Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse
Jeudi 24 septembre 2020
La séance est ouverte à neuf heures cinq
Présidence de Mme Sandrine Mörch, présidente
Nous nous retrouvons ce matin pour poursuivre les auditions de notre commission d'enquête. J'espère que nous pourrons travailler de façon constructive et sereine autour de ce sujet capital qu'est la jeunesse. Nous aborderons aujourd'hui, dans le cadre de plusieurs tables rondes, les conséquences positives ou négatives de la crise du covid-19 sur la santé des enfants. Nous savons que la balance penche davantage en faveur du négatif, toutefois je ne voudrais pas oublier les possibles conséquences positives ou les leçons constructives que nous pouvons tirer de cette crise sanitaire.
Cette première table ronde porte sur l'impact de la crise sanitaire sur la santé physique des enfants et des adolescents. La deuxième partie de la matinée portera plutôt sur leur santé psychique. Nous entendrons ce matin M. Christophe Delacourt, président de la Société française de pédiatrie (SFP) ; Mme Sylvie Hubinois, vice-présidente du Conseil national professionnel de pédiatrie (CNPP), qui représente Mme Brigitte Virey, présidente du Syndicat national des pédiatres français (SNPF) ; et M. Pierre Suesser, co-président du Syndicat national des médecins de Protection maternelle et infantile (SNMPMI)
Si les enfants et les adolescents sont moins touchés par le virus du covid-19 dans ses formes graves, il nous a semblé utile d'obtenir votre éclairage sur les manifestations de la maladie dans cette population au regard des dernières connaissances disponibles. Vous pourrez également nous éclairer sur les conséquences de la pandémie sur la santé physique des jeunes atteints de maladies chroniques et aiguës dont le suivi a pu être affecté.
L'épidémie s'est traduite par des retards dans les soins urgents en raison des tensions dans les services d'urgences, ainsi que par des retards de dépistage. Nous nous interrogeons en outre sur les effets induits par la crise sanitaire sur la sédentarité et le surpoids des enfants.
Enfin, nous souhaitons connaître votre appréciation de l'impact de l'épidémie sur les actions de prévention auprès des enfants et des jeunes, par exemple en termes de vaccination. Les services de la PMI jouent un rôle important en la matière.
M. Christophe Delacourt nous a fait parvenir un document préparatoire à cette audition éclairant très utilement les travaux de ce matin, qui vous a été transmis.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, avant chacune de vos interventions liminaires, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(M. Christophe Delacourt prête serment.)
Pour me présenter brièvement, je suis chef du service de pneumologie pédiatrique de l'hôpital Necker. Je suis président de la Société française de pédiatrie depuis trois ans.
Sur le thème de la santé physique des enfants pendant la pandémie de covid-19 du printemps et la période de confinement, plusieurs aspects me paraissent très importants. Le premier est l'impact du confinement sur le diagnostic des pathologies aiguës et chroniques. Tous les hôpitaux ont constaté une forte baisse de leur activité pédiatrique pendant cette période, aussi bien pour les convocations des enfants ayant une maladie chronique et leur prise en charge que dans le recours hospitalier des familles pour les pathologies aiguës.
Absolument, je vous ai transmis les chiffres pour l'hôpital Necker : la baisse d'activité aux urgences était de 65 %.
Les enfants ont été très peu malades du covid-19, puisqu'ils ont représenté 1 % des hospitalisations liées au covid-19 au printemps. La contribution de la pédiatrie à l'effort national, notamment dans les régions où la pandémie a été très forte (Grand Est et Ile-de-France), a consisté dans la mise à disposition de son personnel dans les services adultes afin de faire fonctionner les lits de réanimation, et notamment les lits de réanimation supplémentaires. Un certain nombre d'infirmières de pédiatrie volontaires ont également rejoint les services de gériatrie dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Nous avons donc dépeuplé nos services de pédiatrie en personnel et stoppé nos activités programmées, qu'elles soient médicales ou chirurgicales. Face à cette baisse d'activité, il est important de savoir si l'on constate un impact sur la qualité de la prise en charge et sur les retards de diagnostic.
Une pathologie très particulière est le diabète de type I, pour lequel le retard de diagnostic s'accompagne très rapidement de complications aiguës (acidocétose). Tous les pays qui ont publié des études sur ce point, notamment l'Allemagne, la France et l'Italie, ont constaté un retard important de diagnostic des nouveaux cas de diabète de type I pendant la période du confinement, se traduisant par un nombre d'enfants victimes d'acidocétose beaucoup plus important que les années précédentes.
Ces baisses d'activité aux urgences sont donc liées à deux facteurs. D'une part, le confinement a empêché la transmission des autres pathologies infectieuses, réduisant le nombre d'angines et d'autres pathologies bénignes. Ce premier facteur explique une part importante de la baisse d'activité constatée. Le second facteur consiste dans les retards de diagnostic.
Un autre point important a été avancé par l'Angleterre et l'Irlande, qui dans une publication commune ont imputé un certain nombre de décès à ces retards de diagnostic, notamment dans le cas de patients en infection grave qui sont arrivés trop tard aux urgences. En France, nous ne disposons pas d'une telle documentation. Le système de soins et l'accès aux soins est un peu différent en France et en Angleterre. Je ne suis pas certain que ce constat puisse être extrapolé pour la situation française. Dans les équipes que j'ai contactées, personne ne m'a fait remonter d'information sur des décès d'enfants liés à des retards de prise en charge. A priori, les retards de prise en charge qui se sont produits n'ont pas occasionné de décès.
Une deuxième question que je souhaite aborder consiste à déterminer si l'infection au covid-19 a été plus grave chez les enfants porteurs d'une maladie chronique. Cette question est complexe dans la mesure où peu d'enfants ont été atteints par le covid-19. Toutefois, parmi les enfants qui ont été admis en réanimation en France pour cause de covid-19, la proportion d'enfants qui souffraient d'une ou plusieurs maladies chroniques sous-jacentes est importante. Le taux de comorbidité était d'au minimum 50 % des enfants admis en réanimation. Néanmoins, l'effectif est trop faible pour pouvoir affirmer qu'une comorbidité en particulier est associée à un facteur de risque de covid sévère chez l'enfant.
Ce type de corrélation a pu être démontré chez l'adulte pour le diabète ou l'obésité. Le fait de souffrir d'une maladie chronique expose donc probablement l'enfant à une susceptibilité à des formes plus sévères du covid, néanmoins nous ne sommes pas en mesure d'identifier une pathologie comme particulièrement à risque.
Certaines spécialités pédiatriques ont pu observer ce qui s'est passé au sein de leurs cohortes : enfants asthmatiques, enfants traités pour chimiothérapie, enfants diabétiques, enfants ayant une tumeur. Il n'a pas été possible de démontrer que davantage de formes sévères du covid-19 étaient apparues parmi ces enfants. Il est cependant possible que ces enfants aient bénéficié d'une protection accrue par leur famille. Au final, il n'existe pas de réponse parfaite sur la question de l'impact des comorbidités chez les enfants.
La troisième question que je souhaite aborder est l'impact du confinement sur les prises en charge des maladies chroniques antérieurement reconnues. Il s'agit de déterminer s'il s'est produit davantage de complications chez ces enfants, notamment parce qu'ils n'ont pas pu accéder à une consultation qu'en télémédecine.
Il n'existe pas d'évaluation correcte de cette situation en France, ni dans d'autres pays. Certaines pathologies suscitent des interrogations, toutefois la documentation fait défaut. Il s'agit en particulier des enfants en surpoids. Une documentation prouve que l'existence d'une maladie chronique chez l'enfant a augmenté le degré d'anxiété pendant le confinement. Le surpoids augmente également le degré d'anxiété, tandis que le sédentarisme favorise les grignotages. On peut donc s'interroger sur l'évolution de la situation de ces enfants et l'aggravation potentielle de leur surpoids pendant le confinement.
Une autre interrogation concerne les enfants qui nécessitaient un support paramédical (kinésithérapie, rééducation, etc.). Ces activités ont subi des interruptions massives durant le confinement. La question concerne donc les enfants souffrant de maladies neuromusculaires, de pathologies respiratoires chroniques ou de retard psychomoteur, par exemple. Un impact à moyen terme de la rupture ou de la diminution des soins pendant le confinement pour ces enfants est possible, toutefois il n'existe pas de documentation permettant de l'attester. Je suggère donc éventuellement la création d'appels d'offres pour financer des recherches sur ces questions.
