Intervention de Sophie Cluzel

Réunion du jeudi 1er octobre 2020 à 16h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Sophie Cluzel, secrétaire d'État :

La coordination est le maître mot. J'en emploierai un autre, la coopération entre les acteurs. C'est tout l'enjeu du service public de l'école inclusive que nous mettons en place depuis trois ans avec Jean-Michel Blanquer. Il faut que les portes de l'école s'ouvrent à l'expertise du secteur médico-social. Cette porosité des murs permet de faire travailler ensemble des acteurs de culture différente – celle de l'Éducation nationale, celle du médico-social et celle du social rééducatif –, autant que possible dans cette unité de lieu de vie qu'est l'école, pour éviter aux parents de voir leur journée professionnelle « saucissonnée » par les allers-retours chez les différents acteurs. C'est tout l'enjeu de cette coopération.

Cette révolution s'est faite par le biais des unités d'enseignement externalisées, notamment pour les enfants autistes. La France compte plus de 250 unités d'enseignement maternelles autistes, ainsi que des unités d'enseignement élémentaires avec un personnel de l'Éducation nationale et quatre à cinq personnels médico-sociaux, dans l'école. L'enfant y est accueilli toute la journée, chaque jour de la semaine. Les parents concernés me disent qu'ils sont enfin de nouveau parents et qu'ils peuvent reprendre leur vie professionnelle. Les soins se passent dans l'école. C'est ce que nous voulons : une école qui s'ouvre et qui sait travailler avec d'autres personnels. C'est l'école que nous sommes allés voir, avec Jean-Michel Blanquer, en Europe et au Canada.

C'est une grande révolution que nous avons faite il y a plus de trois ans, en créant cette ouverture. Bien sûr, certains enfants ont besoin de plateaux techniques plus importants, du fait de leur handicap. C'est la raison pour laquelle les établissements médico-sociaux s'ouvrent aussi, en accueillant des enseignants.

Cette porosité, cette coopération d'acteurs issus de mondes différents, est une réalité depuis trois ans. Pour rappel, le décret dit de coopération date de 2009. Depuis trois ou quatre ans, cette coopération est une réalité de travail ensemble. C'est dans ce maillage de dispositifs plus spécifiques au sein de l'école ordinaire que nous y arriverons, parce que nous normalisons le rythme de vie des familles, le chemin vers l'école ou vers les établissements qui s'ouvrent aussi aux professionnels de l'école. Ainsi, la coopération ne se fera plus par les familles, qui n'en peuvent plus, mais par des professionnels qui se parlent entre eux au service du parcours. C'est tout l'enjeu de ce maillage de dispositifs que nous développons au sein de l'école, mais aussi de ce partage de regards croisés au service du parcours. Certains enfants ont aussi besoin de temps à domicile. Il faut donc améliorer le partage et favoriser les allers-retours des professionnels et non plus de l'enfant et de sa famille. La crise nous a enseigné « l'aller vers » la famille, donc vers son domicile.

Vous avez évoqué un autre maître mot, l'attractivité. Comment rendre attractifs ces métiers ? Comment améliorer leur reconnaissance et leur revalorisation ? Comment valoriser le diplôme d'accompagnant éducatif et social (AES) et ses trois options – travailler à l'école, travailler en établissement ou travailler à domicile ? Il faut aussi construire des passerelles plus souples pour faire de ces métiers des étapes de carrière. C'est tout l'enjeu de la valorisation des métiers. Nous travaillerons aussi à celle des métiers à domicile, avec Brigitte Bourguignon, dans le cadre du « Laroque de l'autonomie ».

Il faut offrir des passerelles à ces professionnels qui ont fait un travail extraordinaire, dans l'ombre, pendant le confinement. Ils ont été des piliers du maintien de l'accompagnement et de ce lien indispensable.

Vous m'interrogez sur les MDPH. Je sors précisément d'une visioconférence avec ces 101 structures, car je maintiens ce lien indispensable. Le 15 octobre, nous mettrons en place le comité de gouvernance des MDPH 2022, qui est notre feuille route d'amélioration de ce service public, que je copartage en responsabilité avec les départements, qui sont chefs de file des politiques de solidarité dans les territoires – feuille de route que nous avons construite ensemble. Avec le président Dominique Bussereau, nous installerons un comité de gouvernance le 15 octobre à La Rochelle, avec l'ensemble des acteurs – la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), mais aussi la délégation interministérielle de la transformation publique qui nous a beaucoup aidés en faisant des immersions dans les MDPH dans une perspective d'amélioration.

