Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse
Jeudi 8 octobre 2020
La séance est ouverte à quatorze heures quinze
Présidence de Mme Sandrine Mörch, présidente
Nous reprenons nos auditions pour aborder les effets de la crise sanitaire sur la situation sociale des familles, des enfants et des jeunes, notamment le basculement dans la précarité d'un certain nombre d'entre eux depuis le début de l'épidémie.
Nous recevons Mme Marie-Aleth Grard, présidente d'ATD Quart Monde France, M. Thierry Couvert-Leroy, délégué national Enfants et Familles pour la Croix-Rouge française, M. Philip Modolo, secrétaire général des Restos du Cœur, et Mme Aurélie Mercier, chargée de projets au département Solidarité familiale au sein du Secours Catholique Caritas France.
Ainsi que la presse s'en est très fortement fait l'écho ces derniers jours sur la base des informations et des chiffres que vous avez recueillis, la crise sanitaire qui a débuté voici plus de six mois a fait basculer un million de Françaises et de Français dans la pauvreté. Les besoins en aide alimentaire ont explosé pendant le confinement et au cours des derniers mois, avec l'arrivée de nouvelles populations qui n'y avaient pas recours jusqu'alors. Il s'agit d'étudiants, mais aussi de personnes qui étaient en emploi et dont les contrats n'ont pas été renouvelés, d'artisans, de petits patrons et d'indépendants. La dégradation de la situation sociale des familles est lourde de conséquences pour les enfants. Les difficultés rencontrées pour obtenir un emploi d'appoint en tant qu'étudiant et pour entrer sur le marché du travail sont également de nature à précariser encore davantage les jeunes.
Nous souhaiterions avoir votre éclairage sur l'impact de la crise sanitaire sur les demandes et les besoins auxquels vos associations ont été amenées à répondre et continuent à l'être, peut-être plus largement au cours de la crise sanitaire et sociale que nous traversons, que ce soit en termes d'aide alimentaire, d'hébergement, de fourniture d'articles de première nécessité, de soutien scolaire, de soutien psychique et d'accès aux soins.
Nous souhaiterions également entendre les propositions que vous formulez pour faire face à cette crise sanitaire qui est loin d'être terminée. Nous souhaitons pouvoir tirer les bons enseignements, mais également les pratiques et les comportements vertueux, constructifs et productifs. S'agissant d'enfance, il nous faut conserver la confiance et l'envie d'aller vers l'avant, et non tirer les jeunes vers le bas avec une sinistrose d'adulte.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(M. Thierry Couvert-Leroy prête serment).
J'interviens notamment sur le thème des établissements gérés par la Croix-Rouge française sur les volets de la petite enfance et la protection de l'enfance.
Sur la question du financement, notre directeur général indiquait à France Générosités que, pour la Croix-Rouge, les pertes dues à l'arrêt des activités et les besoins en financement s'élèvent à 15 millions d'euros pour l'année 2020.
L'élément le plus choquant de l'impact de cette crise sur les familles est que certaines d'entre elles ont eu faim pendant le confinement, ce qu'il est encore plus bouleversant d'observer dans un pays comme le nôtre. Nous avons constaté que les minima sociaux ne permettent pas de simplement nourrir sa famille. Cette donnée d'entrée illustre toutes les difficultés rencontrées autour des questions liées à l'aide alimentaire.
Je mentionnerai également les conséquences dramatiques de l'école à distance, qui a renforcé les inégalités sociales, ce qui semble dépasser la question de l'école, avec l'accès au matériel informatique ou à l'ensemble des démarches dématérialisées. Nous avons observé que l'accès aux équipements informatiques n'allait pas de soi. Les donateurs de la Croix-Rouge ont permis de fournir une centaine d'ordinateurs aux établissements de protection de l'enfance, permettant aux enfants protégés d'avoir accès à l'école.
Je tiens à souligner la difficulté à appréhender le trauma de la crise, puisque l'accès aux dispositifs de santé mentale reste très engorgé pour les familles et les enfants, ainsi que la compréhension des impacts des situations de violence au sein de la famille, même si je dois saluer les efforts fournis par le Gouvernement, avec une campagne assez offensive. Nous avons mis en place « Croix rouge chez vous », un numéro d'écoute permettant la mise en place de livraisons de médicaments et de nourriture, ce qui a permis d'observer les conséquences de l'isolement, lequel constitue un facteur de vulnérabilité dans notre société, notamment pour les familles monoparentales qui se trouvent encore plus en difficulté. Avant la crise, nous avions initié un travail sur la notion de répit parental. Chacun a pu observer combien gérer ses enfants en huis clos était complexe et ce besoin de répit ou d'autres espaces.
