Je rends hommage aux nombreux préfets qui ont « tenu la maison ». Étant issue du milieu associatif d'urgence, je constate que nous avons totalement manqué, durant les trois premières semaines, de ce sentiment d'urgence que vous maîtrisez, ce qui n'était pas leur cas. Il leur a fallu s'habituer à ces nouvelles situations et à ces nouveaux interlocuteurs que vous étiez. La grande ressource de cette crise est qu'ils vous ont désormais parfaitement identifiés, ce qui fait faire un bond de géant dans leur appréciation du rôle des associations. Cette constatation est également vraie pour nos administrations, bien qu'il faille les roder à vos usages.
Je renvoie toutefois le reproche que vous adressez à l'administration. Vous n'avez pas su faire confiance à cette jeunesse qui était prête à s'engager dès les premiers jours alors que nous savions qu'il faudrait les travailler au corps pour qu'ils s'engagent dans la société. Ni vous ni nous n'avons su leur confier rapidement des tâches à effectuer, ce dont ils avaient très envie.
Nous avons rendu visibles de nombreux invisibles. Il a fallu se rendre dans les bidonvilles et rencontrer les Roms, dont les jeunes, qui étaient les seuls à parler la langue, se sont occupés des adultes et ont servi de médiateurs quant aux mesures de protection liées à la distribution d'aide humanitaire alimentaire, ce qui a généré des actions extrêmement positives, comme le soutien scolaire dans les bidonvilles, la prise en main par les jeunes de leur communauté, un réveil et une visibilité. Nous avons vu des mineurs non accompagnés travaillant de manière acharnée seuls au fond de leur squat pour poursuivre leurs études.
Comment procédez-vous pour rebondir et construire sur ces atouts ? Comment procéder pour mieux se coordonner ? Je pense que vous subissez le fait que des subventions arrivent de toutes parts, à savoir de la région, du département et de l'État. Sommes-nous suffisamment rodés pour mettre en place une distribution claire ?
Vous semble-t-il que les citoyens se sentent plus responsables et prennent en main ces nouvelles solidarités qui seront probablement nécessaires ? Concrètement, quels jeunes dorment dans leur voiture aujourd'hui ? Il nous faudrait avoir une vision très correcte de la façon dont les jeunes et les enfants vivent.