Enfin, je souhaite porter à votre attention la question de l'impact du confinement sur les actions de prévention. Je pense que Pierre Suesser et Sylvie Hubinois l'aborderont plus en détail. Les données font état d'une baisse très importante de délivrance des doses vaccinales pendant la période de confinement, en particulier pour le vaccin contre la rougeole. La France n'est pas le pays le plus exemplaire sur le taux de couverture de la vaccination contre cette maladie, même si la situation s'est quelque peu améliorée depuis l'obligation vaccinale. Une interrogation porte donc sur le rattrapage post-confinement de la délivrance de ces doses vaccinales.
Merci pour ces points qui appellent d'autres questions.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, avant chacune de vos interventions liminaires, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(Mme Sylvie Hubinois prête serment.)
Je suis pédiatre libérale en Ile-de-France et je représente le Syndicat national des pédiatres français puisque sa présidente, qui vous envoie toutes ses excuses, n'a pas pu se libérer. Je suis également vice-présidente du CNPP et ancienne présidente de l'Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA). A ce titre, je travaille avec le bureau du SNPF.
J'ai continué à travailler, comme quasiment tous les pédiatres, pendant le confinement. Nous n'avons pas constaté d'interruption d'activité. En revanche, nous avons connu une importante modification de notre activité, puisque selon les recommandations des sociétés savantes (AFPA et SFP), nous avons recentré notre activité sur les plus jeunes enfants afin d'éviter une rupture des calendriers vaccinaux. Chez les pédiatres, cette stratégie a plutôt bien fonctionné. Les messages sont bien passés et les calendriers vaccinaux ont été bien respectés, comme en temps normal.
Nous avons également été particulièrement attentifs aux bébés en sortie de maternité, puisque ces sorties ont eu lieu de façon plus précoce qu'en temps normal. Les pédiatres ont donc examiné des enfants dans leurs premiers jours de vie, y compris avant la visite classiquement recommandée dans les six à dix jours. Notre activité chaque matin consistait donc à examiner les plus petits enfants bien portants.
Pour les plus grands, nous avons assuré le suivi des enfants qui en avaient vraiment besoin. Nous avons plutôt reporté les vaccinations des 6 à 11 ans, puisque ces vaccinations peuvent attendre quelques mois, mais toujours en s'efforçant de fixer un rendez-vous à la fin du printemps et à la sortie du confinement, afin de limiter les retards de vaccination. Pour les pathologies chroniques, nous avons continué à suivre les enfants qui en avaient vraiment besoin, sans toutefois les recevoir en même temps que les bébés.
Les urgences, comme l'a indiqué M. Delacourt, ont très vite diminué. Au début du confinement, elles représentaient comme en hiver une importante partie de notre activité, puis en dix à quinze jours, les urgences ont quasiment disparu du fait de l'arrêt des activités en collectivité. Nous avons rencontré très peu d'enfants suspectés de covid-19 dans les cabinets.
Cette crise nous a permis de mettre en œuvre la téléconsultation, que peu de pédiatres pratiquaient auparavant. La téléconsultation nous a bien aidés pour la prise en charge d'un certain nombre de pathologies chroniques. Nous avons pu réaliser des téléconsultations pour obésité ou pour suivre des troubles de l'apprentissage. La téléconsultation a permis d'aider les parents des jeunes enfants, qui sont souvent perdus face à des situations qui ne nécessitent pas un déplacement chez le pédiatre. L'on a constaté une recrudescence du nombre de jeunes enfants, mais aussi de plus grands, qui ont manifesté des troubles du sommeil, du fait du changement de leur rythme de vie et parfois en raison d'un confinement hors du domicile, puisque beaucoup de Franciliens se sont éparpillés sur le territoire national. La téléconsultation a permis de garder le contact avec ces familles et de donner des conseils d'alimentation, par exemple.
La situation sanitaire a nécessité un important travail pour réorganiser nos cabinets et espacer les rendez-vous afin de limiter la fréquentation des salles d'attente. En effet, les pédiatres travaillent en temps normal souvent avec plusieurs bureaux pour gagner du temps. Nous avons installé des sens de circulation pour éviter que les patients ne se croisent, mis à disposition du soluté hydroalcoolique, du savon liquide, et vérifié que tous les patients se présentent masqués, ce qui n'était pas toujours facile au début.
Nous avons connu des problèmes d'organisation au niveau de l'approvisionnement, notamment en masques au début du confinement, avant que la situation ne s'améliore grâce aux efforts du gouvernement. En revanche, pour les solutés hydroalcooliques, le savon liquide, le désinfectant, nous sommes encore à ce jour confrontés à des difficultés d'approvisionnement auprès des fournisseurs, avec des délais fortement allongés. Pour les cabinets, cette situation constitue un véritable problème et nous consacrons beaucoup de temps à rechercher ces produits.
Un important effort a été accompli, tant au syndicat qu'à l'AFPA, pour former les pédiatres. Nous avons très régulièrement organisé des classes virtuelles sur le covid-19 animées par des spécialistes. Le syndicat a également réalisé des flash d'informations par mail plusieurs fois par semaine, à chaque évolution des modalités d'accueil et de prise en charge dans les cabinets. L'AFPA a tenu son site internet à jour quotidiennement.
Au cours du confinement, nous avons pu reprendre nos consultations toujours en espaçant les rendez-vous et en respectant les mesures de distanciation, ce qui imposait de diminuer quelque peu le volume de consultations.
Un élément qui se distingue à mes yeux est la recrudescence des difficultés rencontrées par les nourrissons qui sont restés enfermés avec leurs parents pendant plusieurs mois. Les consultations étaient beaucoup plus compliquées, car ces enfants qui avaient été choyés par leurs parents avaient du mal à se réadapter à la vie collective, bien qu'apparemment, les retours en crèche se soient plutôt bien passés.
L'usage des écrans a constitué un véritable problème pendant le confinement. Les parents étaient souvent tous les deux en télétravail. Il leur était difficile de s'occuper de leurs enfants, quel que soit le milieu social et peut-être davantage dans les milieux défavorisés. Lorsque les parents suivaient des conférences téléphoniques pendant les trois quarts de la journée, parfois tous les deux en même temps, la seule « nounou » qui était à leur disposition était l'écran. Les parents ont encore du mal à rétablir les règles qui existaient avant le confinement, pour ceux qui établissent des règles correctes.
En matière de prise de poids, les adultes ont pris en moyenne trois kilos. Les enfants ont également subi une prise de poids. Les adolescents en particulier ont connu une prise de poids excessive liée à l'inactivité et à l'usage augmenté des écrans. Certains ont été confrontés à des problèmes d'anxiété ou de phobie de sortir du domicile, comme les parents. Les troubles du sommeil se sont également multipliés parmi les enfants. Il n'existe pas d'études sur ces aspects.
Le décrochage scolaire s'est accentué surtout dans les milieux défavorisés. Je m'occupe en particulier des enfants qui connaissent des difficultés scolaires. Un certain nombre d'enfants a été bien pris en charge par les parents. Les maitresses étaient étonnées de revoir au mois de juin ces enfants qui avaient beaucoup progressé, car leurs parents avaient pu s'investir auprès d'eux. Le contraste est fort avec les enfants dont les parents n'ont pas pu se libérer et une forte inégalité sociétale est apparue pendant le confinement. A cette rentrée, les statistiques montrent que certains enfants sont encore éloignés du milieu scolaire.
Voici mon point de vue depuis un cabinet libéral et après discussions avec mes collègues.
J'espère que nous pourrons trouver des statistiques sur les points que vous avez évoqués afin de quantifier ces évolutions.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, avant chacune de vos interventions liminaires, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(M. Pierre Suesser prête serment)
Je suis pédiatre et j'exerce en Seine-Saint-Denis. J'appuierai ma présentation sur une étude que le SNMPMI a lancée en avril auprès des professionnels de la PMI afin d'évaluer, de façon plutôt sociologique qu'épidémique, quelles observations pouvaient être faites auprès des familles et des enfants. Nous avons pu recueillir 80 réponses émanant de 28 départements, assez bien répartis sur l'ensemble des régions et se trouvant dans des situations démographiques variées. Cette étude ne prétend pas à la représentativité et nous restons très prudents sur ces résultats préliminaires.
Sur les 28 départements, 19 ont maintenu dès le départ des consultations auprès des enfants, avec des modes plus ou moins dégradés, mais dans l'objectif principal de réaliser les vaccinations et de recevoir les nouveau-nés en sortie de maternité ainsi que les familles confrontées à un certain nombre de difficultés, et pour lesquelles nous avions davantage d'inquiétudes.