Aujourd'hui, l'accès des jeunes aux formations, notamment en alternance, et aux stages est de plus en plus difficile. La question de la sortie de l'aide sociale à l'enfance est encore plus difficile et complexe. Bien que le Gouvernement ait alloué des fonds complémentaires cette année, la mise en œuvre est extrêmement disparate selon les départements. Je conclurai en soulignant que cette crise pose la question de l'accès des jeunes aux minima sociaux.
(M. Philip Modolo prête serment).
J'adhère complètement à ce constat que nous avons également fait au sein des Restos du Cœur.
Je propose de me concentrer sur la partie relative à l'accompagnement alimentaire qui a eu lieu pendant la crise sanitaire. Nous accueillons 900 000 personnes chaque année et distribuons 130 millions de repas dans 2 000 centres de distribution. Nous avons 1,7 million de contacts dans le cadre de nos activités de rue et comptons 73 000 bénévoles. 50 % des personnes que nous aidons ont moins de 25 ans et 40 % d'entre eux sont mineurs. Chaque année, nous accueillons 30 000 bébés dans nos centres. 50 % des personnes accueillies sont des familles, dont la moitié sont des familles monoparentales et ont rencontré des difficultés extrêmes durant cette crise sanitaire. Un tiers des familles accueillies rencontrent des difficultés de logement. Or, durant cette période, nous avons pu constater l'importance des conditions de logement dans la capacité à faire face à la crise.
Au-delà de l'aide alimentaire, plus d'une dizaine d'activités nous permettent d'accompagner les personnes que nous accueillons au travers de l'insertion, du logement, de l'accès au droit et à l'emploi, ce qui n'a pu être mis en œuvre durant la crise sanitaire. Nous avons la volonté de pouvoir reprendre le plus rapidement possible ces activités qui permettent d'envisager une insertion sociale pour nombre de personnes que nous accueillons.
Comme tout le monde, nous avons eu une phase de sidération face à cette situation inédite. Notre objectif est de poursuivre au maximum notre action, en particulier sur l'aide alimentaire qui est notre priorité. Nous avons eu l'occasion de découvrir de nouveaux publics dans nos centres et, à notre grande surprise, dans le cadre de nos activités de rue, lesquelles ont augmenté de 40 %, voire ont doublé ou triplé durant cette période. Nous avons eu à faire face à une vague extrêmement importante. De nombreux étudiants sont venus à notre rencontre dans le cadre des activités de rue faute de denrées alimentaires.
Pour des raisons sanitaires, nous avons décidé de mettre en retrait nos bénévoles de plus de 70 ans, soit un tiers de nos effectifs bénévoles – - sachant que 80 % de nos bénévoles ont plus de 55 ans. Dans les premières semaines, nous intervenions sans aucune protection pour les bénévoles et les personnes accueillies dans un contexte de crainte générale de la population française sur ce sujet. Nous avons été contraints de procéder à une réorganisation complète de notre distribution, dans la mesure où les conditions d'accueil ne permettaient pas le respect des règles sanitaires et nous avons provisoirement cessé nos activités d'accompagnement.
Nous sommes parvenus à mobiliser fortement un noyau de bénévoles. Toutefois, l'association a fonctionné avec 20 à 25 % des effectifs bénévoles, qui se sont fortement engagés durant cette période et qui se trouvent actuellement en situation d'épuisement. En dépit des initiatives prises au niveau du Gouvernement via les plateformes d'appel au bénévolat, les associations ont travaillé grâce à un noyau dur de bénévoles, puisque nous ne pouvions pas à la fois gérer les activités et intégrer de nouvelles personnes. Malgré nos craintes, nous sommes parvenus à maintenir la chaîne logistique et à éviter les ruptures d'approvisionnement en sachant que, pour des raisons sanitaires, nous n'avons pu effectuer la « ramasse », qui consiste à récupérer les invendus auprès de la grande distribution.
Nous avons observé une grande solidarité de la part du public à travers des dons supplémentaires, mais également des entreprises qui ont effectué des dons en nature et financiers. Le maintien de la distribution alimentaire s'est opéré en mode extrêmement dégradé. Notre crainte est de ne pouvoir maintenir ce fonctionnement en situation hivernale.
Au sein du secteur associatif, nous rencontrons une problématique de locaux en termes d'exiguïté et d'insalubrité. J'évoquais récemment cette situation avec un sénateur du Blanc-Mesnil qui qualifiait d'invraisemblables les conditions d'accueil proposées aux associations par les collectivités locales. Il s'agira d'un élément clé pour nous permettre de maintenir nos activités durant l'hiver.
Nous avons assisté à une mobilisation des collectivités territoriales qui ont été présentes à nos côtés en distribuant des masques ou sous forme de dotations financières.
En revanche, en début de crise, nous avons constaté un manque d'instructions, voire des discours contradictoires au niveau des services publics et des différents ministères, en particulier de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Pour les années à venir, le point clé résidera dans l'alignement des temps administratifs et du temps de l'urgence. L'État était présent durant cette période et a fait preuve d'une volonté évidente de nous accompagner, mais nous avons constaté un décalage parfois très marqué entre le moment où l'on doit être présent et celui où les moyens doivent être mis à disposition. Il s'agit d'un élément essentiel face à la crise économique et sociale qui nous attend.
