Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse
Jeudi 17 septembre 2020
La séance est ouverte à neuf heures cinq
Présidence de Mme Sandrine Mörch, présidente
Cette commission d'enquête destinée à mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse doit faire la part belle aux jeunes. Ce sont eux que nous avons envie d'entendre et nous leur donnons la parole de façon symbolique pour cette première audition d'une longue série qui nous mènera jusqu'à mi-novembre. Nous recevons donc aujourd'hui les représentants des associations de jeunesse, afin d'entendre comment vous avez ressenti la crise sanitaire, quelles en sont les conséquences pour vous et comment vous envisagez la suite de cette crise, sans panique ni déni.
Nous sommes particulièrement intéressés par vos propositions. Si vous êtes moins touchés par le virus en tant que tel, dans ses formes graves, vous êtes frappés de plein fouet par ses conséquences sociales, scolaires et sociétales.
Cette commission d'enquête met enfin la jeunesse française au centre de nos préoccupations nationales, et je m'en réjouis. L'un des effets bénéfiques de la crise est de nous faire prendre « à bras-le-corps » la question des jeunes, qu'il s'agisse de vos souffrances ou de vos ressorts. J'y tiens beaucoup : la crise a engendré de nouvelles formes d'engagement, de courage, de débrouillardise, d'autonomie, elle a ouvert de nouvelles perspectives. En bref, nous tenons à vous entendre sur les éventuels bénéfices de cette période si particulière dont nous sommes loin d'être sortis.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire « je le jure » avant votre première intervention.
(M. Yann Renault prête serment.)
Je vous remercie pour cette commission d'enquête sur la question des enfants et des jeunes. Il me semble essentiel aujourd'hui de regarder l'impact de la crise du covid-19 par ce prisme et c'est ce dont j'essaierai de rendre compte.
Le CNAJEP regroupe 75 organisations de jeunesse et d'éducation populaire. Il s'adresse donc à différents publics : les enfants, les adolescents, les jeunes et les familles. Il nous semble essentiel de parler ici, aujourd'hui, de ces quatre publics.
Les membres du CNAJEP ont pris de nombreuses initiatives pendant et après le confinement pour animer un contact permanent avec les enfants et les jeunes dans l'ensemble des territoires. Ils ont bien sûr aussi pris part à l'accueil quotidien lors du confinement des enfants de soignants ou des personnels réquisitionnés. Dans le cadre du déconfinement, ils ont participé avec les pouvoirs publics à l'accueil des enfants et des jeunes aux côtés de l'école, après l'école et durant les vacances d'été. Ces vacances sont également une période post-confinement importante à examiner. Nous sommes en septembre, étudier les vacances d'été est encore compliqué, mais la période sera à regarder de près.
Trois sujets principaux ont émergé : le premier sujet, que nous avons appelé « En famille », concerne la question des relations intrafamiliales ; le deuxième sujet s'intitule « Inégalités ». Cette crise, au-delà de peut-être amplifier des inégalités, a révélé des inégalités qui préexistaient, et c'est un élément à prendre en compte. Enfin, le troisième sujet porte sur la « Vie sociale », pendant le confinement et après le confinement.
Nous aurons des propositions à faire, mais je propose que nous en parlions lors des échanges plutôt que lors du propos liminaire.
Regardons cette crise au prisme de ce que nous ont dit les enfants et les jeunes, puisque le CNAJEP et ses membres ont animé du lien, des enquêtes et des espaces d'expression tout au long du confinement, pour recueillir la parole des enfants et des jeunes sur ce qu'ils vivaient. Nous ne dressons pas un tableau tout à fait noir de cette période.
Sur le thème « En famille », soyons conscients que des enfants étaient très contents de passer du temps avec leurs parents, de les voir enfin, car la question du travail des parents et de la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle n'est pas toujours simple dans un certain nombre de familles. Par contre, les enfants ont passé du temps en famille dans des logements trop petits, où la promiscuité était forte, où les espaces pour souffler étaient inexistants. Ceci a créé des situations de relations intrafamiliales extrêmement tendues, voire plus.
Toutefois, les enfants nous renvoient aussi le message que la famille est plus large que les relations familiales de proximité, qu'elle inclut aussi les grands-parents. Ne pas pouvoir voir les grands-parents a été pour les enfants un moment difficile, ainsi que de ne pas pouvoir faire le deuil en famille, en proximité, lorsque l'une des personnes de la famille décédait. L'impact psychologique sur les enfants est sans doute à étudier de près.
Sur le sujet des inégalités, révélées ou amplifiées, j'insisterai sur deux inégalités, et d'abord sur l'inégalité de l'accès au numérique. Nous avons parlé de la question de l'école. Enfants et parents nous renvoient que suivre les cours a été, pour certains, un parcours du combattant.
Evoquons également l'inégalité numérique dans l'accès aux loisirs. Le numérique est devenu pendant le confinement un espace d'accès aux loisirs. Les associations membres du CNAJEP ont proposé, tout au long du confinement, des ateliers, des mises en relation d'enfants, des discussions à visée philosophique. Ces initiatives ont permis à la fois de faire des activités en famille et de faire se rencontrer des enfants par le biais du numérique. Cette rupture numérique fait que certains enfants y avaient accès et d'autres moins.
Cette inégalité numérique vient du matériel, des logiciels, mais aussi des connexions. Après cette crise, nous devons nous interroger sur la 5G. J'entendais encore ce matin des opérateurs dire que, si les prix étaient trop hauts, ils ne pourraient pas équiper l'ensemble du territoire. Si tel est le cas, cette rupture numérique sera encore plus forte demain.
Nous constatons également des inégalités dans l'emploi, l'insertion professionnelle. Les plus touchés sont les jeunes. Le public le plus précaire s'est encore plus précarisé.
Enfin, sur le sujet « Vie sociale », des ruptures ont eu lieu dans l'accès aux loisirs, à tous les loisirs, qu'ils soient sportifs ou culturels. C'est un espace de vie sociale important pour les enfants, les adolescents et les jeunes. Nous notons également une rupture des engagements qu'il nous faut regarder de près : rupture des engagements de jeunes impliqués dans des associations, de jeunes en service civique, malgré l'animation, de jeunes qui préparaient des projets pour l'été avec des amis.
En contrepartie, de nouvelles formes d'engagement sont apparues ainsi que des accélérations de l'engagement de certains jeunes pour prêter main-forte aux pouvoirs publics. C'est un double aspect, mais cet engagement qui s'est créé pendant le confinement est souvent un engagement individuel alors que les ruptures d'engagement ont été des ruptures d'engagement collectif. Nous souhaitons alerter sur cette question.
(M. Anthony Ikni prête serment.)
Je représente le Forum français de la Jeunesse qui est le principal porte-parole en France des organisations gérées et animées par les jeunes de moins de trente ans. Certaines sont autour de la table ce matin.
En introduction, je parlerai surtout de l'insertion économique des jeunes, des difficultés sur le marché du travail. Je partage ce qu'a dit Yann Renault sur la vie sociale, la vie éducative et l'engagement.
Les associations membres du Forum français de la jeunesse ont été actives durant le confinement pour organiser la solidarité, connecter les jeunes, analyser les difficultés que pouvaient rencontrer les jeunes étudiants, les jeunes actifs, les jeunes au chômage, les jeunes apprentis, les jeunes engagés dans des associations et qui étaient privés de lien social.
Nous avons connu un paradoxe pendant cette période de confinement. En effet, si les jeunes étaient sanitairement peu touchés par cette crise, ils ont été économiquement et psychologiquement, psychiquement même, très atteints par cette crise. Ce sont les notions que je souhaite développer.
Plusieurs enquêtes, diligentées par les pouvoirs publics ou par des associations, ont montré que, alors que les jeunes souffrent déjà plus de la pauvreté que leurs aînés, cette réalité a été accentuée par le confinement. La fracture numérique a frappé les jeunes, par exemple faute de connexion Internet. Ils ont également souffert des espaces trop petits, des logements insalubres parfois ou de la nécessité de garder leurs frères et sœurs, de veiller sur leurs parents ou leurs grands-parents.
Les chiffres suivants proviennent notamment de notre rapport « Plan jeunesse », sorti en juillet 2020 pour analyser, poser des constats et faire des propositions. 38 % des jeunes travaillent dans le cadre d'un contrat précaire, en CDD ou auto-entrepreneuriat et parfois sans contrat de travail. Plus de 50 % des jeunes sont inquiets pour leur santé mentale. Notamment, une enquête réalisée auprès de 11 000 étudiants par l'une de nos composantes, le Bureau national des élèves ingénieurs (BNEI), montrait que 52 % des étudiants estimaient qu'eux-mêmes ou leurs camarades avaient besoin d'un suivi psychologique par un professionnel.
Parmi les données plus connues, 700 000 jeunes arrivent sur le marché du travail en ce moment même, sachant que 600 000 jeunes sont déjà au chômage. Le chiffre le plus récent sur le sujet provient d'Eurostat : 21,2 % des jeunes de 18 à 25 ans sont au chômage en France, ce qui représente à peu près 600 000 personnes, soit le contingent le plus important d'Europe. Nous sommes largement devant l'Allemagne. Nous avons donc déjà le problème de cette « maladie » du chômage chez les jeunes qu'il faut documenter, analyser et à laquelle il faut répondre. D'après une étude de l'Organisation internationale du travail, au niveau mondial, un jeune sur six a arrêté de travailler depuis le début de la crise.
Illustrons ces chiffres par quelques situations vécues par les jeunes durant le confinement. Les jeunes ayant des contrats d'insertion ont souffert d'absences de gratification, d'arrêts de la garantie jeunes. Les intérimaires ont vu leurs entreprises fermer, ont subi des fins de contrat. Les apprentis ont connu des retards de gratifications de fins de contrat. La situation a été assez problématique pour les étudiants également puisqu'ils n'avaient ni accès au chômage partiel ni possibilité de travailler. Nous avons constaté une explosion du nombre d'étudiants qui, d'habitude, allaient manger au Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) et se sont retrouvés à faire la queue dans les banques alimentaires. Les stagiaires n'ont pas bénéficié du chômage partiel, ont vu leurs stages reportés. Enfin, les saisonniers n'ont pas trouvé de travail cet été, ou peu, puisque toutes les fonctions habituelles – travail sur les plages, dans les cinémas ou les restaurants – étaient en forte diminution. Tout cela a entraîné de graves répercussions économiques sur la rentrée.
