Il était impossible pour nous d'imaginer ne pas prendre d'initiatives. Je retiens beaucoup de choses des propos précédents. Tout ce qui a été dit est vrai. Mon rôle n'est pas de modérer ou de pondérer. Notre association fait partie d'un ensemble d'associations. Enfance et Pluriel, cela veut dire « enfance singulière et réponses plurielles ». Nous nous occupons d'enfants en situation de handicap relevant du spectre de l'autisme et de la déficience intellectuelle. Beaucoup d'enfants sont en instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques (ITEP) avec des difficultés psychologiques et de comportement. Depuis peu, nous intervenons sur le registre sensoriel : troubles du langage, déficience visuelle et auditive.
L'initiative a été de plusieurs ordres. Le but était de faire solidarité, au-delà de toute la fatigue accumulée et des moments paradoxaux. En tant qu'employeur, nous comptons 300 salariés et nous occupons de 500 enfants, parfois des élèves, et de leur famille. Nous sommes très rapidement placés en position angoissante face aux informations qui nous sont communiquées. Le système descendant est parfois insécurisant. Nous avons envie de bien faire. J'ai beaucoup entendu au début de cette crise le mot de « doctrine », qui n'a pas été très stabilisant finalement alors qu'il devrait être rassurant.
Je suis tout à fait d'accord avec Mmes Langloys et Pareux pour déclarer que cette crise a été un révélateur de ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas. Si je devais retenir un axe comme point commun, ce serait cette question de la coordination. Un IME, aujourd'hui, n'est pas un établissement ouvert du lundi matin au vendredi soir. C'est un acteur qui a des responsabilités sur le territoire où il intervient, en lien avec les communautés éducatives, afin de pouvoir penser, au plus près de l'expression des parents et aussi de l'enfant (quand bien même cette expression n'est pas verbale), les réponses qui conviennent.
Il reste encore beaucoup à faire. Je vais prêcher quelque peu pour ma paroisse puisque depuis quelques mois, nous sommes affiliés à la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP). Je trouve très intéressant de mener au même niveau un projet d'éducation populaire, citoyen et inclusif et un projet à vocation médico-sociale, considérant que finalement, il n'existe pas de préséance de la question du soin sur celle de l'inclusion. Les deux doivent être portées ensemble.
Dans la suite du « Truc en plus », il a fallu assurer et construire des dispositifs de répit pendant l'été, assurer la continuité. Nous n'avons pas attendu l'interpellation de mi-juillet pour apporter des réponses. Tous les acteurs du territoire d'Indre-et-Loire ont proposé des actions. En ce qui nous concerne, nous nous sommes mobilisés pour trouver une structure à destination des enfants atteints d'autisme sévère, avec des troubles du comportement. Nous avons essayé de construire un dispositif avec plusieurs portes d'entrée.
Notre association dispose d'un service d'accueil temporaire ouvert l'été, dont l'objectif est de proposer du relais. Tous les parents ne font pas le choix de solliciter le dispositif d'accueil temporaire, car il est très perturbant de penser que c'est par la distance et la séparation que l'épuisement va s'apaiser. Il est très déstabilisant de penser être apaisé à l'idée d'envoyer pour la première fois son enfant, après avoir attendu depuis deux ans une place en IME, quinze jours dans un internat à une heure de chez soi. C'est la seule solution dont nous disposions jusqu'alors pour le répit. Ce service d'accueil temporaire a été modifié. Nous y avons adossé, à moyens constants, un dispositif de plateforme de répit et d'aide aux aidants.
Depuis dix-huit mois, nous déployons beaucoup d'efforts pour proposer, à travers des structures médico-sociales ou de l'économie sociale et solidaire, du relayage, c'est-à-dire des heures de répit, qui ne soit pas marqué du sceau de la marchandisation de la vulnérabilité. Aujourd'hui, seuls des opérateurs privés sont en mesure d'envoyer des éducateurs formés, quasiment du jour pour le lendemain, avec deux risques majeurs : une spéculation sur la vulnérabilité, qui n'a pas de prix ; et un péril pour nos associations. Nous ne sommes plus attractifs. Un éducateur va pouvoir se vendre pour apporter un soutien. Les éducateurs que nous formons savent très bien, dans ce système, se vendre ailleurs. Il ne s'agit pas de solidarité, mais de spéculation sur la vulnérabilité. En effet, la vulnérabilité, sur les plans économiques, sociaux et de santé, va souvent de pair. Les familles qui ne vont pas bien sont souvent celles qui n'ont pas les moyens, qui vivent en appartement, à plusieurs. Madame Pareux s'occupe actuellement d'une famille vivant en appartement avec trois enfants, dont tous ont un trouble. Depuis trois ans, elle se bat avec les sociétés HLM pour lui trouver une maison. Le père est routier. La situation n'est pas supportable.