14 départements ont déclaré maintenir les consultations auprès des femmes enceintes et les consultations de planification familiale. Dans les 14 autres, les situations sont très variées.
Les consultations des puéricultrices ont été majoritairement maintenues, soit en présentiel soit par téléphone. Les éducatrices de jeunes enfants, les psychologues et les psychomotriciens et psychomotriciennes ont également beaucoup travaillé par téléphone.
Le vécu des enfants s'est traduit par un temps d'arrêt avec des effets assez divers et surprenants. Le confinement a mis en lumière que le rythme de vie des adultes ne respectait pas toujours celui des jeunes enfants. Il a aussi pointé les effets bénéfiques du ralentissement de l'activité, quand le contexte de vie n'était pas défavorable. Bien entendu, les conditions économiques, les conditions de logement, la présence ou l'absence d'espace extérieur, la condition de la famille, l'isolement, le type de travail des parents, le niveau d'anxiété, l'atteinte de proches par le covid-19, ont eu des répercussions diverses.
Nous avons noté quelques effets positifs. En effet, certains bébés ont bénéficié grâce au confinement d'une période de calme et de respect de leur rythme, lorsque le climat familial était propice. Des mères ont pu se reposer avec leur bébé et ont pu vraiment l'allaiter à leur rythme. Cette situation évoque la période de réclusion qui existe dans certaines sociétés traditionnelles, comme l'ont mentionné les collègues anthropologues qui ont réalisé cette enquête. L'absence de contraintes horaires, et donc du stress qu'elles génèrent, a pu avoir un effet bénéfique sur certaines familles.
Des effets déstabilisants se sont en revanche manifestés. Certains enfants qui connaissaient des difficultés scolaires et qui ont pu être suivis à distance par des centres médico-psychologiques (CMP) ou des centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) ont plutôt bien vécu le confinement, car ils étaient moins confrontés à leurs difficultés. Ces enfants ont pu être rassurés par le cocon familial. Pour certains enfants présentant des troubles du spectre autistique, les parents ont noté qu'ils étaient plus sereins, car moins confrontés à ce qu'ils vivent comme des agressions extérieures. Toutefois, cette amélioration ne concerne pas tous les enfants souffrant de troubles du neurodéveloppement.
Parmi les difficultés observées, comme la presse l'a documenté, certaines familles ont exercé une pression éducative importante sur leurs enfants, pensant bien faire. Par exemple, une maman qui décide de supprimer la tétine chez son enfant puis s'étonne qu'il entre dans des colères ingérables, ou l'apprentissage de la propreté qui commence au moment où les repères de l'enfant ne le permettent pas vraiment. De nombreuses observations portaient aussi sur les longues heures passées avec les enfants sur les devoirs, qui étaient parfois sources de tensions.
A-t-on parlé aux enfants de l'épidémie et du confinement ? Parfois, les assistantes maternelles leur en ont parlé. Les enfants ont souvent subi le confinement sans pouvoir y attribuer de sens, et le lien possible n'a pas toujours été établi par les parents entre la situation exceptionnelle et les problèmes de comportement que présentaient leurs enfants. Une puéricultrice témoigne ainsi avoir expliqué aux parents qu'ils devaient donner des explications aux enfants, que les parents avaient besoin de comprendre que certains comportements pouvaient être en lien avec du stress et que même les bébés pouvaient être rassurés par le fait qu'on leur explique ce qui était en train de se passer.
Certaines collègues ont été frappées par le fait que beaucoup d'enfants acceptaient assez bien la situation du confinement. Elles l'ont expliqué par un climat de peur qui pouvait être entretenu par les informations télévisuelles. Des manifestations accrues d'anxiété et de troubles du sommeil ont été observées. Les enfants étaient davantage inquiets lorsque les familles étaient elles-mêmes inquiètes et que les plus grands, qui s'informaient sur la situation, pouvaient traverser des angoisses assez difficiles à gérer avec l'accentuation des troubles.
Certains parents sont parvenus à maintenir un rythme de vie calqué sur la scolarité en matière d'horaires de repas et de coucher, indépendamment des questions de pression scolaire. Des pertes de rythme ont été signalées dans de nombreuses familles où « les enfants se sont calés sur le rythme des parents, qui n'en ont plus », selon les propos rapportés. De nombreux parents et professionnels se sont questionnés sur les effets de la perte des repères spatio-temporels sur les enfants.
Il a été rapporté que les sorties étaient plus faciles à la campagne. Certains parents ont « trop bien respecté » le confinement, c'est-à-dire que les enfants n'ont bénéficié d'aucune sortie. Les professionnels en lien avec ces familles leur ont délivré des conseils.
Les problèmes de sommeil ont été signalés dans 25 % des réponses, en rapport avec le manque d'activité, l'excès d'écrans, la perte de rythme de vie et le sentiment d'insécurité.
Sur l'alimentation, peu de réponses ont été fournies. Certaines familles se sont retrouvées sans ressources du jour au lendemain, voire en grande difficulté financière pour celles dont les parents travaillent « au noir » ou qui s'approvisionnement dans des centres de distribution d'aide alimentaire, qui étaient fermés durant le confinement. Les équipes de PMI se sont efforcées d'obtenir des aides financières pour ces familles, néanmoins des cas de malnutrition ont été signalés.
Sur les problèmes de comportement, beaucoup d'enfants étaient plus agités, moins concentrés et moins tolérants à la frustration, même si une grande variabilité apparaît dans les réponses. Comme nous l'avons vu, certains enfants avec des troubles du neurodéveloppement semblaient bien s'accommoder de la situation, tandis que d'autres se trouvaient davantage en difficulté.
Les écrans constituent un des thèmes qui reviennent le plus dans l'enquête : 18 départements ont répondu. De grandes différences apparaissent en fonction du niveau social : plus les parents sont en difficulté et plus les écrans sont utilisés. Les tout-petits utilisent souvent les téléphones portables des parents, comme c'est le cas en situation normale. « Le monde entier s'est retrouvé derrière les écrans », nous a dit une collègue : cela a permis de garder un contact avec l'extérieur, les effets ne sont donc pas univoques.
La télévision était massivement utilisée et a permis parfois de tenir le coup dans des espaces restreints et suroccupés. Cet outil s'est révélé dans certains cas indispensable, ce qui a provoqué des injonctions très contradictoires entre les obligations professionnelles et scolaires et les conseils de limitation d'utilisation que prodiguent les professionnels de santé.
Bien qu'il soit difficile de mettre directement en lien ces phénomènes avec les difficultés rencontrées, il est très probable qu'ils y aient contribué. Les professionnels qui avaient fait de la prévention sur la consommation des écrans leur combat se disent que tout est à recommencer.
Une de mes collègues éducatrice de jeunes enfants notait que des décrochages scolaires se manifestaient chez les préadolescents, alors que les jeunes enfants qu'elle suivait étaient contents de retrouver le chemin de l'école et que certains ont beaucoup progressé pendant cette période. Les effets sont donc complexes.
Sur la protection de l'enfance, dans la majorité des départements, les informations préoccupantes ont été beaucoup moins nombreuses mais souvent très lourdes, avec des familles en grande précarité et des maltraitances importantes, avec des cas de brûlures, de malnutrition, d'insuffisance de soins. Les personnels de PMI ont été surpris dans certains départements du nombre réduit d'informations préoccupantes à traiter, et ont manifesté de l'inquiétude sur le fait que toutes les informations préoccupantes ne pouvaient pas être prises en compte.
Pendant le confinement, les services de PMI ont tenté de rester disponibles pour les enfants confiés de moins de six ans, que ce soit pour évaluer une situation urgente, pour assurer le suivi médico-social ou chercher un accueil en crèche en cas de besoin. La PMI a néanmoins été sollicitée pour l'évaluation de certaines informations préoccupantes relatives à des situations déjà connues, surtout lorsque des relations de confiance étaient déjà instaurées. Des suivis à domicile ou des contacts téléphoniques ont pu être maintenus pour les situations les plus préoccupantes.
Enfin, le suivi des nourrissons en famille d'accueil a été globalement maintenu quand des consultations étaient ouvertes dans les centres médico-sociaux (CMS), ou à domicile si les visites y étaient autorisées. Dans les autres cas, le lien a pu être établi par vidéo ou téléphone et ces moyens se sont avérés utiles pour conseiller les familles d'accueil face aux différents symptômes des enfants.