Le Forum français pour la jeunesse, en lien avec d'autres organisations comme le CNAJEP, la Confédération française démocratique du travail (CFDT), l'Union nationale pour l'habitat des jeunes (UNHAJ), a très vite porté des propositions. Nous avons voulu traiter très rapidement l'urgence de soutenir ces jeunes, pas uniquement sur le plan économique, mais aussi sur le plan de l'engagement, sur le plan du logement. Nous avons proposé de verser une aide exceptionnelle pour les jeunes entre 18 et 25 ans qui ne touchaient pas le revenu de solidarité active (RSA). Cette proposition a fini par être entendue par les pouvoirs publics puisqu'une aide de 200 euros a été annoncée par le Premier ministre en mai.
Nous avons soumis d'autres propositions plus techniques. Nous avons par exemple demandé aux caisses d'allocations familiales (CAF) de débloquer des fonds d'urgence dans les départements pour abonder le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA). Nous avons également demandé d'accélérer sur la garantie jeunes. Nous avons proposé, avec d'autres associations, de proroger les missions de service civique d'une durée égale à la durée du confinement pour assurer à ces jeunes une source de revenus et leur permettre de terminer leur engagement. Cette demande n'a pas été entendue par les pouvoirs publics. Nous avons aussi proposé de renforcer les effectifs dans les structures d'accueil, notamment pour les mineurs non accompagnés, les jeunes de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et les jeunes relevant de la protection judiciaire de la jeunesse.
(M. François Salomé prête serment.)
Je représente ici la JOC, la Jeunesse ouvrière chrétienne, une association qui regroupe des jeunes des milieux ouvriers et des quartiers populaires. Cette association propose aux jeunes de 13 à 30 ans de vivre entre eux, par eux et pour eux.
À travers cette période de confinement qui nous a tous bouleversés, il était important pour nous de permettre aux jeunes de continuer à avoir des échanges malgré la distance, d'avoir des lieux où ils puissent sortir de leur isolement ou de leur situation difficile.
Cette période a été une épreuve pour beaucoup. Elle est venue perturber et parfois mettre en péril la vie des jeunes, en particulier celle des jeunes du milieu ouvrier et des quartiers populaires. Bien sûr, ils ne sont pas les seuls à avoir été affectés, mais leur situation habituellement précaire leur a fait prendre de plein fouet les changements liés au confinement.
Malgré les nombreuses difficultés, ce confinement a aussi été l'occasion de voir germer des lieux de parole et des actions de solidarité entre jeunes et entre les générations.
Je voudrais revenir sur la situation des jeunes en cours de scolarité ou d'études qui ont été touchés par l'arrêt des cours en présence et le travail à distance par des moyens informatiques. Cela a évidemment été mis en œuvre dans le souci de préserver le bien-être sanitaire de chacun. Malgré tout, cette gestion par l'informatique a isolé de nombreux jeunes et a créé un retard pour ceux qui n'ont pas accès à l'informatique. Cela a également révélé que de nombreux jeunes ne maîtrisent pas l'outil informatique. Certains se sont retrouvés complètement coupés des cours et ont été forcés de décrocher de leur scolarité. Cela a parfois aussi été l'occasion de voir émerger des réseaux d'entraide entre jeunes ou entre voisins.
Tout cela montre l'inégalité, encore actuelle, dans l'accès au numérique qui est à l'inverse de la représentation habituelle d'une jeunesse connectée. Selon une étude datant de 2016 de l'Observatoire des inégalités, 43 % des non-diplômés n'ont pas accès à Internet.
Durant cette période, dans les familles, beaucoup se sont retrouvés confinés à plusieurs, parfois à cinq ou six dans des logements de quelques dizaines de mètres carrés. L'organisation a été compliquée. Nombre d'entre eux sont retournés vivre en famille, avec des parents avec lesquels ils ne vivaient parfois plus depuis plusieurs années. Cela a parfois été source de tensions, parfois aussi source de ressourcement, en recréant du lien avec la famille, mais toujours avec la difficulté à trouver un espace personnel. Ce n'était pas possible dans toutes les familles ni dans tous les logements.
De nombreux examens et stages ont été reportés à cause du confinement, ce qui a généré un fort stress pour de nombreux jeunes, d'autant plus fort pour celles et ceux finissant un parcours et s'apprêtant à rentrer sur le marché du travail. Ainsi, Florine, une jeune de vingt ans, témoigne : « Je m'inquiète pour la validation de ma formation et l'examen, car une partie des épreuves n'auront sûrement pas lieu, comme pour tous les lycées professionnels. Cela m'inquiète, car il y aura probablement peu de recrutements dans un secteur en crise. »
Pour continuer sur la question de l'emploi, je ne surprendrai personne en annonçant que le confinement a eu un impact violent sur les travailleurs, les travailleuses et sur les personnes privées d'emploi. Il a beaucoup touché les jeunes du milieu ouvrier qui ont très souvent des emplois à court terme, précaires ou qui sont privés d'emploi. Les jeunes qui se retrouvent sans revenu sont directement touchés dans leur vie quotidienne, comme pour Manolo, à la recherche de missions d'intérim et ne sachant pas comment il pourra payer son loyer.
Le nombre de jeunes privés d'emploi explose, et les jeunes se trouvent dans une incertitude de plus en plus grande face à l'avenir. Avec la crise économique qui fait suite à ce confinement, le futur et la stabilité des jeunes sont menacés par les suppressions d'emploi, le ralentissement des embauches, la diminution des droits au chômage. Cette crise met en valeur les inégalités et les injustices dont souffrent les plus précaires.
Alors que la pauvreté des jeunes est un fait, que la chute du PIB au premier semestre 2020 est la plus forte enregistrée depuis 1949, nous devons agir pour permettre à chaque jeune d'avoir accès à la stabilité financière, pilier de l'autonomie.
À travers ce témoignage, la JOC milite pour une sortie de crise basée sur l'humain et non sur l'argent, parce que chaque jeune travailleur, chaque jeune travailleuse, chaque jeune vaut plus que tout l'or du monde.
(Mme Nelly Vallance prête serment.)
Le MRJC est un mouvement d'éducation populaire, géré et animé par et pour des jeunes de 13 à 30 ans. Nous sommes présents plutôt en milieu rural. Nous accompagnons des jeunes pour qu'ils prennent des responsabilités, s'engagent dans leur territoire de vie et s'émancipent pour devenir des citoyens et des citoyennes engagés. Notre mouvement propose des séjours, des formations à l'animation ou à différents sujets de société et, plus globalement, des temps d'action et de vie en collectif.
Pendant le confinement, le MRJC a été amené à adapter ses propositions. Plutôt que d'arrêter toute activité, nous nous sommes adaptés pour garder un contact à distance permettant à certains et certaines de s'engager plus, tandis que cela a été plus compliqué pour d'autres.
(Mme Maximilienne Berthelot-Jerez prête serment.)
Nous voulions pour commencer revenir sur l'objet de la commission, à savoir « les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse ». Nous souhaitons insister sur le fait qu'il n'existe pas une jeunesse, mais des jeunesses. François Salomé a rappelé la situation des jeunes précaires, des jeunes travailleurs et travailleuses qui ont été en difficulté et qui le sont encore plus maintenant. Il existe plusieurs situations.
Pour le MRJC, la crise que nous traversons actuellement accentue et met en exergue des problématiques déjà préexistantes pour les jeunes. Nous souhaitons revenir sur trois points : la question de la démocratie, la question du lien au territoire et de la ruralité et la précarité des jeunes.
La crise du covid-19 a été l'illustration de la concentration des pouvoirs entre les mains de quelques personnes sous le prétexte de la situation de crise. C'est un état d'urgence qui perdure.
Sous le prétexte de cet état d'urgence, les décisions sont portées par un groupe restreint et nous avons noté l'absence de travail avec les corps intermédiaires pour construire des réponses adaptées et diversifiées.
Un des exemples qui nous concernent en tant qu'acteur proposant des séjours éducatifs a été la construction du programme des vacances apprenantes. Elles ont été construites avec seulement quelques acteurs qui ne représentent pas l'ensemble des publics et du paysage des organismes concernés. De ce fait, elles ne correspondent pas aux réalités et intentions éducatives de multiples associations, des Camps Colos notamment.
À travers tout cela, nous relevons une application de règles uniformes sur l'ensemble du territoire et à l'ensemble des publics.
Pour nous, la réponse à la crise n'a pas été adaptée aux diversités territoriales. Nous notons en particulier la problématique de l'accès aux services publics en milieu rural. C'est une problématique qui se pose depuis un certain temps, mais qui a été mise en exergue durant cette période. Le manque de moyens dédiés aux secteurs des métiers de la santé, notamment de moyens permettant l'installation de médecins en zone rurale, raréfie la relation humaine et complique l'accès aux soins depuis longtemps et particulièrement durant cette crise. Le développement de la télémédecine est pour nous source d'interrogations. Il accentue l'éloignement humain ; il ne permet pas une réponse et un accompagnement adaptés lorsque l'on a besoin d'un professionnel de santé.
Par ailleurs, la fracture numérique est bien une problématique de nos territoires. Il faut travailler sur ce sujet, mais il faut aussi rappeler que le numérique ne remplacera pas l'humain dans nos territoires. Il faut faire attention de ne pas remplacer l'humain par du « tout numérique ». Nous avons besoin d'espaces de rencontres, d'espaces pour nous retrouver et d'espaces proches de chez nous permettant l'accès aux services publics.
En ce qui concerne plus particulièrement les jeunes en milieu rural, les services numériques et la mobilité doivent être pensés pour permettre une vie active et libre : une libre circulation et une liberté de choix des activités dans lesquelles les jeunes s'engagent.
La mobilité est une question centrale dans les territoires pour trouver un emploi, pour s'insérer et trouver une place dans la société. Les transports publics sont aujourd'hui peu présents, voire inexistants, dans les territoires ruraux. Cet éloignement géographique qui était déjà un frein à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes en milieu rural a été accentué pendant cette crise sanitaire par la raréfaction de propositions d'activités et d'espaces de lien social.
Les difficultés d'insertion professionnelle des jeunes ruraux sont présentes depuis un certain temps. Le rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) qu'a porté Bertrand Coly sur la place des jeunes dans les territoires ruraux a pointé le fait qu'un quart des jeunes de 18 à 25 ans ne sont ni en emploi ni en formation.
