Intervention de Catherine Lacour Gonay

Réunion du jeudi 24 septembre 2020 à 10h45
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Catherine Lacour Gonay, membre du conseil d'administration de la Société française de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et des disciplines associées :

Je ne peux qu'être d'accord. Je ne suis pas opposée au Centre national d'enseignement à distance (CNED) : c'est une très belle institution. Mais se confronter à la relation est vraiment essentiel. De même que pour l'aide à la parentalité, nous n'avons pas la prétention d'avoir toutes les réponses. Ces questions sont fondamentales et méritent d'être posées d'une façon multipartenariale, par exemple avec les psychologues scolaires de l'éducation nationale, dont le webinaire s'est déroulé hier.

Effectivement, il n'y a pas de guide « Être un bon parent » et il n'y en aura jamais. En revanche, on est en train d'importer en France des modèles anglo-saxons et de parier sur les groupes de parents avec l'idée que, comme dans les thérapies multifamiliales, les parents peuvent échanger des recettes, partager des expériences positives. Il est même plus facile pour eux d'aborder des émotions négatives : souvent ils culpabilisent d'être angoissés, de ne pas savoir quoi faire, alors que, lorsqu'ils échangent avec d'autres parents comme eux, c'est beaucoup plus simple. C'est une des pistes que l'on pourrait creuser, dans un cadre à définir. Il serait bien qu'il y ait des animateurs pour ces groupes, mais doit-il s'agir des psychologues de l'Éducation nationale, d'autres psychologues, des éducateurs ? On pourrait se tourner aussi vers les associations familiales.

Nous n'avons pas beaucoup évoqué les personnels de l'Éducation nationale. Je le vois en Seine-et-Marne mais c'est vrai au niveau national, il y a une sorte de désertification de la médecine scolaire : il n'y a plus de médecins scolaires, plus d'infirmières dans les lycées… C'est une catastrophe, car ils sont fort précieux, et plus encore dans des périodes comme celle que nous traversons. Les plus inquiétants de nos adolescents sont ceux qui disparaissent de nos radars, et on compte vraiment sur tous les professionnels pour nous alerter. Il faut repenser la médecine scolaire, avec des assistants sociaux, psychologues de l'Éducation nationale, infirmiers qui sont des partenaires importants, de même que les enseignants : parce qu'ils sont les premiers à recueillir la parole des enfants et des parents, ils ont à dire des choses importantes.

Le virage technologique de la téléconsultation nous a été également imposé. Aucun pédopsychiatre ne vous dira que discuter par téléphone ou au travers d'un écran avec un enfant ou un ado est la panacée, mais nous avons fait avec et on ne reviendra plus en arrière. Là aussi, il faut réfléchir à un cadre. Avec le confinement, on a pénétré tout d'un coup dans l'intimité des enfants, des adolescents, des parents : on a vu des chambres, des situations de dénuement, alors que nos centres de consultations sont conçus au contraire pour sortir les enfants et adolescents de leur milieu familial intime et les amener dans un lieu plus neutre. Comment imaginer des soins pour moitié distanciels, et pour moitié présentiels ? Au début, les adolescents ont d'ailleurs beaucoup apprécié ce passage à l'écran, mais ils se sont ensuite lassés. Tout cela doit être réfléchi. La cellule d'urgence médico-psychologique (CUMP), avait inventé des lignes téléphoniques spécifiques pour cet enjeu du covid. Cela a été très intéressant.

On ne peut pas encore mesurer les effets de l'absence des rites de passage. Certes, ils sont très importants, surtout dans notre société où l'on insiste vraiment sur ces enjeux de développement et sur la notion même d'adolescence. Et soudain, ces rites disparaissent. Ce sera à nous d'en mesurer les effets. Mais l'on peut aussi se fier à la créativité des enfants et adolescents pour se saisir de cette absence. Beaucoup des retentissements de cette crise restent encore à observer.

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