Un certain nombre d'établissements ont fermé et des enfants sont revenus dans leur famille parfois sans que les services en soient informés, notamment les collègues de PMI. Nous avons également observé des effets divers dans un contexte de confinement, lorsque les logements ne permettaient pas aux membres de la famille de s'extraire d'une trop grande promiscuité. Des déséquilibres ont pu se produire, entraînant des passages à l'acte. Certains enfants souffrant en silence et d'autres, placés en urgence, se sont sentis très abandonnés. Pour certains enfants, toutefois, le confinement en famille s'est bien passé et a permis un resserrement des liens.
Nous disposons d'assez peu d'éléments sur le ressenti des familles et des enfants concernés par la protection de l'enfance. Nous avons néanmoins le sentiment que la privation des visites des parents pouvait être difficile à supporter pour certains enfants, surtout les plus jeunes. Certains enfants qui présentaient des symptômes ont subi la quatorzaine et cette épreuve a été assez difficile à vivre pour eux.
Je rappelle que tous ces éléments ne constituent que des résultats provisoires.
Vous avez beaucoup évoqué la déprogrammation d'un certain nombre de rendez-vous et les vaccinations retardées. Nous sommes face à une reprise de la pandémie, avec des zones très touchées. Ce matin, toutes les radios parlaient de Marseille et d'autres villes. Comment empêcher cette déprogrammation et quelles démarches peuvent être mises en œuvre pour parvenir à maintenir autant que possible le suivi de ces enfants et de ces adolescents ? Vous avez abordé la téléconsultation. Quelle est son efficacité réelle ? Des doutes persistent sur cette question.
Vous avez également abordé les inégalités sociales de santé. J'appartiens au département de la Seine-Saint-Denis, où les phénomènes de diabète et de surpoids sont nombreux. Ce département est également confronté à un retour en force de la tuberculose. Comment percevez-vous ces inégalités sociales devant la santé ? Quelles solutions pouvons-nous mettre en œuvre ?
Vous avez parlé des problèmes de nutrition. Nous avons été fortement sollicités par les associations caritatives pendant le confinement au sujet des familles déplacées ou logées dans des hôtels par le 115. Avec l'arrêt des cantines scolaires, ces familles et leurs enfants se sont retrouvés affamés. Qu'en est-il des enfants qui vivent dans les camps de migrants ? Avons-nous une idée de leur état de santé à la sortie de cette période ?
Enfin, j'aurais aimé entendre votre avis sur la santé scolaire. L'école a repris et pour ma part je ne peux que m'en féliciter, mais quels sont vos rapports avec la médecine scolaire, dans l'état de faiblesse où elle se trouve ?
La situation épidémique au printemps imposait de déprogrammer toutes les actions concernant les enfants souffrant de maladies chroniques, afin que du personnel puisse être mobilisé dans la prise en charge des adultes. Je rappelle qu'en Ile-de-France, le nombre de lits de réanimation a été multiplié par deux par rapport à l'existant. Du personnel était indispensable pour prendre en charge ces patients en réanimation adulte, mais également pour renforcer les équipes des services de gériatrie, qui ont été très durement touchés. Nous étions donc face à une obligation de santé publique à mobiliser du personnel.
Je suis directeur du département médico-universitaire de médecine de l'enfant et de l'adolescent à l'hôpital Necker, qui regroupe huit services de pédiatrie. Cinquante de nos infirmières sont parties dans des services adultes. Face à cet effort considérable, nous ne pouvions pas continuer à prendre en charge ces enfants. De plus, dans les quelques services qui ont continué d'assurer la prise en charge, les familles ne voulaient pas se rendre à l'hôpital. Il existait un obstacle psychologique majeur au fait de se déplacer dans cette situation épidémique.
Le contexte est différent aujourd'hui. Le virus circule toujours et une augmentation des hospitalisations et des admissions en réanimation se manifeste, toutefois l'hôpital ne se trouve pas au même niveau de pression qu'au printemps. L'objectif consiste donc à maintenir la prise en charge des maladies chroniques en présentiel, avec des hôpitaux de jour et des consultations tant que faire se peut, car nous devrons nous adapter à une éventuelle augmentation de la pression sur l'hôpital.
La téléconsultation en pédiatrie mériterait vraiment d'être évaluée ; nous sommes sortis du confinement en estimant que nous avions connu une magnifique expérience de la téléconsultation. Avec un certain nombre de familles, l'évaluation et la surveillance sont possibles par la téléconsultation. Nous nous étions fixé l'objectif de maintenir une proportion de 10 à 20 % de nos consultations en téléconsultation. Or, nous observons aujourd'hui qu'en pédiatrie, tous les médecins ont repris les consultations en présentiel et aucun n'a conservé un service de téléconsultation. Je ne sais pas quelle est l'expérience en médecine adulte, mais je pense qu'en pédiatrie, le contact avec les parents et avec l'enfant, cette relation tout à fait particulière à la pédiatrie, est peut-être plus difficile à obtenir en téléconsultation, où souvent seuls les parents sont consultés. En tout cas, j'observe qu'aucun de mes collègues à l'hôpital Necker n'a poursuivi la téléconsultation de façon significative.
Sur la téléconsultation, il me semble que la donne est quelque peu différente en pédiatrie de ville. Nous connaissons bien nos jeunes patients et nous les rencontrons souvent. Nous connaissons également bien les parents. Le taux de téléconsultation a effectivement chuté drastiquement pour ma part comme pour tous mes collègues depuis la fin du confinement. Toutefois, quelques situations peuvent encore être traitées en téléconsultation, comme des problèmes dermatologiques pour lesquels les parents peuvent envoyer une photo, ou les troubles du sommeil du nourrisson, un domaine dans lequel les parents nous interrogeaient souvent par téléphone. Pouvoir discuter avec les parents en appel visuel est beaucoup plus efficace que de communiquer par email ou par téléphone, comme cela se faisait avant.
Dans ces cas précis, la téléconsultation apporte donc un progrès, toutefois dans la plupart des situations, la téléconsultation n'a pas du tout la même efficacité. Il existe une place pour la téléconsultation, mais celle-ci n'est sans doute pas très étendue. La téléconsultation doit être pratiquée avec précaution dans les cas d'urgence, en particulier pour les troubles respiratoires et la toux. Pour ma part, je demande toujours que l'enfant participe à une téléconsultation, même s'il s'agit simplement d'un nez qui coule.
Vous avez parlé des camps de migrants. Pédiatres du monde intervient dans les camps de migrants, à Ivry en particulier, et il serait utile de s'adresser à eux.
Pour compléter ce que viennent d'exposer mes collègues, sur la téléconsultation, je ne suis pas en mesure de décrire ce qui s'est passé dans les services de PMI. Je suppose que la plupart ne sont pas vraiment équipés pour ce genre de pratique. Nous commençons néanmoins à en discuter pour évaluer ce qui pourrait être réalisé dans ce sens. Les services de PMI ont plutôt fonctionné en accueillant les enfants en consultation lorsque c'était possible et avec un important travail réalisé par téléphone par les puéricultrices.
Toutefois, par rapport au mois de mars, un effet de sidération s'est produit pour les services de PMI, car un certain nombre de collectivités départementales ont fermé leurs services du jour au lendemain. Nous avons noté dans l'enquête que lorsqu'un médecin-chef de PMI a toute sa place dans l'organigramme, lorsqu'il est reconnu dans ses missions par les élus et l'administration, le fonctionnement a été plus probant que dans d'autres départements où le service de PMI a été déstructuré et n'a plus qu'une organisation horizontale. Dans ces cas, la hiérarchie du service n'avait pas la même vision et les mêmes priorités. Cela renvoie donc à une discussion sur la place des professionnels de PMI en tant que professionnels de santé au sein des collectivités.
J'ai la chance de travailler dans une collectivité qui a maintenu toute sa place au service de PMI, et j'évoquerai à cet égard nos interventions auprès des camps de Roms. L'organisation de la PMI dans les départements est en difficulté et il s'agit d'un problème plus généralement lié à la façon dont l'Etat intervient auprès des départements pour les inciter à respecter la loi. En effet, de nombreux départements ne la respectent pas et même lorsque des tribunaux administratifs se prononcent pour reconstituer un service de PMI, les collectivités n'y donnent pas toujours suite. Il s'agit d'un problème de fonctionnement de la République qui se trouve hors du champ de notre discussion de ce matin.
