Intervention de Sonia Pareux

Réunion du jeudi 1er octobre 2020 à 14h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Sonia Pareux, éducatrice spécialisée et référente handicap en Indre-et-Loire :

Je ne répéterai pas ce qui a été dit à propos de cette période de confinement, difficile pour tout le monde, d'autant plus lorsqu'on doit s'occuper d'un enfant ou d'un adolescent en situation de handicap. Acteur de terrain, j'exerce sur le territoire d'Indre-et-Loire. Je suis éducatrice spécialisée et travaille au Pôle ressources Handicap 37, en charge de favoriser l'accueil des enfants malades ou en situation de handicap dans les structures de droit commun (crèches, centres de loisirs, assistantes maternelles, garde à domicile, etc.). Je suis sur le terrain toute la journée, à accompagner les familles, mais aussi les professionnels, dans le cadre de formations ou d'actions de sensibilisation, avec pour but de changer également les représentations sur le handicap. Je travaille beaucoup avec les élus et tous les partenaires de mon département. Nous pouvons logiquement penser que le besoin de répit pendant le confinement, et encore maintenant, est très important.

Pendant le confinement, certains établissements médico-sociaux ont dû fermer, proposant aux familles des entretiens téléphoniques dans un premier temps afin de les soutenir. Par la suite, les travailleurs sociaux ont pu aller au domicile, quelques heures par semaine. Au départ, je me suis inscrite sur la plateforme « Tous mobilisés », en partenariat avec Laurent Thomas, où j'ai pu répondre à des appels. J'ai été aussi en télétravail et j'ai bien mesuré la détresse de certaines familles, évoquant la difficulté de s'occuper de leur enfant 24 heures sur 24. Certaines indiquaient aussi s'être senties isolées, abandonnées, observant une régression et une perte des acquisitions et des repères des enfants.

C'est alors que j'ai adressé un courriel, un matin, à la préfecture, pour proposer une petite structure de répit. Se pose toujours la question des moyens ; or, je suis présidente d'une association qui s'appelle le « Festival Autrement dit », dont l'objet est d'organiser un festival autour du handicap et de l'accessibilité. J'ai donc décidé de demander seulement quelques moyens à la Caisse des allocations familiales (CAF) et de faire appel à des éducateurs spécialisés et travailleurs sociaux bénévoles. En cinq jours, nous avons monté cette structure éphémère, dénommée « Le truc en plus ». Les politiques de mon territoire, les députés et Mme Cluzel l'ont soutenue. Nous avons ouvert du lundi 4 mai au dimanche 10 mai. Nous avons accueilli 5 enfants par jour, avec 5 professionnels diplômés, 2 bénévoles de la CAF présents pour faire le ménage et moi-même en tant que coach. Nous avons fonctionné comme cela durant cette semaine. Je peux citer quelques phrases de familles : « Cette structure nous a apporté une grande bouffée d'oxygène, nous n'étions plus seuls » ; « épatant, innovant » ; « après de longues semaines de confinement sans aucun relais extérieur, seulement nous, ses parents, le bénéfice du calme, le mouvement, juste ce qu'il faut autour de nous, juste ce qu'il faut pour nous-mêmes, ne pas être sur le qui-vive en termes de vigilance, vivre donc, tout en étant rassurés ».

Puis le déconfinement est arrivé, les établissements médico-sociaux ont rouvert progressivement, ne pouvant accueillir tous les enfants en même temps à l'école et dans les accueils de loisirs. Il est difficile d'accueillir ces enfants en situation de handicap, compte tenu de leur non-respect des gestes barrières. J'ai été à nouveau sollicitée pour trouver des solutions. La souffrance des parents et l'épuisement perdurent encore. L'inclusion en milieu prioritaire doit rester ma priorité et celle de mes homologues dans d'autres départements, qui travaillent sur des pôles ressources handicap. Pour les enfants en situation de handicap, l'inclusion dans les structures de droit commun reste notre priorité, même si elle doit être accompagnée. Néanmoins, certains enfants ont des besoins plus spécifiques, nécessitant d'autres modes d'accueil. Nous devons alors inventer, innover, créer.

Je vous adresse quelques pistes de réflexion : des accueils temporaires ; une structure répit ou un accueil de loisirs sans hébergement (ALSH) adapté et mixte, car nous apprécions l'inclusion avec d'autres enfants ; du répit au domicile à travers le relayage ; une plateforme pouvant coordonner tous ces dispositifs dans le département d'Indre-et-Loire (les moyens en termes de ressources existent) ; un temps de formation pour les professionnels passant des brevets d'Etat d'animateur (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles ou animateurs d'accueil de loisirs sans hébergement – ALSH).

Il pourrait également être intéressant, sur le territoire de l'Indre-et-Loire, de mener, en collaboration avec des docteurs en sociologie, une véritable enquête auprès des familles pour recueillir leurs besoins.

En outre, des établissements médico-sociaux ferment parfois à 16 heures 15 le soir. Mon travail consiste à trouver des solutions pour les familles, car les enfants, avec le taxi, arrivent beaucoup trop tôt, à 16 heures 30, alors que peu de parents sont déjà rentrés du travail. Je suis obligée de trouver d'autres solutions. Je « bricole », je « tricote » sur mon territoire avec l'aide de beaucoup de partenaires.

Une autre question porte sur la scolarisation des enfants à temps partiel. 12 heures d'AESH sont par exemple accordées. En l'absence d'AESH le reste du temps, les enfants se retrouvent exclus des pauses méridiennes ou du temps scolaire. Des familles se retrouvent contraintes de cesser leur activité.

De plus, pour certaines familles, la situation devient trop difficile : le couple explose, des séparations adviennent. Des accompagnements psychosociaux doivent être mis en place.

Je tiens enfin à souligner que sur notre territoire, en Indre-et-Loire, une forte volonté d'agir et un joli élan existent. Je me « chicane » encore parfois avec des élus, mais de belles expériences peuvent être mentionnées. J'ai notamment mené une expérimentation sur la ville de Tours afin d'éviter les périodes de transition difficiles pour les enfants atteints du trouble du spectre autistique, en quête de repères, en assurant la présence des AESH sur les temps des pauses méridiennes ou sur les temps périscolaires, moyennant un financement des communes. Cette expérimentation menée sur la ville de Tours se passe plutôt bien et nous espérons la généraliser au niveau du département.

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