Intervention de Catherine Lacour Gonay

Réunion du jeudi 24 septembre 2020 à 10h45
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Catherine Lacour Gonay, membre du conseil d'administration de la Société française de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et des disciplines associées :

Je suis tout à fait d'accord. Je n'ai de fascination ni pour le Kawasaki ni pour l'Hikikomori. Ce sont des mots-valises importés, des syndromes décrits mais on connaît cela depuis très longtemps : l'isolement relationnel chez soi n'est pas nouveau. Il est vrai que l'addiction aux écrans est plus récente car les écrans sont dans toutes les maisons et auprès de tous les jeunes. Mais il s'agit plutôt d'un symptôme d'appel, de souffrance psychique. Cela peut être effectivement un premier épisode psychotique, mais aussi le révélateur d'une dépression très grave, d'une phobie sociale très importante. L'addiction aux écrans est pour nous un indicateur.

Rencontrer un pédopsychiatre dans sa vie est une chance. Je ne suis pas de ceux qui considèrent que la dépsychiatrisation est la panacée. Il y a tellement peu de pédopsychiatres que c'est plutôt une chance d'en rencontrer un quand on va mal. Nous avons besoin de personnes qui nous aident au premier niveau, et nous adressent des enfants et des adolescents chez qui ils perçoivent une souffrance psychique. Il faut vraiment former cette première ligne.

Effectivement, la technologie existe partout, chez vous, comme chez nous : un écran en soi n'est pas pathogène. Les adolescents normaux sont sur les réseaux, sur les jeux, sur leurs écrans. Ils ont beaucoup de relations virtuelles, mais ils ont aussi des relations réelles. Ils jouent, mais ils vont bien : ils voient aussi leurs amis « pour de vrai ». C'est ce qui fait la différence : lorsque le monde est restreint aux relations virtuelles et que l'on reste chez soi enfermé, là, il y a une crainte. Vous avez évoqué le cyberharcèlement. Comme je l'ai déjà dit, il n'y a pas de nouveaux symptômes, il y a des effets loupe sur des symptômes que l'on connaissait déjà. Le cyberharcèlement existe, oui, c'est un phénomène important, et lorsqu'on privilégie les relations sur les réseaux, le pourcentage de cyberharcèlement augmente, en effet. Nous avons eu évidemment des consultations dans ce domaine.

Je parle souvent de confiance épistémique, c'est-à-dire dans quelle mesure les enfants et adolescents peuvent avoir confiance dans les adultes qui les entourent. L'essentiel est de parvenir à parler des choses, de ne pas rester enfermé, de pouvoir dénoncer une situation où l'on est en difficulté. Cela passe parfois par le relais d'un ami. Certains peuvent s'adresser à des amis qui préviennent des adultes compétents. Il faut que l'enfant ait confiance dans le monde des adultes et trouve en eux cette bienveillance, cette écoute indispensable. Pour cela, il faut que l'adulte ne soit pas lui-même trop pris par d'autres enjeux ; je le dis car cette crise a secoué toute notre société. Pour être alerté, il faut préserver cet espace émotionnel d'échange verbal, de confiance avec les enfants et les ados.

La cyberviolence, comme toutes les formes de violence, doit évidemment être dénoncée. Toutes les violences psychiques, toutes les formes de maltraitances psychiques ont les mêmes effets délétères que les violences et harcèlements physiques.

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