Intervention de Marie-Pierre Colombel

Réunion du jeudi 8 octobre 2020 à 9h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Marie-Pierre Colombel, présidente d'Enfance et Partage :

Je jure de ne dire que la vérité et toute la vérité.

Je vous remercie de m'accueillir parmi vous pour discuter de cette grande cause qu'est l'enfance, et notamment des violences faites aux enfants. Enfance et Partage, créée en 1977, existe depuis plus de 40 ans. Notre siège se situe à Paris, mais nous sommes aussi sur le terrain puisque nos 19 comités sont répartis sur l'ensemble de la France. Nous avons deux numéros verts qui sont Stop Maltraitance et Allo Parents Bébé, qui concerne la prévention précoce puisqu'il s'adresse aux femmes enceintes jusqu'aux 3 ans de l'enfant. Récemment, nous avons également ouvert une autre ligne appelée Stop Conflit, car nous nous sommes aperçus que l'enfant se trouvait très malmené lors des conflits entre les parents. Nous avions d'ailleurs organisé des assises intitulées « De l'enfant malmené à l'enfant maltraité », parce qu'il s'agit vraiment d'une grosse problématique que nous voyons apparaître depuis quelques années. Beaucoup d'appelants évoquent ce sujet-là : les parents sont divorcés, le divorce se déroule très mal et le conflit est tellement exacerbé que l'enfant devient un punching-ball. Il convient donc de vraiment prendre en compte ce petit bout de chou qui n'est pour rien dans la séparation de ses parents.

Pendant le confinement, nous avons connu un moment de sidération : durant les trois premières semaines, nous n'avons pratiquement pas reçu d'appels. Chacun était chez soi, personne n'osait sortir, personne n'osait rien dire. Les difficultés susceptibles de survenir au sein des familles ne sortaient donc pas. En revanche, au début du mois d'avril, les appels ont commencé à arriver d'abord parce que nous sommes rentrés en contact avec le 119 et avons pu lui servir de relais. Les écoutants du 119 nous transmettaient plus particulièrement tous les appels relatifs à des accompagnements juridiques sur les violences physiques et sexuelles, mais aussi, et surtout, tous les appels relatifs aux droits de visite et d'hébergement, qui ont posé un réel problème pendant le confinement et même après. Le confinement a en effet servi de prétexte pour ne pas envoyer l'enfant à l'autre parent, alors que dans ses annonces, Emmanuel Macron avait bien dit que les ordonnances de droit de visite et d'hébergement devaient être respectées ; il n'a cependant pas été entendu par les parents.

Ensuite, après le confinement, nous avons à nouveau connu un petit moment de creux, parce que les personnes ont essayé de reprendre une vie normale et se sont investies dans les problèmes d'école et de travail. Les appels ont repris entre la fin du mois de mai et le début du mois de juin.

Cette crise sanitaire a multiplié les appels à nos deux numéros verts. Nous nous apercevons que ces situations existaient auparavant, mais ne sortaient pas. Toutes les campagnes que nous avons menées, en collaboration avec le 119 ou bien par nous-mêmes, au sein de nos propres associations, grâce à des partenaires qui sont venus frapper à notre porte telle que l'agence de production Média One, qui possède 17 chaînes de télévision, dont Gulli, ont permis, au travers de clips, de faire connaître le 119 et nos associations. J'ai la sensation qu'à cause de cette crise sanitaire, le citoyen lambda s'est rendu compte de l'impact que les violences pouvaient avoir sur les enfants. Or nous n'étions pas préparés. Nous parlons depuis longtemps des violences faites sur les femmes et nombre de dispositifs ont été mis en place à leur intention, fort heureusement, mais nous ne devons pas oublier que les violences conjugales concernent également les enfants. Depuis le Grenelle contre les violences conjugales, ils ne sont plus considérés comme de simples témoins, mais comme des victimes. Or chez Enfance et Partage, nous savons de longue date que les enfants en sont victimes, puisque nous assurons leur suivi psychologique.

Enfance et Partage exerce enfin une mission d'administrateur ad hoc : ce dernier est nommé par le magistrat en cas de défaillance du parent ou de conflit d'intérêts avec le parent. Or nous n'avons eu aucune désignation pendant le confinement, ce qui paraît incroyable. Certes les tribunaux étaient fermés, mais des permanences étaient tout de même assurées. Il s'agit donc d'un point d'achoppement important, vu que par la suite, aux mois de mai et de juin, nous avons été désignés à de multiples reprises. Ces enfants sont donc restés coincés chez eux sans que personne ne leur porte secours.

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