Accueil temporaire, domicile et puis inclusion : l'inclusion signifie que les animateurs doivent connaître l'enfance dans son ensemble. Il s'agit d'une enfance plurielle. Nous avons tous à gagner à nous occuper des plus vulnérables.
Cet été, nous avons donc ouvert, en accompagnement « un pour un », avec des animateurs mis à disposition par la PEEP, des stagiaires en travail social et des professionnels de notre association, une structure de répit. Nous avons déjà pris le temps, pendant dix jours, de nous former et faire équipe. Se former à l'autisme, c'est fondamental. Il n'est pas possible d'improviser. Des gens peuvent posséder une sensibilité, des connaissances, des aspirations, mais je crois qu'il importe d'être cohérent lorsqu'on s'occupe de ces enfants. D'où la nécessité que tous ces services travaillent ensemble. Nous avons impliqué le champ de l'animation parce qu'il ne s'agissait pas d'un IME, mais d'un accueil de loisirs. Si nous avions disposé de davantage de temps, nous aurions essayé de le coupler à un ALSH ordinaire, afin de proposer des moments plus forts d'inclusion.
In fine, 30 familles de la métropole de Tours ont pu bénéficier, pendant cinq semaines, d'un relais, sous la forme d'un accueil temporaire et/ou de relayage à domicile et/ou d'un peu d'accueil de loisirs.
Cette démarche est cohérente, car ce n'est plus le trouble ou la graduation du trouble de l'enfant qui organise la réponse. Cette réponse est suffisamment complète pour réaliser une prise en charge individuelle ou renforcée si besoin, sans devoir tout le temps solliciter l'autorité de contrôle et de tarification, ou des moyens supplémentaires. Le principe est déjà organisé. S'il est nécessaire d'être deux pour y aller, des ajustements sont possibles. En l'espèce, des étudiants en travail social ont été gratifiés. Durant cet été, il fallait se mobiliser de cette manière. En tant que directeur général d'association, je peux dire que les services des agences régionales de santé (ARS) au niveau local ont pris des responsabilités fortes en nous encourageant « à y aller », tout en nous indiquant qu'elles essaieraient de trouver des moyens lors des campagnes budgétaires suivantes. Ce dispositif ne peut en revanche fonctionner qu'une fois. L'Etat parvient à lever des fonds, et c'est très bien, pour soutenir des industries qui font que notre pays est aussi fort sur le plan économique. Il faudrait avoir la même certitude lorsque nous engageons ce type de service pour les familles. À titre personnel, je regrette de ne pas avoir pu payer les astreintes portées par mes collègues directeurs durant leurs semaines estivales. Tout le monde a été solidaire.
En ce qui concerne la fermeture des IME, tout le monde n'a pas fonctionné de la même manière. En outre, nos professionnels ont été mobilisés en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), en foyers de l'enfance ou dans le secteur adulte. Il a fallu parer à la crise et « combler les trous ». Des personnes étaient malades. Dans un EHPAD par exemple, il a fallu envoyer toutes les infirmières du canton parce que toute l'équipe de soins était contaminée. Cette solidarité fait qu'en parallèle, des lieux d'accueil ont été obligés de fermer. Je ne veux pas parler au nom des familles, mais cet élément est important à prendre en compte.
La notion de coordination est importante. Un diplôme d'accompagnant éducatif et social (AES) a été créé quelque temps plus tôt ; il correspond aux anciens diplômes d'aides médico-psychologiques. Aujourd'hui, la vocation n'existe clairement plus. En principe, les AES doivent être en mesure de travailler aussi bien dans une institution qu'à domicile et dans le droit commun (école). Nous ne sommes pas en mesure d'intégrer ces personnes dans la continuité du parcours de la semaine ; c'est-à-dire que la même personne s'occuperait d'un enfant à l'école, au centre de loisirs, voire à domicile, si les parents ont besoin d'un peu de répit un soir ou le week-end. Celles-ci sont obligées d'être embauchées par trois employeurs, dont une collectivité locale, l'Éducation nationale et un prestataire privé pour être cohérentes vis-à-vis des enfants. Un porteur est nécessaire, que ce soit l'État, une collectivité locale ou le secteur associatif. Je plaiderai pour le secteur associatif parce que je pense qu'une vision horizontale et non mercantile de la vulnérabilité est nécessaire.