Nous ne sommes plus du tout dans cette situation de sidération. Lors du confinement, dans notre département, un seul centre de PMI a été maintenu ouvert par ville, pour un nombre habituel de trois, quatre ou cinq centres selon les villes. Nous avions regroupé les activités dites prioritaires sur un seul centre. Je pense que nous ne réagirions plus du tout de la sorte aujourd'hui. Nous avons commencé à discuter d'un plan de continuité de l'activité au cas où l'épidémie se développerait encore davantage, et nous n'envisageons plus de n'ouvrir qu'un seul centre, mais plutôt de nous efforcer de maintenir l'activité autant que possible.
En Seine-Saint-Denis, nous avons par exemple comparé nos statistiques de vaccination en 2019 et 2020 et avons constaté une chute de 15 à 30 % des vaccinations, selon les vaccins. Nous sommes donc parvenus à maintenir un assez bon niveau de vaccination. En outre, nous avons noté que peu de familles refusaient de se rendre à la PMI parce qu'elles avaient peur de sortir.
Pour évoquer l'intervention du service de PMI de Seine-Saint-Denis auprès des camps de Roms, celui-ci est en train de monter une équipe mobile regroupant des sages-femmes, des puéricultrices, des assistantes sociales et des médecins pour intervenir directement dans les camps, en complétant l'action de longue date de Médecins du monde et de Pédiatres du monde. Auparavant, la PMI n'intervenait pas en équipe dans ces camps mais plutôt sous forme d'interventions individuelles. Il m'est difficile de vous décrire les effets spécifiques du confinement auprès de cette population. Nous pouvons imaginer qu'ils ont été délétères, mais nous ne disposons d'aucune donnée sur ce sujet.
J'ai évoqué la misère de la PMI, mais j'ignore ce qu'il convient de dire à propos de l'extrême misère de la santé scolaire. Des rapports se suivent et se ressemblent. Je pense que certains ont été établis par des députés. Malgré tout, aucune évolution n'est à signaler depuis bien des années. Nous ne savons plus quel discours tenir face aux gouvernants sur ce sujet. Il est certain que le développement des services de santé scolaire est absolument indispensable, à travers des équipes pluridisciplinaires proches de celles existant en PMI. Il s'agit d'un autre enjeu global.
Un élément important dans votre question était la différence à attendre entre l'épisode d'automne et celui du printemps en pédiatrie. L'automne est une période épidémique normale pour les enfants, et la pression hospitalière liée à ces épidémies est habituellement très forte. Pour vous en donner une idée, les hospitalisations liées au covid-19, en nombre absolu chez les 0 à 14 ans, sont au nombre total de 1 190 à ce jour, tandis que la bronchiolite représente 20 000 à 25 000 hospitalisations d'enfants de moins d'un an chaque année. La grippe représente près de 3 500 hospitalisations par an pour les enfants de 0 à 4 ans. Si une pression très importante liée au covid-19 chez l'adulte devait se présenter aujourd'hui, la pédiatrie ne serait donc pas en mesure de participer à l'effort de santé car elle devrait faire face aux épidémies physiologiques de l'automne et de l'hiver. Il s'agit d'un enjeu très important, car il est peu probable que l'occurrence des bronchiolites diminue cette année. Les enfants – heureusement – ne sont pas masqués et vont se transmettre le virus respiratoire syncytial (VRS) comme les autres maladies.
Les hospitalisations liées à la grippe vont également survenir. Malgré un appel plus étendu cette année à la vaccination antigrippale, je doute que la couverture vaccinale soit excellente. Nous savons en outre que la vaccination antigrippale est moins efficace chez les nourrissons qu'elle ne l'est chez l'adulte.
Concernant la malnutrition, nous ne disposons pas de données dans les pays d'Europe occidentale, toutefois les rapports de l'Unicef sur l'impact du confinement et la malnutrition sont effrayants. Dans les pays en voie de développement, il est estimé que 10 000 morts pédiatriques sont liées à la malnutrition par défaut d'accès à l'alimentation en raison du confinement. Dans ces pays, davantage d'enfants vont donc mourir en raison de la malnutrition imposée par le confinement qu'en contractant le covid-19. Il est évident que dans les situations de misère sociale que connaissent les camps de migrants, des effets de malnutrition sont probables, mais nous manquons d'une évaluation de cette situation dans les pays dits développés comme l'Europe occidentale.
Je profite pour aborder la vaccination sur la gastroentérite, provoquée par le rotavirus, qui provoque 10 000 à 15 000 hospitalisations par an et une dizaine de morts. Nous insistons sur la nécessité que le vaccin contre la gastroentérite soit accessible à chacun. Il est très onéreux et beaucoup de familles ne peuvent pas le prendre en charge. L'Académie de médecine et le Conseil de santé publique ont encore émis une recommandation en faveur de son remboursement.
En effet, la question du remboursement du vaccin contre le rotavirus constitue une urgence médicale.
Il peut s'agir effectivement d'une préconisation pour la suite : les erreurs à ne pas reproduire, et ce que nous avons appris de la crise du printemps pour aborder la crise de l'automne.
J'aimerais connaître l'impact de la fin des soins associés, dans le domaine de la kinésithérapie ou des soins psychomoteurs. Il doit exister des incidences fortes, même si nous ne sommes pas en mesure de les chiffrer. Il me paraît important de disposer d'éléments sur ce sujet.
Il serait également intéressant de qualifier la maladie physique provoquée par l'exposition aux écrans : de quoi souffrent les personnes qui abusent des écrans ? Je pose la même question au sujet de l'espace, qui reste malheureusement le cadet de nos soucis dans notre société moderne. Pour les enfants, en temps ordinaire déjà, il apparaît problématique de ne disposer que d'un paillasson pour seul espace de vie. Le besoin d'espace se manifeste d'autant plus avec la pandémie, or la prise de conscience de ce besoin par les adultes ne semble pas évidente.
Je me demande par ailleurs quels types de maladies ont pu être évitées pendant le confinement.
De nombreux travaux menés au niveau international montrent qu'une consommation abusive des écrans entraîne des effets sur le développement des enfants, sur le langage, sur l'obésité, sur des difficultés de comportement, d'attention, d'instabilité, etc. Il existe une dimension physique de ces effets, avec des enfants qui ne tiennent pas en place. Les questions d'espace et les effets physiques de l'exposition aux écrans sont entièrement combinés. Des travaux ont été menés par l'Académie de médecine sur ces sujets.
Il ne s'agit pas pour autant de stigmatiser l'usage des écrans, qui est omniprésent dans la vie quotidienne, mais d'adopter une forme d'éducation populaire et de dialogue entre professionnels et familles sur le fait que le développement des tout-petits est multisensoriel. S'ils n'ont comme activité que l'accès aux écrans, ils seront réellement entravés dans leur développement affectif et relationnel.
Des études ont montré que les enfants qui ne regardent pas la télévision, lorsque celle-ci est tout de même allumée dans la pièce, ont une activité de jeu moins riche que si la télé est éteinte. Les études contemporaines sont très convergentes sur ces aspects.
La question du logement et des espaces de vie confinés représente un enjeu essentiel de santé des enfants, lié à l'insalubrité d'un certain nombre de logements, mais également à l'espace parfois très restreint dont ils disposent.
Je voudrais réaliser à ce sujet une incise sur la question des modes d'accueil. Une réforme est en cours et des débats importants concernent une série d'enjeux de disponibilité des professionnels et de taux d'encadrement des enfants, mais également d'espace. Les décisions qui se dessinent consisteraient à garantir 7 mètres carrés par enfant dans les crèches, mais seulement 5,5 mètres carrés dans les zones urbaines très denses. Cela ressemble à une discussion technocratique, mais la réalité est que pour les enfants, la disponibilité de l'espace a divers impacts, a fortiori dans des villes où les enfants bénéficient déjà de peu d'espace à la maison et de peu d'espace à l'extérieur. Les professionnels des modes d'accueil se mobilisent fortement pour faire entendre cette réalité aux interlocuteurs du Gouvernement.
Vous avez posé une question sur les diminutions importantes des recours au soutien paramédical. Le confinement a duré deux mois, et dans les familles dont l'enfant a besoin d'un support paramédical, beaucoup de parents se sont formés au fil du temps à pratiquer eux-mêmes ces soins paramédicaux.
Pour des maladies comme la mucoviscidose par exemple, beaucoup de parents savent pratiquer la kinésithérapie respiratoire sur leur enfant. Pour les maladies neuromusculaires, certains parents pratiquent même mieux le nursing qu'un certain nombre de professionnels.