La crise du covid-19 accentue cette réalité de jeunes sans emploi et sans formation. Il est pour nous nécessaire de concevoir un système global de soutien économique pour accompagner ces jeunes qui sont dans des situations de précarité. Des politiques publiques doivent être prises assez rapidement. Anthony Ikni parlait notamment du RSA. Ces mesures sont d'autant plus urgentes que l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) prévoit d'ici la fin de l'année une hausse importante du chômage pour les jeunes de moins de 25 ans.
Dans le « Plan Jeunes » proposé par le Gouvernement aujourd'hui, nous voyons bien des ambitions pour l'insertion professionnelle des jeunes, pour l'emploi, mais il nous semble que la notion d'aide d'urgence pour répondre aux besoins des jeunes qui se trouvent actuellement en situation de précarité est oubliée.
À notre sens, ce « Plan jeunes » n'est pas une proposition complète de politique de jeunesse puisqu'il ne concerne que la question de l'insertion professionnelle. D'autres enjeux nous paraissent centraux, notamment l'accès aux moyens de subsistance et à une vie décente, l'accès aux loisirs et la liberté d'engagement.
Comment penser à s'engager dans la vie de la cité lorsque l'on ne sait pas comment manger à la fin du mois ? Pour le MRJC, permettre à chacun et chacune de vivre dignement et donc d'avoir le choix de s'engager fait partie du rôle de l'État.
Pour nous, le rôle de l'État est aussi d'assurer la diversité des espaces d'engagement et de propositions faites aux jeunes.
Nous voulions revenir à ce sujet sur les propositions faites au milieu associatif pendant la crise et suite au confinement. En tant qu'acteurs éducatifs, nous n'avons pas encore obtenu de réponse adaptée au milieu associatif, notamment au milieu de la jeunesse et de l'éducation populaire, aux besoins de nos associations, pourtant lourdement impactées par le confinement.
Les propositions d'engagement faites aux jeunes aujourd'hui sont descendantes et uniformisées, comme les vacances apprenantes ou le service national universel (SNU) qui, pour nous, n'est pas du tout une priorité en cette période de crise.
Pour la suite, et plus globalement, il nous semble nécessaire de construire et de travailler avec les premiers concernés sur un territoire, de dépasser le stade de la consultation pour construire ensemble et de prendre en considération la parole des jeunes dans la construction des mesures qui les concernent, que ce soit sur les sujets précis ou sur des sujets plus globaux.
Nous relevons que les manifestations pour une transition écologique ont suscité une mobilisation forte, mais que cette mobilisation n'a finalement été que peu écoutée. La crise du covid-19 que nous vivons illustre des fragilités et des dysfonctionnements de notre système sociétal ainsi que la nécessité de penser un système de résilience global.
En conclusion, il ne s'agit pas pour nous de réagir seulement à la crise actuelle, mais bien de penser globalement la place des jeunes dans le monde pour une vie digne.
(M. Bertrand Coly prête serment.)
Ces dernières années, notamment sous l'impulsion du groupe que je représente, le CESE a largement documenté la situation des jeunes dans notre pays en ce qui concerne l'accès aux droits et au logement, la place des jeunes dans les territoires ruraux, l'orientation scolaire, l'installation agricole ou l'enseignement supérieur. La société civile a, dans ce cadre, fait des propositions de politiques publiques.
Ces derniers mois, la crise sanitaire, économique et écologique que nous traversons et plus spécifiquement le confinement ont affecté fortement les enfants et les jeunes comme le mentionne la proposition de résolution qui a conduit à la création de cette commission d'enquête. Cette crise renforce souvent les constats du passé, mais elle invite aussi à repenser à court terme le sort d'un grand nombre de jeunes.
Depuis mars, le CESE et le groupe que je représente ont largement contribué à alerter régulièrement le Président de la République, à sa demande, des remontées de terrain dont nous étions informés. Ce sont ces éléments et quelques pistes que je tenterai de partager avec vous.
Nous constatons que la crise produit des effets à la fois sur les questions de formation, d'éducation, de précarité, d'insertion professionnelle et sur un certain nombre de publics fragiles.
En ce qui concerne la formation et l'éducation, la crise révèle des inégalités dans l'accès à l'outil Internet : on ne peut pas suivre sa formation tout à fait de la même manière selon que l'on dispose d'un ordinateur ou seulement d'un smartphone. La crise révèle des inégalités concernant la qualité de la connexion, cela a été dit, mais aussi dans l'usage qui en est fait : l'illectronisme existe également chez un certain nombre de jeunes. Les conditions de logement sont également importantes, en particulier dans le cas des logements exigus ou insalubres, avec des familles nombreuses. Ces facteurs ont affecté de façon significative l'apprentissage et la formation. Il en résulte des disparités très fortes entre les enfants ou les jeunes.
Dans le cas des élèves de maternelle et primaire, l'importance de l'école pour l'apprentissage du langage et du développement du lien social est connue. Le confinement a affecté fortement les apprentissages. Il est important d'évaluer les inégalités qui se sont creusées à la suite de ce confinement et de se doter d'outils pour essayer de les réduire.
Pour les jeunes en décrochage scolaire, il faut également réfléchir à des outils adaptés, sur tous les territoires. Un certain nombre de jeunes risquent de décrocher et il est nécessaire de les accompagner aussi psychologiquement dans cette période d'instabilité, d'anxiété, d'enfermement. Il faut donner la parole aux enfants et aux jeunes.
Pour les formations universitaires, le cadre physique a son importance et le semi-présentiel ou le distanciel tels que pratiqués aujourd'hui ont des conséquences fortes, notamment sur la capacité d'adaptation et l'autonomisation des jeunes qui rentrent dans le système universitaire. D'après les retours que nous en avons, les étudiants ne sont pas suffisamment accompagnés.
L'absence de contact social régulier avec les autres étudiants a également des conséquences sur la socialisation et sur l'entraide. Comme ce sont des outils de sécurisation des parcours, il est nécessaire de se pencher sur la question. Cette situation renforce le sentiment de solitude, parfois d'anxiété, et cet aspect psychologique est une question importante chez les étudiants.
La vie de campus, grâce aux organisations et associations présentes sur les campus, est un vecteur d'émancipation, de lien social et de confiance en soi. Il faut faire en sorte que cette vie puisse continuer malgré la situation actuelle.
La filière professionnelle a été très fortement impactée, d'une part par le décrochage qui, déjà important habituellement, est sûrement renforcé dans cette période et, d'autre part, par un déroulement anormal des formations puisque les mises en pratique n'ont pas toujours été possibles ces derniers mois. Le plan de relance a prévu un certain nombre de mesures pour la filière professionnelle. Il faut rapidement, au fur et à mesure, en mesurer l'efficacité et les adapter.
En ce qui concerne la précarité, la fermeture des structures à tarification sociale pendant le confinement a entraîné des restrictions alimentaires, des privations durant cette période pour les étudiants. Nous constatons plus globalement la perte d'un certain nombre de « petits boulots », dans l'économie informelle parfois, ce qui rend l'économie « de la débrouille » compliquée. Cela impacte fortement certains jeunes. L'accroissement du nombre de jeunes qui se présentent aux banques alimentaires est le signe malheureusement très fort d'une précarité qui s'installe et se renforce dans cette tranche d'âge.
Quant au renoncement aux soins, en 2018 déjà, un étudiant sur trois avouait avoir renoncé à certains soins faute de moyens financiers. Il est à craindre que ce phénomène soit renforcé.
Toujours en lien avec la santé, les clubs sportifs et de loisirs ont suspendu leurs activités. Ils peinent à redémarrer et un certain nombre de structures sportives de petite taille risquent même de disparaître, ce qui peut entraîner une sédentarité accrue des jeunes et des impacts sur leur santé à court et à long terme.
S'agissant de l'insertion professionnelle, les contrats d'intérim et les CDD ont été les premiers impactés par la crise. Ce sont souvent des contrats occupés par des jeunes. Ils sont privés de rémunération et, comme ils sont exclus du RSA, ils se retrouvent sans aucun moyen de subsistance.
La crise a aussi des impacts sur la situation des nouveaux diplômés, ce qui interroge d'autant plus que l'on perd en quittant le monde étudiant un certain nombre de soutiens tels que les bourses, des aides au logement, etc.
Le changement des règles de l'assurance chômage a été décalé, de même que la réforme de l'aide personnalisée au logement (APL) – mais elle risque de redevenir d'actualité prochainement ; en tout état de cause, il faut vraiment s'interroger sur l'impact que ces mesures produiront sur les jeunes, et les moins jeunes aussi d'ailleurs.
Concernant ces publics fragiles que sont les enfants et les jeunes en situation de handicap, notons la fermeture des établissements lors du confinement. Les prises en charge sont encore parfois compliquées ou réduites à cause des règles sanitaires. Il faut réfléchir aux conséquences de la crise, sur ces jeunes spécifiquement, pour leur développement et leur bien-être.
Le FFJ a évoqué la question des jeunes de l'ASE. Les sorties « sèches » à 18 ans de l'ASE ont été suspendues, ce qui a été salué par l'ensemble des acteurs. Il faudrait pérenniser cette mesure. Rappelons qu'un quart des personnes sans abri sont issues de l'aide sociale à l'enfance, ce qui doit nous interroger.
La problématique est assez proche pour les mineurs non accompagnés. Il faut d'abord s'assurer en cette rentrée de leur retour effectif dans les structures scolaires. Nous savons également que les dossiers de demande ont parfois été reportés. Les préfectures ont de vraies difficultés à prendre en compte les dossiers ; les files d'attente se sont allongées. Il faut donc s'assurer que ces mineurs sont bien accompagnés par des structures et qu'ils trouvent des solutions de logement, ce qui est tout de même le minimum.
Les deux grands enjeux sont donc la question financière et économique d'une part, le soutien et l'accompagnement de l'autre. La crise oblige à sortir de la question des dispositifs pour aller vers une logique de droits. Ce n'est pas nouveau. Le Commissariat général au plan disait dès 2001 dans le rapport Charvet qu'il fallait changer de logique en arrêtant de considérer le jeune entre 18 et 25 ans comme un enfant devant être pris en charge par sa famille, et en le traitant comme un citoyen à part entière. Un certain nombre de familles n'ont plus la capacité d'accompagner ces jeunes du fait de la crise, il faut donc absolument reconsidérer la situation, proposer un droit à la formation et à l'éducation et, plus globalement, aller vers une logique de droits pour faire entrer les jeunes dans la solidarité nationale.
