Intervention de Christophe Delacourt

Réunion du jeudi 24 septembre 2020 à 9h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Christophe Delacourt, président de la Société française de pédiatrie :

Plusieurs de ces questions seront abordées dans la table ronde portant sur les sujets psychologiques. D'autres questions importantes rejoignent votre demande de recommandations pour la suite.

Autour du handicap et de l'obésité, il n'existe pas à ce jour d'évaluation de l'impact du confinement. L'obésité est une question complexe et il n'est pas certain que nous trouvions des résultats catastrophiques. Nous devons nous méfier des idées préconçues et dans ce domaine, une évaluation chiffrée est nécessaire pour connaître réellement la situation. Néanmoins, toutes ces questions rejoignent un leitmotiv pour tous les pédiatres qui s'occupent des maladies chroniques : il s'agit de la notion de construction des réseaux entre la médecine de ville et l'hôpital, entre les centres de référence et les médecins de proximité. Une des leçons du confinement tient au fait que ces réseaux ne sont pas suffisamment formalisés et coordonnés.

Certaines décisions ont été prises de façon unilatérale, et M. Suesser a parlé de sidération. Des structures ont été fermées du jour au lendemain sans qu'une supplémentation n'ait été organisée. Cette situation témoigne que pour nos enfants atteints de maladies chroniques, il manque une structuration en réseau avec des niveaux de gradation des soins, une bonne coordination et une évaluation globale. La SFP mène un combat depuis plusieurs années en faveur d'une structuration de ce réseau.

En outre, le rôle de la télémédecine dans ces maladies chroniques nécessiterait d'établir de véritables programmes d'évaluation. Je pense que notre pays souffre fortement du manque d'évaluation des projets. Dans la santé, des indicateurs d'évaluation simples peuvent être mis en place, mais ce n'est pas le cas. Sur l'expérience de la télémédecine pendant le confinement, il nous est très difficile de déterminer quels types de consultations peuvent être réalisés sans problème en télémédecine et quels types de consultations doivent être réalisés en présentiel.

Il ne s'est pas produit de rupture de soins car tous nos jeunes patients sont revenus consulter. Il nous manque l'évaluation de la qualité des interventions réalisées. Un sujet vraiment compliqué en pédiatrie est la chirurgie pédiatrique, en raison des nombreuses interventions qui ont été reportées et qui n'ont toujours pas été rattrapées, notamment pour les pathologies malformatives. La première spécialité impactée est la chirurgie cardiaque, avec les corrections cardiopathiques qui n'ont pas été effectuées. Que deviennent ces enfants ? Certains sont-ils décédés avant d'avoir pu être opérés ? Ce n'est pas impossible. Par exemple, à l'hôpital Necker, le retard en chirurgie pédiatrique ne sera rattrapable qu'en janvier ou février. Si de nouvelles déprogrammations devaient intervenir, ce délai serait repoussé. Il s'agit d'un véritable problème.

Concernant le diabète de type I, nous sommes tous convaincus qu'il s'agit d'une maladie auto-immune chez l'enfant. Les signes d'appel sont repérés par les parents, or lorsque leur enfant se met à boire et à uriner démesurément pour la première fois, ils ne savent pas toujours qu'il s'agit des signes du diabète. Lorsque la consultation aux urgences est facile, ils s'y rendent pour exposer leur problème, mais en période de confinement, ils ont peur de se rendre aux urgences et n'y vont pas.

Pour cette raison, les sociétés de pédiatrie AFPA et SFP ont envoyé largement à tous les médecins généralistes un repère rappelant les signes précurseurs du diabète. En effet, même un généraliste qui n'est pas très bien formé à la médecine de l'enfant peut ne pas être très attentif à des parents qui se plaignent que leur enfant boive beaucoup. Dès que nous avons reçu ces signaux d'alerte sur la baisse des consultations, nous avons rappelé les signes d'appel du diabète afin de les diffuser plus largement.

Pour terminer sur les préconisations en termes d'information, je pense qu'il était très difficile d'informer la population au printemps. Le virus n'était pas bien connu et les informations étaient fluctuantes. L'enfant était au départ considéré comme le principal transmetteur du virus, tout comme pour la grippe, et il a été considéré comme indispensable de fermer immédiatement toutes les écoles. Il s'avère que ce n'est pas le cas, même si des interrogations persistent.

Nous connaissons désormais beaucoup mieux ce virus mais nous manquons d'une information factuelle ciblée sur les populations. Nous constatons par exemple que le virus circule massivement parmi les jeunes. M. Bruno Riou, doyen de la faculté de médecine de Paris 6, a mené une enquête dans cette faculté et a dépisté tous les étudiants en deuxième année, qui est l'année la plus festive pour ces étudiants : 14 % des étudiants étaient positifs. Dans les autres promotions où l'ambiance est plus sérieuse, seul 1 % de cas positifs a été trouvé.

Les jeunes ont tendance à considérer que ce n'est pas grave s'ils sont infectés. Il importe de leur expliquer que si la maladie est bénigne pour eux, ils peuvent la transmettre à leurs grands-parents, pour qui les conséquences pourraient être bien plus sérieuses. Il manque donc une information ciblée dans les populations où le virus circule, une information dédiée aux jeunes, aux lycéens, aux étudiants, une information adaptée à leur langage qui puisse les toucher.

J'ai vu un clip redoutable à la télévision, mettant en scène un jeune qui boit un verre dans un bar, puis qui rejoint sa mère. Celle-ci se retrouve en réanimation. Je ne suis pas certain que ce clip soit vraiment adapté pour les jeunes.

Nous devons faire progresser rapidement une information factuelle, mais nous sommes malheureusement soumis à la dictature des médias où n'importe quel expert autoproclamé jette le discrédit sur toute affirmation. Néanmoins, une information affichée dans les lieux où les jeunes circulent, conçue dans un langage compréhensible pour eux, est un élément qui nous fait défaut, et que nous pourrions réaliser aujourd'hui alors que nous n'étions pas en mesure de le faire au printemps.

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