L'impact est donc difficile à évaluer à court terme, mais il sera très important, dans les centres de référence sur ces pathologies, de suivre un certain nombre de marqueurs pour évaluer s'il existe une accélération de la dégradation de l'état de santé de ces enfants suite au confinement. Cette étude n'est possible que dans les mois qui suivent le confinement, car l'évolution de ces maladies est progressive, contrairement au diabète qui constituait un modèle très précoce de l'impact du confinement sur la santé des enfants porteurs de maladies chroniques et confrontés à une diminution de soins. Je pense que ces données ne seront disponibles qu'en fin d'année ou au début de l'année prochaine, mais elles sont très importantes et tous les centres de référence sont mobilisés pour les collecter et les analyser.
Vous avez évoqué les troubles du sommeil et les troubles d'anxiété qui ont été constatés chez l'adulte comme chez les enfants et les adolescents. Je rappelle le rôle important durant le confinement du motif de dérogation, qui permettait d'exercer une heure d'activité physique à proximité de son domicile. Nous avons constaté que ce motif s'est souvent transformé en sortie familiale avec les enfants, dans le respect des gestes barrières. Cette possibilité constituait une bouffée d'oxygène quotidienne essentielle, qui permettait de lutter contre un certain nombre de facteurs que vous avez soulignés.
Ma question consiste à déterminer si ce confinement et la crise sanitaire qui persiste aujourd'hui vont aggraver un certain nombre de difficultés identifiées depuis longtemps. La Fédération française de cardiologie indique qu'en quarante ans, nos collégiens ont perdu 25 % de leurs capacités physiques : ils courent aujourd'hui un 600 mètres avec une minute de plus en moyenne qu'il y a quarante ans. Nos enfants bougent de moins en moins, et plus le temps passe, plus ils perdent en espérance de vie. Ce phénomène est nouveau dans notre pays.
D'autre part, des études prouvent que les 11 à 17 ans passent quatre à cinq heures par jour devant un écran. Combiné à une alimentation parfois trop riche, ce facteur entraîne des phénomènes de sédentarité importants. Dans cette population déjà, 15 % d'enfants sont en surpoids et 5 % sont obèses. L'existence d'un facteur aggravant lié au confinement et à la crise sanitaire pose donc question.
Enfin, je souhaite aborder la maladie de Kawasaki qui se manifeste chez les moins de 5 ans. Cette maladie est-elle vraiment liée au covid-19 ? Le maire de Saint-Etienne a écrit fin avril au Premier ministre pour demander le report de la rentrée scolaire au mois de septembre en raison de la maladie de Kawasaki. J'ai l'impression que depuis, ce sujet est beaucoup moins évoqué.
Pendant cette période de crise sanitaire, les mères ont accouché dans des conditions parfois difficiles, car leurs familles ne pouvaient pas leur rendre visite. Les hospitalisations étaient plus que réduites afin de préserver un cadre sanitaire optimal. A la sortie des maternités, comment avez-vous perçu l'accompagnement de ces mères et quel a été le suivi de ces bébés ? Mme Hubinois a parlé de téléconsultations, mais pour les nouveau-nés, ce dispositif n'est pas adapté. Les parents ont besoin d'une visite classique avec leur pédiatre ou leur médecin de famille. Dans ce contexte particulier, comment le suivi des nourrissons a-t-il été assuré ?
A la suite du confinement, avez-vous retrouvé l'ensemble de votre patientèle, ou bien existe-t-il encore des enfants qui ne reviennent pas consulter ? Disposez-vous d'un retour sur la santé mentale des adolescents notamment, suite au confinement ? Avez-vous reçu des appels à l'aide de parents lors de difficultés avec leurs enfants, qu'il s'agisse de détresse maternelle post-accouchement ou d'enfants plus âgés ?
Si une nouvelle crise devait se profiler, pensez-vous qu'il serait nécessaire de fermer à nouveau les écoles ? Que pensez-vous des restrictions sportives qui sont en cours d'installation ? Doivent-elles être levées ?
Enfin, les PMI sont-elles désormais organisées pour assurer leur activité pendant une éventuelle nouvelle période de crise ?
Nous avons discuté d'une situation perlée, dans laquelle nous ignorons quand une nouvelle vague pourrait se profiler. Notre commission d'enquête a pour mission de mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse. Vous vous trouvez devant la représentation nationale : comment pouvez-vous nous conseiller, en tant que professionnels de santé, sur la partie prévention ? Je pense au Canada et à d'autres pays où la pleine conscience a été conseillée officiellement par les autorités, avec trois apports majeurs : baisser l'anxiété, augmenter les défenses immunitaires et améliorer le sommeil. Quel est votre point de vue sur cette démarche, et plus largement quels sont vos conseils de prévention face à la situation actuelle qui s'installe dans la durée ?
Le terme « maladie de Kawasaki » désigne une maladie bien identifiée. Le phénomène qui a été observé ressemble à cette maladie. Il est désigné par le terme de « syndrome inflammatoire multi-systémique ». Il s'agit d'une réponse inflammatoire exagérée de l'organisme dont l'atteinte première est une myocardite.
Le dernier bulletin de Santé publique France fait état de 190 cas, tandis que quelques-uns se sont ajoutés pendant l'été. Nous pouvons considérer qu'environ 200 enfants ont été touchés par ce syndrome, avec un lien épidémique clair puisque la vague de ces syndromes a suivi la vague épidémique. La moitié de ces enfants a clairement été infectée par le covid-19, puisqu'ils ont présenté un PCR ou une sérologie positifs. Un quart a été qualifié de cas covid probables, puisqu'il n'existait pas de résultat de test positif mais un lien de contact certain avec une personne infectée par le covid. Au final, la preuve d'un lien direct ou indirect avec le covid existe donc pour une proportion importante de ces enfants.
Il s'agit de symptômes très aigus et l'ensemble de ces enfants a été admis en réanimation en raison de l'atteinte cardiaque. Un seul est décédé, et il s'agissait d'un des tout premiers cas. Je ne connais pas le détail de cet événement et j'ignore si une prise en charge non adaptée a pu se produire. Néanmoins, à partir du moment où la reconnaissance du diagnostic a été avérée, tous ces enfants ont parfaitement évolué dans les jours qui ont suivi.
L'effectif total de 200 enfants touchés reste très faible dans la mesure où nous estimons aujourd'hui la population d'enfants infectés par le covid à 3 % où 4 %. Nous avons donc considéré, à l'instar des sociétés savantes des autres pays, que ce syndrome ne remettait pas en cause la réouverture des écoles.
Les adolescents constituent un sujet de préoccupation important, car la baisse des consultations enregistrée aux urgences concerne également les consultations habituelles d'adolescents pour tentative de suicide, crise d'anxiété ou idées noires. Le printemps est une période où ce type de consultation est fréquent en temps normal. Ces consultations n'ont pas repris immédiatement après le confinement, mais elles reprennent plutôt en ce moment. Il existe peu de littérature sur ce sujet. Une enquête réalisée dans un pays européen sur le rebond d'intoxications alcooliques post-confinement chez les adolescents démontre clairement une augmentation de cette conduite à risques. La santé des adolescents à la sortie du confinement constitue donc un véritable sujet, malheureusement très peu documenté.
Au sujet des parents, nous avons reçu énormément d'appels ou d'e-mails de parents dont l'enfant était suivi pour une maladie chronique. Très curieusement, la plupart de ces demandes avaient trait à une volonté de surprotection de ces enfants. A la sortie du confinement, nombre de parents ont fortement insisté pour obtenir un certificat de non-reprise de l'école. Nous avons donc dû mener un travail pédagogique qui s'est avéré chronophage.
Enfin, si la documentation manque sur les effets du confinement, elle est en revanche abondante concernant les effets délétères de l'arrêt de l'école sur les enfants, aussi bien sur le plan éducatif que sur l'ensemble des autres aspects : sociaux, nutritionnels, etc. Avec les petits déjeuners délivrés dans les écoles et la campagne de la cantine à un euro, un nombre important de repas a été distribué aux enfants. Pendant deux mois, ces repas n'ont pas pu être distribués. Ont-ils été compensés par autant de repas dans les familles ? Ce n'est probablement pas le cas pour tous les enfants. Nous pouvons donc être totalement convaincus que la pire des situations pour les enfants est de ne pas aller à l'école.