Sur la question du soutien et de l'accompagnement des jeunes dans leurs difficultés, mais aussi dans leurs aspirations et leurs capacités à être des acteurs de la société, nous avons besoin de personnes pour accompagner les jeunes et les enfants en difficulté, pour les entendre, les prendre en compte de manière systémique dans l'ensemble des problématiques qu'ils rencontrent. Il faut permettre à tous les jeunes d'être acteurs de notre société. Les organisations de jeunes ou d'éducation populaire ont été délaissées ces dernières années. Elles rencontrent pour certaines de véritables difficultés économiques et ne sont plus présentes sur certains territoires. Il faut en faire un levier, car elles peuvent être très efficaces pour recréer du lien entre les jeunes et notre République.
Vous avez souligné qu'il ne fallait pas parler de la jeunesse, mais des jeunes dans leur diversité de situations ; c'est un point important.
Vous montrez que les problématiques aggravées par le covid-19 étaient en fait des problématiques préexistantes. Elles appellent des réponses de fond et rapides pour que les jeunes de 18 à 25 ans soient, en effet, considérés comme des citoyennes et des citoyens à part entière, avec une logique de droits : droit à l'autonomie financière, droit à la formation, droit à l'emploi.
Plusieurs associations proposent que le RSA soit attribué aux jeunes de 18 à 25 ans, mais, dans le même temps, vous réclamez un accompagnement de cette mesure. Quelle forme devrait prendre, pour vous, cet accompagnement ? Quelles seraient les institutions capables de mener cet accompagnement du jeune et de sa formation vers un emploi stable ?
Vous avez aussi évoqué l'accès aux activités sportives et culturelles. Vous avez dit qu'il s'était produit un recul de l'engagement collectif de la part de certains jeunes lors de la pandémie. En cette rentrée, voyez-vous un changement ? Ces jeunes reprennent-ils le chemin de l'engagement associatif ? Les associations, notamment sportives, reprennent-elles leurs activités ? Quelques éléments me font penser que cette reprise est lente. Quel est votre avis sur l'aide apportée dans le plan d'urgence aux associations, notamment aux associations d'éducation populaire et de jeunesse ?
Je souhaiterais connaître votre réaction face à la couverture médiatique du comportement des jeunes pendant le confinement et après le confinement. Nous avons souvent vu des images de jeunes qui ne se protégeaient pas, qui faisaient la fête et qui étaient montrés du doigt. L'action de solidarité des jeunes, particulièrement l'action des associations de jeunesse, a en revanche été peu traitée par les médias.
Enfin, quel est le chemin à suivre pour que les associations de jeunesse et d'éducation populaire soient vraiment coauteurs des décisions concernant les jeunes ? Quels sont pour vous les chemins d'une nouvelle démocratie entre l'État français et les associations de jeunesse et d'éducation populaire ?
(Mme Eva Baronnet prête serment.)
Je souhaite d'abord réagir à la dernière question : comment réinventer une nouvelle démocratie entre les jeunes, les organisations de jeunesse et les pouvoirs publics ?
Je pense que nous partageons ici le constat que les jeunes ont subi de plein fouet la crise du covid-19. Leur donner la parole et, plus que la parole, leur donner l'occasion de coconstruire les réponses avec les pouvoirs publics est non seulement essentiel, mais ce serait la moindre des choses pour cette génération que l'on commence déjà à appeler « la génération confinée ».
Le CNAJEP coordonne en France, en tant que conseil national de la jeunesse, le dialogue structuré européen. Il s'agit d'un processus de co-construction politique, de dialogue « les yeux dans les yeux » entre jeunes et décideurs. Ce dialogue est accompagné par les organisations de jeunesse pour que les jeunes puissent vraiment se faire entendre dans la construction des politiques européennes de jeunesse.
Nous avons également porté ce dispositif dans l'article 54 de la loi Égalité et citoyenneté avec les dialogues structurels régionaux. Il est peut-être temps d'investir pleinement les dialogues structurels régionaux et de vraiment coconstruire les politiques de jeunesse au niveau régional, avec les jeunes, dans ces processus regroupant les conseils régionaux, les directions régionales, les organisations de jeunesse qui sont, en ce qui nous concerne, représentées par nos comités régionaux des associations de jeunesse et d'éducation populaire (CRAJEP), au nombre de 17.
Je pense que cette réponse serait très concrète. Les jeunes subissent de plein fouet la crise. Donnons-leur la parole pour qu'ils construisent eux-mêmes les réponses les plus efficaces. Les usagers ont en général des réponses assez efficaces à leurs propres problématiques. Essayons donc de faire vraiment vivre ces dialogues structurés régionaux dans les territoires.
Peut-être pouvez-vous nous donner quelques exemples des thèmes que, concrètement, vous souhaitez voir aborder ?
Les thèmes changent selon la période, ce sont des dialogues cycliques. Par exemple, un dialogue est en cours dans les Hauts-de-France entre le CRAJEP Hauts-de-France, la direction régionale et le conseil régional. L'idée est d'aborder toutes les thématiques qui touchent directement les jeunes : les questions d'emploi, de cadre de vie, etc. Actuellement, ils travaillent beaucoup sur les questions de solidarité, la façon d'agir ici et ailleurs, notamment sur le covid-19. Nous préparons un week-end qui sera vraiment un lieu de co-construction de cette parole des jeunes. Il est prévu les 10 et 11 octobre à Amiens.
Au niveau européen, nous suivons les objectifs européens qui forment une trame, similaire à celle des objectifs de développement durable, conçue pour faire advenir une politique de jeunesse construite autour d'objectifs qui ont été eux-mêmes construits par les jeunes européens.
Nous nous sommes intéressés cette année notamment à la question de l'emploi. Les quatorze propositions qui en ressortent sont pleinement en lien avec la crise du covid-19 et ses impacts. Parmi ces propositions se trouvent le fait que le CDI ne doit pas rester un contrat exceptionnel, mais bien être affirmé comme un contrat de droit commun, ainsi que l'ouverture du revenu universel d'activité aux jeunes. Ces demandes ont été émises par les jeunes avant la crise du covid-19 et doivent continuer à être portées.
Les associations de jeunesse et d'éducation populaire sont aujourd'hui toujours motivées, toujours présentes, mais elles sont sans doute un peu fatiguées. Elles sont fatiguées parce qu'il a fallu confiner, fatiguées parce qu'il a fallu déconfiner, fatiguées parce que des concertations ont eu lieu qui n'avaient de concertation que le nom. Ceci n'a pas donné lieu à un vrai travail commun avec la puissance publique, notamment pour préparer l'été.
Je rappelle que toutes les colonies de vacances sont apprenantes, tous les centres de loisirs sont apprenants. Il ne fallait sans doute pas avoir une mesure assimilable à une scolarisation du temps de vacances, mais réaffirmer cela et aider le secteur.
Je voudrais dire aussi que, en cette rentrée, nous nous interrogeons sur les engagements et sur certains espaces d'engagement, par exemple le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) qui n'a pas eu lieu pendant les vacances de printemps. Un certain nombre de jeunes n'ont pas pu s'inscrire pour le troisième stage d'approfondissement. Nous ne sommes pas du tout sûrs que, à la rentrée, ils puissent concilier leur vie étudiante, leurs revenus – le BAFA a un coût –, leur vie professionnelle et qu'ils puissent aller au bout de leur BAFA, donc de leur engagement pour agir dans les colonies ou les centres de vacances. Le BAFA est pourtant un espace d'engagement concret qui nourrit nos associations de jeunesse et d'éducation populaire. Nous avons travaillé sur le parcours des jeunes en BAFA qui nourrit les cadres bénévoles et permanents de nos organisations.
Le service civique nourrit également nos associations et nous saluons bien sûr les incitations existantes, en tout cas les nombreuses missions de service civique supplémentaires. Il nous faudra observer si nous parvenons à pourvoir l'ensemble de ces missions compte tenu de la situation des jeunes. Il faut le dire, le service civique ne permet pas à un jeune de vivre. C'est un espace qui permet de s'engager, mais il faut que le jeune ait les moyens de vivre à côté.
Nous sommes donc motivés, fatigués, mais présents pour accueillir les enfants, les adolescents et les jeunes dès la rentrée dans les associations, qu'elles soient sportives, culturelles ou de loisirs. Il est un peu tôt pour dresser un bilan de cette rentrée, notamment des inscriptions dans les associations.
J'ai une observation à faire : nous nous réjouissons de l'existence de cette commission, mais il faudrait un observatoire continu de la crise et de son impact, notamment au prisme des enfants, des adolescents et des jeunes. Cette commission d'enquête peut l'initier, mais des enfants, des adolescents et des jeunes doivent être inclus dans cet observatoire. Ce sera un travail à mener en commun par la suite.
Un « Plan sport » a été annoncé et nous nous en félicitons pour l'ensemble des associations sportives. Peut-être un « Plan jeunesse et éducation populaire » pour les associations concernées pourrait-il être mis en avant ? Nous avons bien compris que ce « Plan sport » vient prendre des crédits du « Plan jeunes », des plans d'investissement, mais il donne de la visibilité à un secteur et des crédits auxquels ce secteur peut avoir droit. La question de la jeunesse et de l'éducation devrait sans doute être mise également dans un plan. Nous avons bien compris qu'il était prévu des aides à l'emploi, mais combien pour l'éducation populaire et la jeunesse ?
Nous avons bien compris qu'il existe des aides pour rénover les structures, notamment pour un développement plus durable. Nous l'avons lu pour les écoles, pour les équipements sportifs, mais pas pour les centres de loisirs, pour les colonies de vacances, pour les équipements qui accueillent des centres sociaux ou des maisons des jeunes et de la culture (MJC).
Enfin, nous nous félicitons de l'aide de 30 millions sur deux ans pour les fédérations sportives, dont 10 millions pour l'équipement numérique, mais nous attendons aussi une aide exceptionnelle pour les associations d'éducation populaire et pour leur équipement numérique. Nous avons dit que la crise a révélé la fracture numérique pour les enfants, les adolescents et les jeunes. Je n'y reviens pas, mais elle a aussi révélé une certaine fracture numérique de nos associations et de nos capacités numériques à agir.
