons à voir d'autres images de la jeunesse, celles d'une jeunesse engagée, qui prend part aux transitions du monde.
Enfin, pour renforcer la démocratie et le rôle des associations dans les décisions qui les concernent, plusieurs mécanismes existent. Une clause d'impact jeunesse a été créée en France il y a quatre ans et fonctionne actuellement assez mal. Améliorons-la, allons plus loin dans ce dispositif qui permet aux projets de loi de prendre en compte l'impact qu'ils auront sur les jeunes. Pour plusieurs grandes lois phares de ce quinquennat, la clause d'impact jeunesse n'a pas été appliquée. Je pense en particulier à la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants. C'est tout de même dommage !
Un autre outil est le Conseil d'orientation des politiques de jeunesse (COJ) qui peut documenter, analyser, faire des propositions au Gouvernement. Nous sommes présents au sein de ce Conseil ainsi que d'autres associations. Saisissons ce Conseil, faisons en sorte que les ministres s'impliquent davantage dans la saisine du COJ. Ce Conseil peut être un bon outil et sera un meilleur outil s'il est davantage utilisé.