Lors de la conférence nationale du handicap du 11 février dernier, nous nous sommes engagés, dans un accord inédit signé avec le président Bussereau et moi-même, à améliorer ce service public local que sont les MDPH, en matière d'accès aux droits, de délais, d'octroi des droits à vie ou durant 20 ans de l'enfant en situation de handicap. Nous avons une vraie feuille de route d'amélioration, pour être davantage dans l'accompagnement des notifications que font les MDPH, dans une logique gagnant-gagnant.

Vous me demandez si ce sont les MDPH qui doivent effectuer cette coordination de parcours. Nous avons découvert, grâce au numéro 360, des acteurs que nous ne connaissions pas ou peu et qui ont besoin d'être assemblés. Les MDPH doivent déjà vraiment concentrer leur action pour améliorer l'accès aux droits de façon équitable sur le territoire et pour que les délais et la qualité des réponses soient les mêmes partout. Il faut aussi qu'elles dégagent du temps pour travailler à la qualité de l'accompagnement et des solutions. La qualité des réponses devra être améliorée d'ici un an et demi à deux ans. Nombre d'appels passés au 360 sont des demandes d'informations, de type « à quoi ai-je droit ? », « à quoi puis-je prétendre ? », « comment puis-je avoir accès à des services dont les portes se ferment systématiquement ? ».

La politique du handicap est très complexe. Les droits et les experts sont nombreux. Or les familles veulent avoir une porte unique. Toute la « tuyauterie » administrative doit être transparente pour elles. Dans la méthode du 360, nous ne lâcherons pas la main de la famille jusqu'à ce que la solution soit mise à exécution. Les familles nous indiquent qu'elles reçoivent des notifications pour telle ou telle compensation, mais que c'est à elles d'appliquer la solution. Avec le 360 et l'engagement de cette feuille de route MDPH, nous ne voulons plus laisser les familles aller, seules, ouvrir chaque porte. C'est un enjeu important de transformation de la façon de travailler auprès des familles.

Je salue à la fois la CNSA, l'ensemble des MDPH et des départements pour cette bascule que l'on est en train d'opérer. Une notification ne sert à rien si on ne prend pas la famille par la main pour aller ouvrir la porte des différents lieux où l'enfant va résider ou vivre, dans sa vie sociale, dans son accès au sport, dans son accès à la culture. C'est encore très complexe. Dans notre société, le degré d'acceptation de la différence n'est pas encore optimal, pour qu'il soit naturel d'apprendre le violon ou d'aller danser au milieu des autres quand on a un handicap. Nous avons encore beaucoup de travail. C'est l'enjeu de cette coordination de parcours que l'on commence à mettre en place pour améliorer l'accès à la vie quotidienne.

En résumé, les MDPH ont un énorme rôle à jouer mais elles ne sont pas toutes seules. Elles ne doivent pas rester seules. Il faut qu'elles s'appuient et que nous travaillions avec ces acteurs de droit commun. C'est tout l'enjeu de notre méthode dite 360.

Concernant la rentrée scolaire, je ne dispose pas de données chiffrées. Nous avons reçu des alertes, précisément parce que nous avons créé le numéro de téléphone Éducation nationale, lequel basculait vers les inspections locales dès qu'il y avait une problématique. Il y en a eu. Chaque année, il reste des dysfonctionnements de-ci de-là. Mais à chaque fois – et je tiens à saluer le travail d'Isabelle Brion à la cellule Handicap École –, les situations ont été résolues. Et à chaque fois, je disais aux familles d'appeler le numéro national Rentrée scolaire, 0805 805 810, qui basculait vers l'inspection concernée. C'était ce numéro qu'il fallait appeler pour résoudre les situations. La cellule Handicap École a ainsi reçu moins d'appels. À la rentrée, il y a eu environ 1 000 appels dans la France entière. Des solutions ont immédiatement été trouvées, en territoire et en proximité.

Cette année, 6 % d'enfants handicapés supplémentaires ont fait leur rentrée scolaire et 8 000 accompagnants d'élèves en situation de handicap ont été embauchés, ce qui porte à plus de 100 000 leur nombre total. Les PIAL, pôles inclusifs d'accompagnement localisés, se sont mobilisés massivement pour apporter des réponses en territoire. Lorsque les moyens et les ressources sont localisés, on répond bien mieux aux problématiques de territoire.

En somme, les alertes ont été moins nombreuses que les années précédentes, des solutions ont systématiquement été trouvées dans les territoires et les familles étaient rappelées dans les vingt-quatre heures. Bien sûr, il reste, chaque année, des difficultés. Mais il y en a aussi pour les enfants valides. C'est l'organisation intrinsèque de l'Éducation nationale, qui accueille plus de 10 millions d'enfants, quels qu'ils soient et de tout âge. À chaque fois, nous sommes en mode complet d'information et de communication pour résoudre chaque problématique.

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