Pour vous répondre sur l'organisation de la PMI en cas de nouvelle crise, une de vos collègues, Michèle Peyron, a réalisé il y a un an un rapport intitulé « Pour sauver la PMI, il faut agir maintenant ». Ce rapport contient de nombreux constats et préconisations. Si vous me demandiez si la PMI a été à la hauteur de ses missions, je serais en peine de vous dire qu'elle l'a été partout. Encore faut-il comprendre les raisons de ce constat.
Pour vous donner un exemple, j'ai été en contact très régulièrement avec le cabinet de M. Taquet pendant le confinement et nous ne sommes pas parvenus, en deux mois, à obtenir que sur le site du ministère de la Santé, figure de façon accessible l'ensemble des coordonnées des services de PMI de France et de Navarre. Quoiqu'anecdotique, cela illustre la situation.
Mme Peyron avait constaté qu'en dix ans, les services de PMI avaient perdu 100 millions d'euros de budget sur 400 millions, soit 25 %. Elle a donc préconisé qu'en trois ans, 100 millions d'euros soient réaffectés, soit 0,01 % de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Pour l'instant, le gouvernement a débloqué 15 millions d'euros pour l'année 2020.
Dans certains départements, les médecins de PMI se sont battus face à leur administration pour rouvrir les consultations. J'espère que des leçons pourront être tirées afin que les services de PMI soient davantage en capacité de répondre à la demande de soins préventifs dans la période à venir. Toutefois, sans une gouvernance conjointe des autorités nationales et des collectivités locales du dispositif de PMI, il sera difficile de remonter la pente et d'être à la hauteur des missions qui nous sont dévolues.
Il en est de même du côté des agences régionales de santé (ARS) : certains collègues ne se sont pas du tout sentis reconnus par les ARS lorsqu'ils ont demandé des masques et du gel hydroalcoolique. Certaines équipes de PMI ont été paralysées par ces difficultés. Même si je ne devrais pas le dire, je pense que des situations que certains qualifieraient d'insubordination se sont produites, où des consultations ont été ouvertes en dépit des consignes données par le département. Ces éléments vous renseignent sur l'état de profonde crise du dispositif de PMI.
Sur l'école, je crois que l'ensemble des médecins qui s'occupent d'enfants et des professionnels de la santé de l'enfance, dont les psychologues, sont unanimes sur le fait que les enfants ont besoin de pouvoir continuer d'aller à l'école ou en structure d'accueil quoi qu'il arrive. Ils ont besoin de continuer à mener une vie sociale d'enfant, qui ne se résume pas à la vie au domicile, aussi riche soit-elle.
Je souhaite ajouter une remarque au sujet de l'accueil des mères qui ont accouché pendant le confinement. Nous avons tenté de nous tenir à leur disposition le plus possible. Il s'agit majoritairement du travail des puéricultrices et en partie des sages-femmes qui interviennent en PMI. Certains départements autorisaient des visites à domicile tandis que d'autres l'interdisaient, mais de nombreux contacts téléphoniques ont été possibles avec les jeunes mères. Même si ce support n'est pas idéal, il a constitué une aide importante. Dans les départements qui disposent de psychologues, ceux-ci ont maintenu le contact avec les familles qu'ils sentaient les plus en détresse. Le bénéfice de ces actions a été vraiment ressenti pour les familles, qui n'ont pas été laissées seules face à leurs questionnements.
Dans le domaine de la prise en charge post-accouchement, les pédiatres étaient davantage disponibles pour rencontrer les mamans dès la sortie de maternité quand elles en avaient besoin, puisque les consultations qui ne paraissaient pas indispensables chez les grands enfants et les adolescents avaient été reportées. La mise en place d'un suivi était assurée avec l'aide de la PMI, dans les départements où celle-ci était en activité.
Dans mon département, la PMI a réouvert assez rapidement, toutefois un seul centre de PMI était en activité pour Saint-Germain, soit pour 60 000 à 80 000 habitants. Nous entretenons de bonnes relations avec la PMI mais celle-ci ne peut pas répondre à toutes les demandes. Dans les cabinets, nous avons donc la possibilité de revoir les nouveau-nés même pour une simple pesée.
De façon générale, nous conservons toujours des rendez-vous disponibles pour les nouveau-nés. Pendant le confinement, cette activité a été un peu plus soutenue. Il ne s'agissait pas du problème principal à traiter dans la mesure où les sages-femmes libérales, avec lesquelles nous travaillons bien, ont continué à s'occuper des mères et des nouveau-nés dès la sortie de maternité.
Quant à l'école, je pense qu'il serait vraiment criminel de fermer à nouveau les établissements scolaires. Les enfants en ont tous besoin, et je n'ai jamais vu d'enfants aussi contents de retourner à l'école que lorsqu'il leur a été permis d'y retourner. Même lorsqu'ils n'avaient droit qu'à deux demi-journées sur quinze jours, ils étaient vraiment contents d'y aller.
Il est prévu que dans les écoles maternelles, les enseignants portent des masques inclusifs qui permettent aux enfants de voir le visage des adultes. Pour les crèches, ce n'est pas prévu et ce n'est pas obligatoire pour les assistantes maternelles. Une préconisation pourrait émaner de votre commission, car il est d'autant plus important pour les bébés et les très jeunes enfants de voir le visage de l'adulte qui se trouve en face d'eux.
Jean-Michel Blanquer et Sophie Cluzel l'ont prévu, commandé, et cela devrait arriver avant trois semaines pour les crèches et les maternelles, voire pour le CP. Je passe la parole aux députés pour les questions.
Vous évoquiez la problématique de la faim dans les pays émergents, qui tue des milliers d'enfants au quotidien. A l'inverse, dans nos pays dits développés, l'obésité se renforce avec le covid-19. Hier, l'Unicef a publié une étude alertant sur le fait que parmi les 38 pays les plus riches au monde, la France se situe en 18e position quant à la santé physique des enfants sur ce facteur d'obésité. Un adolescent sur trois entre 15 et 19 ans est atteint d'obésité. Nous pouvons donc imaginer qu'avec le covid-19 et les facteurs que nous avons évoqués (écrans, confinement, alimentation déréglée), ce phénomène va s'accélérer. Selon vous, que pourrions-nous envisager pour inverser cette courbe ?
Enfin, nous avons évoqué la problématique des violences faites aux enfants. D'importantes campagnes ont été menées durant le confinement contre les violences intrafamiliales et conjugales. Un numéro d'appel, le 119, a été mis en place et son utilisation a explosé. Malheureusement, les cellules de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes (CRIP) qui étaient censées récupérer les informations préoccupantes, fonctionnaient en mode dégradé. Très souvent, l'information s'est perdue.
Ma question concerne les enfants en situation de handicap. Même si vous y avez partiellement répondu tout à l'heure, je voudrais savoir si vous avez vraiment noté une régression des acquis chez ces enfants.
Ma deuxième question concerne les centres de PMI. Dans le cas où des sections en crèche sont amenées à fermer car des professionnels sont testés positifs, il est demandé aux enfants, en application du protocole, de passer un test PCR. Or, certains parents sont traumatisés à l'idée de faire passer un test PCR à leur tout-petit. Je souhaitais savoir si les centres de PMI pouvaient réaliser ces tests, puisque les parents sont davantage en confiance dans un centre de PMI que dans un laboratoire.
J'ai échangé avec des psychologues de l'hôpital de Lenval de Nice. Ils ont constaté une augmentation du syndrome du bébé secoué. Je souhaite savoir si vous avez réalisé le même constat à votre niveau et à une échelle plus nationale. Avez-vous constaté des « pétages de plombs » des parents pendant cette période du covid-19, surtout parmi les parents les plus jeunes ?
Par ailleurs, j'affirme mon soutien à l'idée d'une véritable éducation à l'information. L'impact du covid-19 varie considérablement en fonction de l'attitude des parents, notamment vis-à-vis de la télévision. Je rappelle que pendant le confinement, un décompte du nombre de morts était diffusé en permanence. En cela, ne devrions-nous pas aider les parents à appréhender ce type de situation en organisant des groupes de parole pour pouvoir expliquer le sujet du covid-19 à leurs enfants sans que cela soit source d'anxiété ?
Enfin, je suis très impliqué sur le sujet du sport et de ses bienfaits pour la santé psychique et physique de nos enfants. Comment associer la médecine scolaire à l'identification, la prise en charge et la prévention des troubles physiques induits par le confinement ?
La santé physique se résume-t-elle à ce que vous avez pu observer en termes d'obésité, de prise de poids et de diabète, ou existe-t-il d'autres sujets ? Les enfants qui ont subi ces troubles sont-ils revenus vers vous ? Comment faire revenir vers vous les patients qui ont arrêté les soins, afin d'éviter qu'ils ne se retrouvent à gérer des situations compliquées au cours d'une seconde vague ?