Nous avons bien entendu votre suggestion d'un plan pour la jeunesse et et l'éducation populaire.
Concernant l'observatoire de la jeunesse, c'est une proposition qui nous a déjà été soumise. Nous allons la creuser tout au long de ces auditions.
Je reviens sur un grand chantier qui a marqué le début du quinquennat d'Emmanuel Macron : la stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Elle a donné lieu à de grandes annonces en septembre 2018, il y a deux ans exactement, avec l'ouverture d'un chantier sur le service public de l'insertion (SPI) et le revenu universel d'activité (RUA). Une grande loi-cadre devait être rédigée pour 2020. Deux ans plus tard, alors que nous étions vraiment dans la concertation en tant qu'organisation représentative des associations de jeunes, tous les travaux ministériels et les concertations ont été stoppés par le confinement. Nous n'avons plus aucune nouvelle. Le poste de la secrétaire d'État qui était chargée de ce dossier, Christelle Dubos, n'existe plus. Il n'existe plus au sein du Gouvernement d'incarnation de la lutte contre la pauvreté.
Nous aurons l'occasion d'en parler avec la nouvelle secrétaire d'État à la Jeunesse, mais nous nous interrogeons sur ce revenu universel d'activité et ce qui existera en matière d'accompagnement. Nous défendons depuis 2014 l'ouverture du RSA aux jeunes de 18 à 25 ans parce que nous pensons qu'il s'agit d'une anomalie en Europe, qui n'est constatée qu'en France et au Luxembourg. Dans tous les autres pays, les jeunes ne sont pas considérés comme des « mineurs sociaux », alors que c'est le cas en France jusqu'à 25 ans.
Nous rappelons souvent que le RSA n'est pas seulement une allocation financière. Il existe déjà un parcours d'accompagnement associé. Certes, ce parcours est perfectible, nous pouvons avancer et le renforcer. Cet accompagnement peut passer par les missions locales, par le réseau Information Jeunesse, par les établissements pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE), le réseau des écoles de la seconde chance.
Avec le collectif Alerte et le collectif Big Bang des politiques jeunesse, nous avons appelé en juillet dernier à sanctuariser ce droit à l'accompagnement pour les jeunes dès 18 ans et à leur offrir des solutions. Le « Plan jeunes » annoncé en juillet comporte de bonnes mesures, mais aussi de nombreux oublis. Notamment, la garantie jeunes ne monte pas encore suffisamment en puissance pour atteindre tous ces jeunes.
En ce qui concerne la situation lors de cette rentrée, je pense effectivement qu'il est un peu tôt pour tirer un bilan. Je voudrais faire une remarque : nous avons vu pendant le confinement qu'il manquait une réserve civique. Elle avait été prévue par la loi Égalité et citoyenneté de 2017, elle était restée « dans les cartons » depuis plus de deux ans. Il a fallu que le confinement arrive pour qu'une accélération se produise et que ce dispositif voie finalement le jour en une semaine. Apparemment, cela a bien fonctionné. Nous savons que 300 000 personnes se sont inscrites sur la plateforme, mais nous ne savons pas combien de personnes se sont réellement portées bénévoles. Nous aimerions avoir des retours, notamment des jeunes, pour documenter cette plateforme, l'améliorer et mieux connaître l'engagement des jeunes en France. Le Forum français de la jeunesse n'a pas été associé à l'élaboration de cette plateforme et nous pensons que nous devrions, avec d'autres associations, être impliqués dans ce projet.
En ce qui concerne la couverture médiatique, ce n'est pas une nouveauté. Lorsque le Forum français de la jeunesse s'est créé en 2012, c'était aussi pour porter un autre discours sur les jeunes dans le débat public. Malheureusement, on constate du paternalisme, des clichés font les couvertures des journaux. Le covid-19 nous concerne toutes et tous. Les jeunes ont pris leur part dans les actions de solidarité durant le confinement, ils ont respecté les gestes barrières, ils se sont confinés comme leurs aînés et il serait temps d'avoir une couverture médiatique plus équilibrée. Je pense à la couverture réalisée par un grand journal national, qui ne sert pas ce quotidien. Au FFJ, nous donnons à voir d'autres images de la jeunesse, celles d'une jeunesse engagée, qui prend part aux transitions du monde.
Enfin, pour renforcer la démocratie et le rôle des associations dans les décisions qui les concernent, plusieurs mécanismes existent. Une clause d'impact jeunesse a été créée en France il y a quatre ans et fonctionne actuellement assez mal. Améliorons-la, allons plus loin dans ce dispositif qui permet aux projets de loi de prendre en compte l'impact qu'ils auront sur les jeunes. Pour plusieurs grandes lois phares de ce quinquennat, la clause d'impact jeunesse n'a pas été appliquée. Je pense en particulier à la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants. C'est tout de même dommage !
Un autre outil est le Conseil d'orientation des politiques de jeunesse (COJ) qui peut documenter, analyser, faire des propositions au Gouvernement. Nous sommes présents au sein de ce Conseil ainsi que d'autres associations. Saisissons ce Conseil, faisons en sorte que les ministres s'impliquent davantage dans la saisine du COJ. Ce Conseil peut être un bon outil et sera un meilleur outil s'il est davantage utilisé.
Sur les questions de démocratie, en plus du « Plan jeunes » et de la saisie du COJ, il nous semble important de pouvoir rencontrer le secrétariat d'État à la Jeunesse pour travailler. Nous rencontrons des difficultés, au moins nous en tant que MRJC et d'autres associations également, pour trouver des espaces de rencontre et de travail en commun. Ainsi, sur la question des vacances apprenantes, nous avons sollicité, nous avons alerté à plusieurs reprises. Pourtant, le travail n'a été mené qu'avec quelques organisations, mais pas avec les organisations dont nous faisons partie, notamment le collectif Camps Colos, qui représente plusieurs associations qui ont des positions assez similaires sur les camps et colonies de vacances. Nous avons alerté à plusieurs reprises, mais nous n'avons jamais été invités aux réunions de travail. Or les propositions qui ont été faites ne correspondaient pas à nos réalités associatives.
Il faut donc que nous soyons associés et invités dans les espaces de travail, pour que nous travaillions ensemble dans la coconstruction et que les réponses soient adaptées aux besoins des jeunes et des associations qui les accompagnent.
En ce qui concerne l'accompagnement, il existe déjà des acteurs dans les territoires. Les missions locales ont des outils d'accompagnement, mais qui ne répondent pas bien aux problèmes aujourd'hui. Ainsi, la garantie jeunes s'élève à 480 euros par mois pendant un an. Certains jeunes qui en bénéficient prennent un logement, sont accompagnés pendant un an, mais n'ont ensuite plus de ressources et se retrouvent dans la même « galère » qu'avant.
Transformer ces dispositifs en un droit pour que les jeunes qui ne sont ni en emploi ni en formation soient accompagnés serait faisable assez rapidement. Cela changerait la logique.
Enfin, sur la démocratie, les organisations étudiantes et mouvements de jeunesse sont présents depuis deux mandats au sein du Conseil économique, social et environnemental. Ils ont montré leur implication et je pense que l'intérêt de la présence d'organisations de jeunes est reconnu par l'ensemble des partenaires. Nous avons beaucoup défendu la réforme consistant à mêler des organisations et des citoyens dans cette assemblée pour être plus en prise et pouvoir mieux soutenir nos travaux et la construction de la loi. Je pense que cette réforme est reconnue par tous. Il est important que les organisations de jeunes ne disparaissent pas du CESE. Elles sont actuellement cinq et il faut qu'elles puissent demain continuer à porter une voix.
Je vous remercie d'avoir donné des propositions extrêmement concrètes. C'est ce qui nous permettra d'avancer.
Un point m'a marqué : beaucoup de problèmes préexistaient et ont été exacerbés durant la crise. Finalement, puisque les fléaux préexistaient, que pouvons-nous faire différemment ? Que pouvons-nous proposer de disruptif ?
J'aimerais avoir votre avis en particulier sur la prévention. Nous pouvons parler des impacts, des conséquences et la rapporteure, avec son expérience, peut nourrir les débats ; je voudrais aussi que nous nous projetions aussi dans l'avenir. Des jeunes vont rentrer dans les difficultés. Je voudrais que nous pensions à eux, pas seulement à ceux qui sont déjà en difficulté. Comment faire de la prévention ? Comment les aider ?
Vous êtes jeunes, vous avez des échanges et j'imagine que vous avez des réseaux partout dans le monde. Je voudrais connaître les bonnes pratiques de prévention ailleurs dans le monde. Pour être totalement disruptif, je prône la pleine conscience conseillée au Canada, en particulier pour la jeunesse. Pourquoi n'avez-vous pas insisté sur ce sujet puisque les apports en sont connus, en particulier dans cette période difficile ? Cela réduit l'anxiété, renforce les défenses immunitaires et améliore le sommeil.
La crise sanitaire accentue les difficultés de la jeunesse, et plus exactement des jeunesses, comme vous l'avez souligné. Ce sont des difficultés réelles, mais, effectivement, ce constat ne date pas d'aujourd'hui. Je me souviens avoir été à votre place comme président d'une organisation de jeunesse, il y a un peu moins de trente ans ici même. Je décrivais déjà ce que l'on appelait alors « le droit à l'avenir » pour les jeunes. Le sort extrêmement chaotique réservé aujourd'hui à notre jeunesse consiste à lui imposer une transition vers l'âge adulte qui dure souvent entre cinq et dix ans, transition faite de « petits boulots », de stages, de précarité. C'est proprement insupportable et c'est cette question qu'il faut traiter globalement.
Avez-vous les chiffres sur l'évolution du taux de pauvreté en ce qui concerne les jeunes depuis le mois de mars ?
Par rapport à la question centrale de l'autonomie, vous évoquiez la garantie jeunes et le RSA. Seriez-vous favorables à une réflexion sur le revenu de base, le revenu universel ?
Sur la question de l'engagement associatif, cette coupure de six mois de la vie associative est inédite, sans précédent dans l'histoire du pays. Vous l'avez dit, les jeunes sont restés mobilisés, en particulier à travers les missions de service civique, en présentiel ou non. Comment envisagez-vous la perspective de créer 100 000 missions de service civique supplémentaires d'ici six mois ?
Je partage votre point de vue sur le fait qu'il faut faire maintenant un choix politique. Le SNU n'est plus une priorité et il faut « mettre le paquet » sur le service civique.
