Nous sommes en désaccord avec les propos de M. Jacques Smith. Nous estimons que la valeur d'un diplôme s'évalue à l'aune des enseignements transmis ainsi que des connaissances et des compétences acquises. Le taux de réussite à l'examen final ne définit pas la valeur d'un diplôme. Si tel était le cas, l'ensemble du système d'enseignement français fonctionnerait sur un dispositif de concours qui définit préalablement le nombre de réussites acceptable. Un examen valide l'acquisition de connaissances. Si les étudiants ont acquis ces connaissances, ils méritent d'obtenir le diplôme et, dès lors, il n'est pas nécessaire de s'interroger davantage sur la valeur du diplôme. En outre, la valeur d'un diplôme n'est pas assujettie à la manière dont on l'évalue. Un diplôme gagne sa valeur dans la qualité et la teneur de l'enseignement transmis.
Nous nous réjouissons que de nombreux étudiants puissent accéder à l'enseignement supérieur. Je rappelle que la génération des étudiants qui ont obtenu leur baccalauréat en mai 1968 est souvent caricaturée. Pour autant, des études montrent que cette génération a mieux réussi que les autres parce qu'elle a pu bénéficier d'un accès à l'enseignement supérieur d'un niveau moins élevé à l'époque que celui des générations qui l'ont précédée. Il convient donc de nuancer ces propos.
La mise en place de tutorats pour cette rentrée 2020 a été plébiscitée par l'ensemble des organisations syndicales étudiantes afin de combler le déficit de connaissances acquises en dernière année de lycée, lié à la crise. Néanmoins, la rentrée a débuté et, objectivement, nous constatons que peu (ou pas) de dispositifs ont été mis en place sur l'ensemble des universités. Cette rentrée a été si complexe à organiser que la grande majorité des universités a été contrainte de la décaler. L'organisation de sessions de tutorat constituait une contrainte supplémentaire lourde dans de telles circonstances. Les organisations syndicales avaient anticipé ce besoin avant les vacances d'été, mais elles n'ont pas été entendues puisque rien n'a été mis en place. Il ne s'agit pas de fustiger les universités parce que le ministère n'a manifestement ni encadré ni donné les moyens aux universités de mettre en place de tels dispositifs. Quoi qu'il en soit, force est de constater qu'il est déjà un peu trop tard.
S'agissant des méthodes pédagogiques, il est actuellement bienséant d'affirmer qu'il faudrait cesser de dispenser des cours magistraux et privilégier les interactions en petits groupes. Nous sollicitons cette évolution de l'enseignement supérieur depuis de nombreuses années et nous nous réjouissons d'une telle prise de conscience, néanmoins un peu tardive. Cependant, cela nécessite la mise en œuvre de moyens supplémentaires. Cette problématique ne constitue pas une lubie, mais une réalité concrète.
Avant le confinement, les universités développaient l'idée d'opérer une transition vers le « tout numérique » qui représentait l'avenir. Le confinement a démontré qu'elles ne sont pas prêtes. Non seulement les enseignants et les enseignantes ne sont pas suffisamment formés à l'enseignement à distance, mais encore il s'avère que le « tout numérique » ne constitue pas une réponse suffisante à la résolution de tous les problèmes. Je ne reviens pas sur les problèmes pédagogiques que cela pose également puisque nous les avons mentionnés précédemment.
S'agissant de l'efficacité des CROUS, au cours de la crise, nous avons constaté qu'un nombre croissant d'étudiants avaient recours soit aux dispositifs que les organisations syndicales avaient mis en place, soit au Secours populaire, soit à la Soupe populaire, soit encore à différents organismes de soutien populaire. La décision de fermer les restaurants universitaires a été très dure et elle a généré un impact très concret. La distribution de repas à emporter a été tardive.
Par ailleurs, les loyers ont été gelés pour le premier mois de confinement, mais nous regrettons que cette mesure n'ait pas été reconduite. Dès lors, la situation a été complexe pour certains étudiants, partagés entre le souhait de rester dans leur logement et d'en acquitter le loyer et la nécessité de rentrer chez leurs parents. Les personnels des CROUS ont été admirables dans ce contexte, mais force est de constater qu'à plus haut niveau, la volonté de s'organiser au mieux a fait défaut.
Les bourses sont versées aux étudiants pendant dix mois, excluant les mois d'été. Nous avons toujours défendu l'idée selon laquelle la précarité n'opérait pas de trêve estivale et cette thèse était encore plus prégnante cette année. Il aurait été souhaitable de poursuivre le versement des bourses au cours de l'été 2020. Ce fut le cas pour certains étudiants sous certaines conditions, mais ils ont été peu nombreux, car les critères d'obtention étaient drastiques.
S'agissant des activités sportives, elles devraient être financées par la CVEC. Cependant, la gestion des fonds issus de cette taxe, qui incombe à chaque université, est si opaque qu'il n'est pas possible de s'en assurer. Nous prônons la suppression de cette taxe, considérant qu'il relève de la responsabilité de l'État d'abonder les budgets des universités. Toutefois, tant qu'elle existe, nous plébiscitons une gestion plus transparente et établie sur un mode participatif de sorte que les étudiants puissent décider de l'utilisation de ces fonds.
Pour ce qui concerne le domaine de la santé et du suivi psychologique des étudiants, au cours du quinquennat présidentiel précédent, il avait été proposé de créer des centres de santé affiliés à chaque université et de fournir les moyens financiers et humains nécessaires à leur création. Les universités qui ont donné suite à cette impulsion ont été très peu nombreuses. Pourtant, ces centres se seraient avérés utiles dans la période actuelle et auraient permis aux étudiants de trouver, sur place, une écoute de leur détresse psychologique.
S'agissant du décrochage des élèves, la France pratique une politique de réaction qui consiste à s'interroger sur les modalités à mettre en œuvre pour récupérer des élèves qui ont déjà décroché. Il serait préférable de construire une stratégie préventive de sorte à éviter les décrochages. Ce n'est pas une problématique primordiale dans notre pays et, dans ce cadre, nous disposons de peu de données pour mesurer le niveau de décrochage. Aucune étude récurrente n'est menée sur ce sujet. Notre organisation syndicale propose qu'un observatoire indépendant mène une étude qui permette à la société civile de s'intéresser de plus près à ces questions et de construire une stratégie préventive efficace.