Intervention de Christophe Delacourt

Réunion du jeudi 24 septembre 2020 à 9h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Christophe Delacourt, président de la Société française de pédiatrie :

Absolument, je vous ai transmis les chiffres pour l'hôpital Necker : la baisse d'activité aux urgences était de 65 %.

Les enfants ont été très peu malades du covid-19, puisqu'ils ont représenté 1 % des hospitalisations liées au covid-19 au printemps. La contribution de la pédiatrie à l'effort national, notamment dans les régions où la pandémie a été très forte (Grand Est et Ile-de-France), a consisté dans la mise à disposition de son personnel dans les services adultes afin de faire fonctionner les lits de réanimation, et notamment les lits de réanimation supplémentaires. Un certain nombre d'infirmières de pédiatrie volontaires ont également rejoint les services de gériatrie dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Nous avons donc dépeuplé nos services de pédiatrie en personnel et stoppé nos activités programmées, qu'elles soient médicales ou chirurgicales. Face à cette baisse d'activité, il est important de savoir si l'on constate un impact sur la qualité de la prise en charge et sur les retards de diagnostic.

Une pathologie très particulière est le diabète de type I, pour lequel le retard de diagnostic s'accompagne très rapidement de complications aiguës (acidocétose). Tous les pays qui ont publié des études sur ce point, notamment l'Allemagne, la France et l'Italie, ont constaté un retard important de diagnostic des nouveaux cas de diabète de type I pendant la période du confinement, se traduisant par un nombre d'enfants victimes d'acidocétose beaucoup plus important que les années précédentes.

Ces baisses d'activité aux urgences sont donc liées à deux facteurs. D'une part, le confinement a empêché la transmission des autres pathologies infectieuses, réduisant le nombre d'angines et d'autres pathologies bénignes. Ce premier facteur explique une part importante de la baisse d'activité constatée. Le second facteur consiste dans les retards de diagnostic.

Un autre point important a été avancé par l'Angleterre et l'Irlande, qui dans une publication commune ont imputé un certain nombre de décès à ces retards de diagnostic, notamment dans le cas de patients en infection grave qui sont arrivés trop tard aux urgences. En France, nous ne disposons pas d'une telle documentation. Le système de soins et l'accès aux soins est un peu différent en France et en Angleterre. Je ne suis pas certain que ce constat puisse être extrapolé pour la situation française. Dans les équipes que j'ai contactées, personne ne m'a fait remonter d'information sur des décès d'enfants liés à des retards de prise en charge. A priori, les retards de prise en charge qui se sont produits n'ont pas occasionné de décès.

Une deuxième question que je souhaite aborder consiste à déterminer si l'infection au covid-19 a été plus grave chez les enfants porteurs d'une maladie chronique. Cette question est complexe dans la mesure où peu d'enfants ont été atteints par le covid-19. Toutefois, parmi les enfants qui ont été admis en réanimation en France pour cause de covid-19, la proportion d'enfants qui souffraient d'une ou plusieurs maladies chroniques sous-jacentes est importante. Le taux de comorbidité était d'au minimum 50 % des enfants admis en réanimation. Néanmoins, l'effectif est trop faible pour pouvoir affirmer qu'une comorbidité en particulier est associée à un facteur de risque de covid sévère chez l'enfant.

Ce type de corrélation a pu être démontré chez l'adulte pour le diabète ou l'obésité. Le fait de souffrir d'une maladie chronique expose donc probablement l'enfant à une susceptibilité à des formes plus sévères du covid, néanmoins nous ne sommes pas en mesure d'identifier une pathologie comme particulièrement à risque.

Certaines spécialités pédiatriques ont pu observer ce qui s'est passé au sein de leurs cohortes : enfants asthmatiques, enfants traités pour chimiothérapie, enfants diabétiques, enfants ayant une tumeur. Il n'a pas été possible de démontrer que davantage de formes sévères du covid-19 étaient apparues parmi ces enfants. Il est cependant possible que ces enfants aient bénéficié d'une protection accrue par leur famille. Au final, il n'existe pas de réponse parfaite sur la question de l'impact des comorbidités chez les enfants.

La troisième question que je souhaite aborder est l'impact du confinement sur les prises en charge des maladies chroniques antérieurement reconnues. Il s'agit de déterminer s'il s'est produit davantage de complications chez ces enfants, notamment parce qu'ils n'ont pas pu accéder à une consultation qu'en télémédecine.

Il n'existe pas d'évaluation correcte de cette situation en France, ni dans d'autres pays. Certaines pathologies suscitent des interrogations, toutefois la documentation fait défaut. Il s'agit en particulier des enfants en surpoids. Une documentation prouve que l'existence d'une maladie chronique chez l'enfant a augmenté le degré d'anxiété pendant le confinement. Le surpoids augmente également le degré d'anxiété, tandis que le sédentarisme favorise les grignotages. On peut donc s'interroger sur l'évolution de la situation de ces enfants et l'aggravation potentielle de leur surpoids pendant le confinement.

Une autre interrogation concerne les enfants qui nécessitaient un support paramédical (kinésithérapie, rééducation, etc.). Ces activités ont subi des interruptions massives durant le confinement. La question concerne donc les enfants souffrant de maladies neuromusculaires, de pathologies respiratoires chroniques ou de retard psychomoteur, par exemple. Un impact à moyen terme de la rupture ou de la diminution des soins pendant le confinement pour ces enfants est possible, toutefois il n'existe pas de documentation permettant de l'attester. Je suggère donc éventuellement la création d'appels d'offres pour financer des recherches sur ces questions.

Enfin, je souhaite porter à votre attention la question de l'impact du confinement sur les actions de prévention. Je pense que Pierre Suesser et Sylvie Hubinois l'aborderont plus en détail. Les données font état d'une baisse très importante de délivrance des doses vaccinales pendant la période de confinement, en particulier pour le vaccin contre la rougeole. La France n'est pas le pays le plus exemplaire sur le taux de couverture de la vaccination contre cette maladie, même si la situation s'est quelque peu améliorée depuis l'obligation vaccinale. Une interrogation porte donc sur le rattrapage post-confinement de la délivrance de ces doses vaccinales.

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