Un certain nombre d'entre vous ont abordé la question de la démocratie, de la place des jeunes et de l'engagement. Vous avez parlé de la baisse des subventions aux associations d'éducation populaire, mais je pense que la principale difficulté pour ces associations est la difficulté à trouver des personnes pour s'engager, des cadres pour assurer la relève d'une génération – ma génération – qui était très engagée dans les associations d'éducation populaire. Nous sommes régulièrement alertés sur la difficulté à attirer des cadres. Sur la question de la démocratie, de l'engagement, cela fait évidemment partie du débat.
Vous avez parlé de l'autonomie qui fera aussi partie des débats. Je m'interroge sur l'état de notre réflexion sur la solidarité familiale. Au sujet d'une allocation, d'un revenu de base, d'un revenu universel ou d'un RSA jeune, peu importe son nom, comment envisagez-vous la question de l'universalité ou de l'équité selon les catégories sociales, entre ceux qui bénéficient ou non d'une aide familiale ?
L'autonomie me semble aussi liée à la question du rapport au travail. En effet, lorsque vous dites que 25 % des jeunes en zone rurale ne sont ni en emploi ni en formation, j'aimerais connaître vos propositions en matière de travail, de formation et d'emploi, au-delà de la piste d'un revenu universel ou d'une allocation d'urgence, certes indispensable pour faire face à la précarité. Vous avez écarté d'un revers de main, ce qui me semble un peu rapide, toutes les mesures très ambitieuses prises par le Gouvernement pour les jeunes dans le cadre du plan de relance. Destinées à l'insertion, à l'embauche d'apprentis, ces mesures représentent 6,5 milliards pour les jeunes tout de même et vous en avez fait assez peu de cas.
Sur la question des vacances apprenantes, même si l'on peut avoir en effet un débat sur la terminologie, je pense que le fait qu'un million d'élèves aient pu bénéficier d'un soutien scolaire alors qu'ils avaient été privés d'école pendant six mois n'est tout de même pas accessoire.
Des jeunes qui n'ont pas d'autonomie, qui n'ont pas de stabilité, qui sont sans cesse sous la pression d'avoir ou non un travail, des revenus, un logement ne peuvent pas s'engager. Parmi les difficultés que nous rencontrons au sein de notre mouvement, on constate que les jeunes doivent sans cesse se déplacer, ont des horaires décalés ne leur permettant pas de s'engager. La question de la démocratie ne se règle aujourd'hui pas seulement dans des instances, des institutions, mais aussi en permettant à chacun et chacune d'avoir accès à l'autonomie. C'est un point essentiel, qui n'est pas à opposer à la question de la représentation des mouvements de jeunes pour coconstruire au niveau des institutions locales, régionales et nationales. Il faut le faire en commun pour assurer le renouvellement de nos associations, des mouvements, mais également pour savoir quelle représentation de l'ensemble de la population nous souhaitons dans le futur. Comment pouvons-nous permettre à la jeunesse, mais aussi à la population dans toute sa diversité d'être présente et représentée au sein de nos institutions ?
Sur la question de l'embauche des apprentis et l'annonce des aides, une de nos grandes appréhensions n'est pas tant de savoir si des jeunes seront motivés pour être apprentis que, surtout, de savoir si des entreprises seront prêtes à les accueillir, à leur permettre de se former. La crise économique qui suit cette crise sanitaire est en effet venue frapper durement l'ensemble des entreprises, petites, moyennes ou grandes. Nous avons aujourd'hui des jeunes qui ne savent pas s'ils pourront aller au bout de leur apprentissage, car il n'est pas sûr que leur entreprise tienne jusqu'au terme de leur formation.
Pour répondre à M. Le Bohec, prévenir, c'est sans doute d'abord prévenir les ruptures dans le parcours de vie des jeunes. Pour prévenir les ruptures, une des bonnes pratiques consiste en la mise en place d'espaces d'échange et de concertation entre l'ensemble des acteurs de la jeunesse dans les territoires. Il s'agit de permettre aux acteurs de l'Éducation nationale, aux acteurs de l'insertion, aux acteurs des loisirs, aux acteurs de la culture de mettre en place des projets territoriaux pour accompagner les jeunes dans leur parcours, à la fois pour structurer ces parcours avec les jeunes et pour visualiser les ruptures et y apporter des réponses.
Le rôle des régions est révélateur de ce point de vue. Les conseils régionaux ont aujourd'hui le chef de filât pour la jeunesse. Nous constatons que certains conseils régionaux ont fait de la concertation et travaillé des parcours tandis que, dans d'autres régions, ce chef de filât s'est réduit à leurs propres politiques de jeunesse, sans articulation avec les politiques de l'État, celles des intercommunalités ou les projets des associations. Je vous renvoie pour plus de précisions à l'étude de l'Institut national pour la jeunesse et l'éducation populaire (INJEP) qui vient de paraître. Je pense qu'il y a à regarder comment accompagner les jeunes, avec les jeunes. J'insiste sur le fait que, dans un certain nombre de régions, les concertations qui ont eu lieu au cours des dernières années ont souvent été conduites seulement entre les pouvoirs publics, sans participation des associations ni des jeunes concernés. Il reste des progrès à accomplir. J'espère que les questions de jeunesse seront au centre des débats pour les élections régionales l'année prochaine.
Monsieur le député, vous avez mentionné l'exemple du Québec. Ce pays illustre effectivement les bonnes pratiques en matière de politique de jeunesse. Justement, pendant la crise du covid-19, le secrétariat d'État à la jeunesse (SAJ) a mis en place au Québec un fonds d'aide directe aux associations animées par des jeunes, le fonds Mille et UN. Ce fonds a notamment permis de donner très rapidement une aide financière à des associations qui souffraient de rupture de subventions. Elles ont pu bénéficier d'une aide allant jusqu'à 50 000 dollars. En France, d'autres mesures ont existé, pas spécifiquement pour les jeunes, mais il n'y a rien eu de similaire.
J'apprécie aussi un autre concept originaire du Québec : la persévérance scolaire. En France, nous parlons de décrochage scolaire, tandis que la persévérance scolaire est justement destinée à prévenir le décrochage scolaire, et ce, dès le plus jeune âge. Les Québécois s'en préoccupent dès la maternelle, et jusqu'à une sortie positive du système scolaire. Ce sont des concepts qu'il serait intéressant d'importer en France et de développer.
Le FFJ a proposé, durant la crise sanitaire, de créer un observatoire du décrochage scolaire. Ce fait est actuellement mal documenté. Les derniers chiffres disponibles remontent aux années 2014 ou 2015,et ces chiffres ne sont pas certains. Nous savons que, sous le quinquennat de François Hollande, le nombre de jeunes décrocheurs est passé sous la barre des 100 000 par an, mais nous n'avons pas vraiment de chiffres depuis. Des jeunes disparaissent des statistiques et sont impossibles à comptabiliser. Nous souhaitons donc un décompte plus précis de ces jeunes qui décrochent.
Quant à la pauvreté, ce sujet est très difficile à documenter. Les chiffres de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) qui sont parus il y a deux semaines portaient sur l'année 2018. Documenter la situation des six derniers mois chez les jeunes est vraiment compliqué. Il faut passer par d'autres canaux, comme les chiffres de l'aide alimentaire. C'est un faisceau d'indices. Notre proposition de solution est le RSA, plutôt qu'un revenu de base.
Sur le service civique, nous assistons à un changement d'échelle inédit avec l'augmentation du nombre de contrats de 100 000 pour les huit prochains mois. C'est une bonne nouvelle, mais il faut se rappeler que le service civique est un moyen de s'engager, pas un moyen de s'insérer professionnellement. Il faut faire attention à la qualité des missions, lutter contre les emplois déguisés et faire en sorte que ces missions soient bien bénéfiques pour les jeunes. Il faut qu'elles leur permettent de s'insérer de manière générale dans la société, pas spécifiquement dans la vie professionnelle.
Je reviens sur les sorties sèches de l'ASE dont a parlé M. Bertrand Coly et sur la situation de mineurs non accompagnés. Je témoigne en tant que députée des Hauts-de-Seine, en parlant de ce que j'ai constaté dans ce département. Malheureusement, à la sortie du confinement, de nombreuses sorties sèches ont eu lieu, sans autre forme de procès. Certains n'ont même pas pu aller à la préfecture et se retrouvent donc dans une situation épouvantable alors qu'ils n'ont commis d'autre crime que celui de trouver un parcours de scolarité.
Par ailleurs, comment les missions locales vous ont-elles accompagnés durant le confinement ? Nous n'en avons pas vraiment parlé ; je voudrais savoir comment vous avez pu interagir avec les différentes instances.
Face au constat partagé par tous que le covid-19 a été un révélateur du meilleur et du pire, qu'il a exacerbé les fossés préexistants entre les uns et les autres, quelles sont les propositions prioritaires d'actions, celles que nous pourrions mettre en place ensemble pour combattre les inégalités ?
Vous avez dit, mesdames et messieurs, que le SNU n'était pas une priorité. Pouvez-vous préciser pourquoi ?
Le SNU pourrait-il être un levier pour donner du sens à l'engagement, surtout dans une période comme celle que nous connaissons ? Est-ce la forme ou le fond qui vous gêne, ou n'est-ce simplement pas le moment ?
Avez-vous vu, parmi toutes les difficultés que les jeunes vous ont remontées, des difficultés différentes entre les jeunes femmes et les jeunes hommes ?
Vous avez décrit l'impact de la crise du covid-19 par le prisme des enfants, des adolescents et des jeunes. C'est effectivement le sens de cette commission d'enquête, qui doit mesurer les conséquences de cette crise sanitaire dans laquelle nous nous trouvons encore.
Vous avez parlé de l'accueil fait aux enfants et aux jeunes dans vos structures associatives pendant la période scolaire et pendant les vacances d'été. Les vacances apprenantes ont été mises en place par l'Éducation nationale dans le but de mobiliser les savoirs, de renforcer les activités sportives et culturelles et d'encadrer les jeunes durant cette période estivale.
Vous avez dit que vous aviez perçu de nombreux jeunes en difficulté psychologique, notamment lors de deuils dans la famille. Comment avez-vous pu accompagner ces familles ? Quels sont les outils que vous avez mis en place, sachant que la douleur psychologique est une douleur difficilement quantifiable, mesurable ? De plus, nous savons que, durant la période de confinement, a été constatée, en plus des deuils, une recrudescence des violences faites notamment aux femmes et aux enfants.