Vous avez parlé du retard important de diagnostic pour le diabète de type I. Je rappelle que le diabète de type I n'est pas associé à l'obésité. Il existe sur ce sujet une croyance erronée que je combats.
Ma question porte sur les causes de ce retard de diagnostic : s'agit-il d'effets psychologiques qui ont dissuadé les parents de se rendre chez le médecin ou de téléconsulter ? Les signes chez l'enfant du diabète de type I sont bien identifiés. S'agissait-il d'une réticence psychologique à se rendre à l'hôpital ?
Nous en arrivons aux parents, et ma question rejoint l'intervention de mon collègue au sujet de la pédagogie. En termes de communication dans une période épidémique, pour éviter ces réticences des parents et pour les rassurer, pour ne pas les empêcher de recourir à la médecine, comment pourrions-nous agir pour faciliter l'information des parents, qui, pensant bien faire, ont tendance à surprotéger leurs enfants ? J'élargis également cette question vers certains enseignants.
Les violences faites aux enfants ont connu une augmentation pendant le confinement. Ces enfants sont-ils allés consulter ? Un suivi a-t-il pu être assuré au sujet de ces violences ? S'agit-il d'enfants pour lesquels l'existence de violences intrafamiliales était déjà connue, ou de nouveaux cas liés au confinement et à la proximité ? Télétravailler, s'occuper d'une maison, des enfants et assurer l'école : ces multiples contraintes ont-elles engendré de nouvelles violences dans les familles ?
Plusieurs de ces questions seront abordées dans la table ronde portant sur les sujets psychologiques. D'autres questions importantes rejoignent votre demande de recommandations pour la suite.
Autour du handicap et de l'obésité, il n'existe pas à ce jour d'évaluation de l'impact du confinement. L'obésité est une question complexe et il n'est pas certain que nous trouvions des résultats catastrophiques. Nous devons nous méfier des idées préconçues et dans ce domaine, une évaluation chiffrée est nécessaire pour connaître réellement la situation. Néanmoins, toutes ces questions rejoignent un leitmotiv pour tous les pédiatres qui s'occupent des maladies chroniques : il s'agit de la notion de construction des réseaux entre la médecine de ville et l'hôpital, entre les centres de référence et les médecins de proximité. Une des leçons du confinement tient au fait que ces réseaux ne sont pas suffisamment formalisés et coordonnés.
Certaines décisions ont été prises de façon unilatérale, et M. Suesser a parlé de sidération. Des structures ont été fermées du jour au lendemain sans qu'une supplémentation n'ait été organisée. Cette situation témoigne que pour nos enfants atteints de maladies chroniques, il manque une structuration en réseau avec des niveaux de gradation des soins, une bonne coordination et une évaluation globale. La SFP mène un combat depuis plusieurs années en faveur d'une structuration de ce réseau.
En outre, le rôle de la télémédecine dans ces maladies chroniques nécessiterait d'établir de véritables programmes d'évaluation. Je pense que notre pays souffre fortement du manque d'évaluation des projets. Dans la santé, des indicateurs d'évaluation simples peuvent être mis en place, mais ce n'est pas le cas. Sur l'expérience de la télémédecine pendant le confinement, il nous est très difficile de déterminer quels types de consultations peuvent être réalisés sans problème en télémédecine et quels types de consultations doivent être réalisés en présentiel.
Il ne s'est pas produit de rupture de soins car tous nos jeunes patients sont revenus consulter. Il nous manque l'évaluation de la qualité des interventions réalisées. Un sujet vraiment compliqué en pédiatrie est la chirurgie pédiatrique, en raison des nombreuses interventions qui ont été reportées et qui n'ont toujours pas été rattrapées, notamment pour les pathologies malformatives. La première spécialité impactée est la chirurgie cardiaque, avec les corrections cardiopathiques qui n'ont pas été effectuées. Que deviennent ces enfants ? Certains sont-ils décédés avant d'avoir pu être opérés ? Ce n'est pas impossible. Par exemple, à l'hôpital Necker, le retard en chirurgie pédiatrique ne sera rattrapable qu'en janvier ou février. Si de nouvelles déprogrammations devaient intervenir, ce délai serait repoussé. Il s'agit d'un véritable problème.
Concernant le diabète de type I, nous sommes tous convaincus qu'il s'agit d'une maladie auto-immune chez l'enfant. Les signes d'appel sont repérés par les parents, or lorsque leur enfant se met à boire et à uriner démesurément pour la première fois, ils ne savent pas toujours qu'il s'agit des signes du diabète. Lorsque la consultation aux urgences est facile, ils s'y rendent pour exposer leur problème, mais en période de confinement, ils ont peur de se rendre aux urgences et n'y vont pas.
Pour cette raison, les sociétés de pédiatrie AFPA et SFP ont envoyé largement à tous les médecins généralistes un repère rappelant les signes précurseurs du diabète. En effet, même un généraliste qui n'est pas très bien formé à la médecine de l'enfant peut ne pas être très attentif à des parents qui se plaignent que leur enfant boive beaucoup. Dès que nous avons reçu ces signaux d'alerte sur la baisse des consultations, nous avons rappelé les signes d'appel du diabète afin de les diffuser plus largement.
Pour terminer sur les préconisations en termes d'information, je pense qu'il était très difficile d'informer la population au printemps. Le virus n'était pas bien connu et les informations étaient fluctuantes. L'enfant était au départ considéré comme le principal transmetteur du virus, tout comme pour la grippe, et il a été considéré comme indispensable de fermer immédiatement toutes les écoles. Il s'avère que ce n'est pas le cas, même si des interrogations persistent.
Nous connaissons désormais beaucoup mieux ce virus mais nous manquons d'une information factuelle ciblée sur les populations. Nous constatons par exemple que le virus circule massivement parmi les jeunes. M. Bruno Riou, doyen de la faculté de médecine de Paris 6, a mené une enquête dans cette faculté et a dépisté tous les étudiants en deuxième année, qui est l'année la plus festive pour ces étudiants : 14 % des étudiants étaient positifs. Dans les autres promotions où l'ambiance est plus sérieuse, seul 1 % de cas positifs a été trouvé.
Les jeunes ont tendance à considérer que ce n'est pas grave s'ils sont infectés. Il importe de leur expliquer que si la maladie est bénigne pour eux, ils peuvent la transmettre à leurs grands-parents, pour qui les conséquences pourraient être bien plus sérieuses. Il manque donc une information ciblée dans les populations où le virus circule, une information dédiée aux jeunes, aux lycéens, aux étudiants, une information adaptée à leur langage qui puisse les toucher.
J'ai vu un clip redoutable à la télévision, mettant en scène un jeune qui boit un verre dans un bar, puis qui rejoint sa mère. Celle-ci se retrouve en réanimation. Je ne suis pas certain que ce clip soit vraiment adapté pour les jeunes.
Nous devons faire progresser rapidement une information factuelle, mais nous sommes malheureusement soumis à la dictature des médias où n'importe quel expert autoproclamé jette le discrédit sur toute affirmation. Néanmoins, une information affichée dans les lieux où les jeunes circulent, conçue dans un langage compréhensible pour eux, est un élément qui nous fait défaut, et que nous pourrions réaliser aujourd'hui alors que nous n'étions pas en mesure de le faire au printemps.
Pour conclure sur cette notion de respect des enfants vis-à-vis des personnes plus âgées, une évidence apparaît chez les gens du voyage, où la distanciation se fait naturellement, car il existe un respect et une peur panique de contaminer ses grands-parents. Ce comportement peut être salué.
Je vous remercie pour vos propos très intéressants.
L'audition s'achève à dix heures cinquante et une minute.
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse
Réunion du jeudi 24 septembre à 9 heures
Présents. – Mme Sandra Boëlle, Mme Marie-George Buffet, Mme Danièle Cazarian, Mme Sylvie Charrière, Mme Fabienne Colboc, Mme Béatrice Descamps, Mme Albane Gaillot, Mme Perrine Goulet, M. Régis Juanico, Mme Anissa Khedher, M. Gaël Le Bohec, Mme Sandrine Mörch, Mme Florence Provendier, M. Cédric Roussel, Mme Sylvie Tolmont, Mme Souad Zitouni
Excusés. – M. Jean-Charles Larsonneur, M. Frédéric Reiss, M. Bertrand Sorre