Nous avons la même volonté de faire vivre la démocratie sur tout le territoire. Nous avons vu qu'il existe plusieurs jeunesses. Il existe également plusieurs territoires, plusieurs expériences et expérimentations de villes… Mon expérience dans le territoire des Alpes-Maritimes met un peu de baume au cœur par rapport à vos propos. Elle m'a appris, un peu comme vous, qu'il fallait « mettre le pied dans de nombreuses portes », tenter d'obtenir des avancées sur le terrain. Cela ne date pas d'aujourd'hui, c'est très ancien.
Dans le cadre de la mise en place du dispositif Sport-Santé-Culture-Civisme (2S2C) à l'école, qui est justement un dispositif d'ouverture vers l'extérieur, un dispositif plus inclusif notamment pour les diabétiques, j'ai remarqué par exemple qu'il fallait aller chercher les gens pour agir sinon rien ne se faisait.
Je n'ai pas été interrogé par vos structures et je ne demande que cela. Faute de temps, je n'ai pas pu les solliciter, mais nous souhaitons être sollicités. Je me suis senti un peu seul, mais j'ai senti aussi la volonté d'agir des autorités locales qui étaient présentes, notamment de la préfecture et du recteur. Je pense que nous devons retenir de cette audition l'importance du collectif pour faire vivre la démocratie.
Vous avez parlé du sport, et j'en suis heureux, car c'est un thème sur lequel, avec plusieurs collègues, je suis très impliqué. Nous souhaitons que le sport fasse partie d'une politique d'insertion dans l'emploi. Nous avons entendu parler de « coach d'insertion par le sport ». Quels liens entretenez-vous avec d'autres associations sportives ? Comment fonctionnez-vous avec elles pour porter ces projets ?
Je lance ici un appel à l'expérimentation : nous sommes tous très désireux de voir pousser sur nos territoires de réelles expérimentations. Le plan de relance est un plan global et nous devons tous nous occuper collectivement du « dernier kilomètre » de ce plan, du « Plan jeunes » et du « Plan numérique ». Nous souhaitons faire avec vous ce dernier kilomètre et je voudrais connaître vos modes de fonctionnement avec les députés et les élus locaux pour articuler vos animations et vos structures dans nos territoires.
Sachant que 65 % des jeunes disent avoir moins appris pendant la période de confinement que pendant une période ordinaire, je considère moi aussi que la politique de persévérance scolaire du Canada ferait beaucoup de bien et que nous pourrions nous en inspirer.
En ce qui concerne les inégalités numériques, je m'étonne des chiffres de 2016 avec 43 % de personnes qui n'ont pas accès à Internet. Je pense que la situation a beaucoup évolué depuis 2016. Effectivement, le fait que les jeunes ne maîtrisent pas l'outil informatique a été un sujet majeur. Il faut distinguer outil informatique et réseaux sociaux qui n'ont ni les mêmes utilisateurs ni les mêmes usages.
Je reviens également sur la question de la violence, car je me soucie du bien-être mental des jeunes et du maintien du lien social. Il peut se faire à travers les réseaux sociaux évidemment, mais avez-vous eu l'impression d'un regain de violence sur les réseaux sociaux durant cette période ?
J'ai aussi une question sur le volontariat international en entreprise (VIE). Avez-vous des retours sur ce sujet ? Pendant la pandémie, avec le confinement et la fermeture des frontières, certains jeunes en VIE n'ont pas pu se déplacer et ont dû faire du télétravail. Avez-vous des informations ?
Je reviens sur la question de la démocratie qui me semble centrale, la question de la place des jeunes et de l'engagement.
Je pense que, globalement, les jeunes d'aujourd'hui ne sont pas moins engagés que ceux d'hier. Ils sont toujours engagés, mais pas de la même manière et ne sont plus dans les mêmes endroits. Notamment, les travaux montrent qu'ils créent entre eux, en dehors de nos institutions, leur engagement et leur implication. Je crois qu'il y a là matière à se questionner, pour nous mouvements d'éducation populaire, sur nos difficultés à rejoindre ces jeunes. Il faut repenser la manière de faire la démocratie et d'impliquer les jeunes. L'enjeu est très fort, il mérite que l'on s'y intéresse davantage.
Cela rejoint la question de l'implication des acteurs sur les territoires. Nous constatons un manque de concertation et d'implication des acteurs qui est flagrant. La politique de la jeunesse est absente d'un certain nombre de territoires, notamment ceux où le chef de filât du conseil régional posé dans la loi n'est pas effectif aujourd'hui. Il faut aller plus loin sur ces questions.
Pour le plan de relance, le fait que nos organisations n'aient été associées ni avant ni pendant, que nous ne voyions pas la place que nous pouvons prendre, ne nous aide pas à nous impliquer. Un certain nombre de dispositifs sont exposés dont nous avons du mal à voir concrètement la réalité, d'autant plus que nous avons été échaudés ces dernières années par des dispositifs et des plans qui ont été lancés sans que nous constations de retour concret. Nous attendons donc de voir ce que cela donnera même si des montants assez considérables sont mis sur la table.
Les missions locales sont présentes sur l'ensemble du territoire et essaient de faire le maximum, mais elles n'ont pas les moyens d'accompagner suffisamment, compte tenu du nombre de jeunes en difficulté. Si elles bénéficiaient d'un véritable appui, elles auraient la capacité de porter ce nouveau droit dont nous avons parlé.
En ce qui concerne le VIE et plus généralement tous les dispositifs de mobilité internationale ou européenne, tous ont été mis à mal durant cette période. Le plan de relance européen a en partie été financé par l'amputation de budgets prévus pour les dispositifs type Erasmus ou des dispositifs culturels qu'il était prévu de développer. Nous nous interrogeons donc sur l'avenir de ces dispositifs.
Nous avons vu effectivement des formes de violences sur les réseaux sociaux, en particulier chez les lycéens et les lycéennes avec les comptes dits « fisha » sur Instagram. Ce sont en fait des groupes de cyberharcèlement visant en particulier les jeunes filles. Vous parliez de la différence entre jeunes femmes et jeunes hommes ; il s'est produit des faits de violences ciblées spécifiquement sur les jeunes femmes sur les réseaux sociaux.
Le comité français du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef France) a mis en place des campagnes sur la question des violences familiales, notamment celles faites aux enfants, avec le numéro 3919. Des associations, dont le FFJ entre autres, ont porté ce numéro pour aider les enfants à signaler ces cas de violence ou de harcèlement.
Nous n'avons pas encore parlé des jeunes lesbiens, gays, bisexuels et transgenres (LGBT+). Je pense que certaines associations sont à auditionner plus spécifiquement sur cette question, notamment le Mag Jeunes LGBT qui fait partie de notre réseau. Il existait déjà des problèmes d'inégalités et de violences sur les jeunes LGBT ; ils ont été encore exacerbés, accrus durant le confinement. Je pense que cela pourra faire l'objet d'un débat spécifique dans cette commission d'enquête.
Une question a été posée concernant l'action des associations de jeunesse et d'éducation populaire en direction des familles, en particulier dans le domaine des relations intrafamiliales. Nous avons agi de trois manières.
La première action des associations a consisté en l'apport d'activités à la maison pour que parents et enfants partagent ces activités. Ainsi, la Fédération des centres sociaux a créé « Le centre social à la maison » qui a proposé des activités familiales et pour les enfants, pour que ceux-ci puissent s'occuper seuls.
La deuxième action a consisté à créer des numéros de soutien familial. La Fédération nationale des parents et des éducateurs a lancé un numéro gratuit qui permettait aux parents ou aux enfants de parler avec des psychologues.
La troisième action a été le fait de l'expression des enfants. Les Francas par exemple ont lancé leur plateforme « Enfants acteurs citoyens » et ont mis en place des dispositifs pour que les enfants puissent s'exprimer sur le confinement et le déconfinement. Cela s'est prolongé durant tout l'été par différents moyens, dans les centres de loisirs, dans les écoles et dans les familles.
Par ailleurs, il y a en effet beaucoup à faire avec l'école et dans l'école. Il est exact que les élèves et les familles sont anxieux de ne pas avoir appris autant, mais c'est un sentiment, comme le sentiment d'insécurité. Nous avons constaté que les enseignants et le secteur socio-éducatif se sont mobilisés pour être auprès des élèves, par les moyens qu'ils avaient à leur disposition.
Il était bien sûr important que le Gouvernement prenne des initiatives pour les vacances – école ouverte, école ouverte buissonnière, colonies apprenantes, centres de loisirs apprenants – et, en même temps, nous avons porté qu'il fallait soutenir l'ensemble du secteur. Il s'agit d'un secteur d'intérêt général, orienté sur les questions d'éducation et d'action éducative. Force est de constater que nous n'avons pas été tout à fait entendus, mais nous nous félicitons néanmoins qu'un million d'enfants aient pu être concernés. Toutefois, nous aurions sans doute pu faire plus ensemble si nous avions communiqué sur le fait que l'ensemble des colonies de vacances et des centres de loisirs sont des espaces apprenants. Ils contribuent non pas au renforcement scolaire ou à l'aide scolaire, mais à la remobilisation scolaire, notamment avant la rentrée.
Le SNU pourrait peut-être apporter du sens à l'engagement, mais le dispositif ne vient pas s'appuyer sur l'existant. Un certain nombre d'espaces proposent déjà des parcours d'engagement. Le SNU ne permet ni de valoriser les engagements déjà pris par les jeunes ni d'appuyer les structures qui existent déjà.
De plus, on trouve le sens à l'engagement dans la liberté de choix, dans le choix d'aller s'engager et dans la liberté de choix parmi une diversité de propositions ainsi que dans une inscription sur le long terme, pas dans un engagement de quatre à six mois.
Je rappelle que nous parlons de la crise, donc vraiment du conjoncturel. Nous n'allons pas évoquer toute la partie structurelle même s'il est évidemment intéressant de l'aborder. Restons centrés sur ce moment de crise, sur qui était à la manœuvre et ce que nous étions capables de faire à ce moment.
Même si nous sommes effectivement ancrés dans la question de la crise, notre mission est aussi de prévenir. Il me semble donc important que les associations présentes puissent aussi nous donner une vision qui permette de prévenir et d'envisager l'avenir.
Nous l'avons dit, il n'existe pas un seul jeune, une seule jeunesse, mais des jeunesses. Parmi ces jeunesses, certaines cumulent les difficultés, en particulier pendant la crise. Je pense notamment aux jeunes ruraux, même si je n'aime pas cette expression.
Ces jeunes ruraux sont souvent associés à des agriculteurs, ce qui n'est absolument pas le cas. D'après une enquête de l'INJEP de l'an dernier, 27 % de la population de 17 à 29 ans habitent en zone rurale. Ce n'est donc pas rien. Si les difficultés de la jeunesse ont été amplifiées pendant la crise sanitaire, il me semble que ces jeunes ont vécu des situations encore plus difficiles du fait en particulier de la question de la mobilité. Ces jeunes sont pour la plupart moins diplômés, ils ont suivi des formations plus professionnalisantes et je ne veux absolument pas les caricaturer. La question de la mobilité est la question centrale dans nos territoires, en dehors des villes, des milieux urbains parce qu'elle conditionne tout le reste : emploi, santé, accès à la culture et il ne me semble pas que le Pass culture permettra de répondre à ces problématiques.
Nous avons entendu les deux représentants du MRJC. Je pense que cette fraction importante de la jeunesse française, souvent dans l'angle mort des politiques publiques, mérite que des propositions lui soient destinées. J'aimerais aussi entendre les autres représentants, qu'ils nous apportent des propositions pour relever ce défi vis-à-vis de cette partie de la jeunesse.
Je vous remercie, mesdames et messieurs, pour le travail que vous effectuez. Les associations sont des acteurs très importants sur tout le territoire.
J'aimerais savoir comment, d'un point de vue méthodologique, vous avez reçu la parole des personnes qui sont venues vers vous lors de la crise du covid-19 et comment les gens sont venus vers vous, même si cela ne concerne pas tout le monde, puisque vous représentez des associations. Quel a été ultérieurement le suivi ? Comment améliorer cette façon de travailler ?
Vous avez indiqué la piste de l'observatoire du décrochage scolaire, puisque beaucoup d'enfants ont perdu le chemin de l'école, même si les parents et les enseignants ont essayé de poursuivre l'école à la maison. Beaucoup d'enfants n'ont malgré tout pas pu en bénéficier ; je pense notamment aux enfants en situation de handicap, autistes, dyslexiques, etc.
Au-delà du décrochage scolaire, que pensez-vous du décrochage social ? Vous avez parlé des impacts. J'aimerais savoir comment vous avez mesuré ces impacts et comment soigner tous ces enfants impactés au niveau de leurs relations sociales.
Je précise que je suis vice-présidente du réseau des missions locales. Nous savons que, durant cette crise, tous les réseaux ont été très mobilisés. Le réseau des missions locales a fait une enquête auprès des jeunes qui étaient accompagnés. Avez-vous eu aussi la possibilité de mener des enquêtes flash sur la perception que les jeunes avaient de cette crise ?
Nous savons la difficulté de recueillir la parole des jeunes. Bertrand Schwartz disait toujours : « On ne fera jamais rien sans les jeunes. C'est compliqué d'aller chercher les jeunes, c'est compliqué de les impliquer. » Quelles sont vos propositions pour impliquer davantage de jeunes ? Nous avons toujours un peu les mêmes interlocuteurs et il faudrait aller chercher les jeunes que nous n'entendons jamais.
Je vous informe par ailleurs de l'existence d'un observatoire du décrochage scolaire en Bretagne depuis 2019. C'est un bon exemple qui est peut-être à dupliquer sur notre territoire national.
Nous sommes chargés de travailler sur l'impact de la crise sur tous les enfants et la jeunesse de France. Il ne faut pas oublier les enfants des outre-mer. Même si vous êtes implantés en métropole, avez-vous des informations sur le ressenti de la crise du covid-19 pour la jeunesse ultramarine ?
Je souhaite connaître les proportions respectives des jeunes vivant dans les milieux ruraux et dans les milieux urbains, en pourcentage.
Puisque les critiques ont porté principalement sur les vacances apprenantes, je voudrais savoir si vous avez eu des retours sur leurs bienfaits pour les jeunes qui ont bénéficié de ces vacances apprenantes ou des quartiers d'été. Dans mon territoire, en Indre-et-Loire, j'ai reçu beaucoup de retours positifs, mais je voudrais savoir si c'est général.
Le CRAJEP outre-mer a ouvert une enquête justement pendant la crise du covid-19. Nous pourrons vous envoyer les résultats.
En ce qui concerne le recueil de la parole, j'insiste encore sur l'existence de dispositifs au niveau régional destinés à recueillir la parole, mais aussi à faire quelque chose de cette parole pour coconstruire des politiques publiques. Je vous invite à faire vivre, en tant que députés, dans les territoires, ce dispositif qui a besoin d'ambitions politiques. Sans ambition politique, il ne se passe pas grand-chose dans ce dispositif.
Sur la question des mobilités, qu'il s'agisse des mobilités européennes ou des jeunes qui ont été privés de mobilité dans les territoires ruraux, des dispositifs comme Erasmus, nous siégeons à la commission de coordination sur les questions de solidarité internationale. Beaucoup de jeunes ont choisi de rester là où ils se trouvaient pour un VIE ou un service civique.
Le CESE a travaillé sur la problématique des jeunes ruraux. Aux difficultés de définition près, environ 1,6 million de jeunes entre 16 et 30 ans se trouvent dans les territoires ruraux.
Concernant le recueil de la parole des jeunes, la question n'est à mon avis pas que nous ne les entendons jamais, mais que nous ne les écoutons jamais. Il se pose tout de même un grand problème dans notre société pour donner aux jeunes la place qui leur revient. Lorsque nous les invitons, comme c'est le cas des jeunes tirés au sort par la Convention citoyenne pour le climat, ils viennent et ils restent jusqu'à la fin.
Sur le recueil de la parole, vous avez face à vous des organisations de jeunes qui regroupent des centaines et des milliers de jeunes bénévoles dans les territoires, mais on ne les écoute jamais ou trop rarement. C'est cela, la question. Alors que la capacité de développer l'engagement de pair à pair est extrêmement puissante, nous n'en faisons pas un levier d'engagement pour les jeunes et nous passons ainsi à côté d'un point important.
Sur la participation des jeunes et les dispositifs de participation, j'ai envie de dire qu'il existe déjà beaucoup de dispositifs. Utilisons-les au lieu d'en rajouter.
Par ailleurs, la parole est ascendante et la question qui se pose est celle des politiques territoriales de jeunesse et d'un volet clair de participation, d'écoute, de prise en compte des jeunes dans ces politiques territoriales de jeunesse. Si nous articulons ceci et les dispositifs existants – le COJ, la loi Égalité et citoyenneté –, nous disposons des outils institutionnels, mais les politiques de jeunesse doivent se concentrer sur la problématique de la participation et de l'engagement des jeunes.
Sur les vacances apprenantes, les effets positifs sur les enfants et les adolescents sont bien sûr présents. Ils ont passé de bonnes vacances et ils en avaient besoin. Ils avaient besoin de souffler, de s'aérer, de jouer ensemble, de redécouvrir la forêt, la nature. Dans tous les territoires, dans les colonies de vacances et les centres de loisirs, vacances apprenantes ou non, ces vacances ont été un bienfait pour ceux qui ont pu y accéder. Il faudra regarder ce qu'il en est pour les autres. Des centres de loisirs ont dû refuser des enfants ou des adolescents.
Je laisse les enseignants juger de l'effet positif sur la remobilisation scolaire. C'est forcément le cas. Est-ce que ce sera visible ? Il faut que l'Éducation nationale réponde à la problématique liée au fait que, durant trois mois, tous les enfants n'ont pas eu accès de la même manière aux apprentissages.
Enfin, la crise n'est pas finie. Nous portons tous des masques, notamment les jeunes et les enseignants, même en maternelle. Apprendre le langage avec un masque n'est pas simple, c'est même impossible de savoir comment placer la bouche en maternelle. Les enfants et les jeunes en situation de handicap, notamment les sourds et malentendants, ne peuvent plus lire sur les lèvres. Ces problématiques sont très concrètes et doivent être prises en compte.
Nous avons d'ailleurs remarqué cet été qu'un certain nombre d'enfants en situation de handicap, pas uniquement des sourds et malentendants, n'ont pas pu être accueillis dans les centres de loisirs du fait du protocole sanitaire.
Nous n'avons pas parlé des ressorts positifs de cette crise. En existe-t-il ? Quelles sont les ressources que vous avez déployées vous-mêmes et entre vous ? Je suis toujours assez frappée par l'isolement de l'individu jeune, y compris dans une faculté. Il faudra également aborder la question des événements festifs pour les jeunes, mais aussi les mauvaises habitudes de sédentarisation, d'écrans, la privation de liberté, d'espace… Je vous propose de nous alimenter avec des cas concrets, des parcours de jeunes incarnés, des jeunes au collège, au lycée, des jeunes non représentés, sans parole. Je pense par exemple à Florence Provendier avec les parcours de ces jeunes mineurs non accompagnés. Cela permettrait d'avoir un rapport vivant et incarné. Nous allons vous mettre en contact et nous sommes preneurs de propositions.
Je vous remercie pour les propositions constructives que vous avez faites. Elles seront au cœur de notre rapport sur les façons de prévenir et de faire face aux conséquences du covid-19 sur les enfants et les jeunes. Je vous appelle à vous rapprocher de vos députés, notamment ceux qui sont membres de cette commission. Plus généralement, appelez vos associations locales à se rapprocher de leurs députés. Cela nourrira la réflexion de la commission et cela alertera l'ensemble de la représentation nationale sur ces questions, dans toutes leurs dimensions.
L'audition s'achève à onze heures cinq.
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse
Réunion du jeudi 17 septembre à 9 heures
Présents. – Mme Sandra Boëlle, Mme Marie-George Buffet, Mme Danièle Cazarian, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, Mme Fabienne Colboc, Mme Marianne Dubois, Mme Albane Gaillot, M. Régis Juanico, Mme Anissa Khedher, Mme Anne-Christine Lang, M. Gaël Le Bohec, Mme Sandrine Mörch, Mme Maud Petit, Mme Florence Provendier, M. Frédéric Reiss, M. Cédric Roussel, Mme Souad Zitouni
Excusés. – M. Michel Larive, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Bertrand Sorre