Les Restos du Cœur ont peu apprécié la pression forte exercée par des des collectivités territoriales au niveau local et départemental pour maintenir une activité à tout prix alors que nous rencontrions des difficultés en termes de bénévoles, ou nous incitant fortement à mutualiser des moyens avec d'autres associations. Nous ne sommes pas une mission de service public, mais une association. Nous sommes extrêmement vigilants à conserver notre indépendance. Or nous avons été confrontés à certaines attitudes assez dictatoriales localement que nous n'avons pas du tout appréciées durant cette période.
Les conditions d'accès ont été difficiles pour les personnes accueillies en raison de l'absence de masques et de transports en commun, ce qui a conduit un certain nombre d'entre elles à ne pas se rendre aux Restos du Cœur. Des initiatives très locales ont été mises en œuvre par de nouvelles associations qui se sont créées pour apporter de l'aide, mais nous avons pu constater cette difficulté à venir nous rencontrer.
Cette crise sanitaire qui risque de durer se conjugue à une crise économique et sociale qui est annoncée au moins jusqu'à fin 2022. Nous attendons une augmentation des publics de 20 à 30 %, ce qui impactera fortement le fonctionnement des associations, en particulier aux Restos du Cœur. Notre crainte est double, à savoir financière, ce qui nous amène à attendre un investissement fort des pouvoirs publics pour accompagner les associations durant cette période, mais également opérationnelle, quant au nombre de bénévoles et aux locaux, dont 20 % devraient être abandonnés pour rejoindre des lieux plus décents.
Après l'urgence de la crise, nous sommes entrés dans une logique d'anticipation. Nous souhaitons que les décisions politiques et le fonctionnement des services de l'État s'alignent sur le temps de l'urgence sanitaire et sociale.
Je vous invite à être aussi concrets que possible afin de ne pas tomber dans le plaidoyer. Lorsque vous évoquez la logique d'anticipation et la situation des moins de 25 ans, nous avons besoin de précisions.
(Mme Aurélie Mercier prête serment).
La crise du COVID a mis en lumière l'absence de filet de sécurité pour nombre de ménages, notamment des familles. Cette nouvelle précarité a été vécue par des familles que nous n'avions pas l'habitude de voir, notamment des mères seules, mais également des travailleuses intérimaires et des aides à domicile dont l'activité et les ressources ont chuté lors du confinement, ainsi que des jeunes, étudiants ou non, qui se sont vus privés de leur job étudiant et ne peuvent prétendre à aucune aide puisque le RSA ne leur est pas ouvert.
Les effets de la crise sur les enfants et la jeunesse ne peuvent être mesurés sans prendre en compte les familles dans leur globalité, notamment les parents dont le rôle a été mis à mal durant la période. Il leur a été très compliqué d'être les « guides » de leurs enfants sans savoir de quoi serait fait le lendemain et en se demandant s'ils pourraient continuer à les nourrir, en étant hébergés dans une chambre d'hôtel à cinq, en cuisinant en l'absence de cuisine collective et en lavant leurs enfants dans des conditions difficiles, en l'absence de sanitaires dans la chambre d'hôtel. Cette situation a aggravé l'anxiété des parents et de leurs enfants plus ou moins jeunes.
Nous avons constaté une aggravation des inégalités scolaires avec une fracture numérique en termes d'équipement et de connexion, que l'on réside ou non à l'hôtel. Nous sommes parvenus à débloquer 150 000 euros pour équiper des familles ayant des enfants afin de permettre la continuité pédagogique, mais nous avons observé des difficultés liées à l'utilisation de ces outils numériques, à l'accès au contenu des cours, à la maîtrise de la langue française, à l'absence de moments de répit pour les parents et au manque d'épanouissement pour les enfants liés à la fermeture des écoles.
(Mme Marie-Aleth Grard prête serment).
Je vous remercie de prendre le temps d'écouter ce qu'ont vécu les jeunes et les enfants dans le cadre de cette crise sanitaire.
ATD Quart Monde est atypique puisque nous ne procédons pas à quelque distribution que ce soit et œuvrons avec des volontaires permanents qui vivent au quotidien auprès des familles les plus défavorisées, ainsi que des bénévoles qui assurent des activités culturelles avec les enfants, les jeunes et les adultes du quartier.
Les familles que nous accompagnons font partie de celles qui vivent dans la grande pauvreté. Sur les 10 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, 4 ou 5 millions vivent dans la grande pauvreté dans notre pays, sixième puissance mondiale. Ces familles n'y tombent pas du jour au lendemain, mais leur nombre augmentera avec cette crise. Vivre dans la grande pauvreté est lié à un cumul de précarités, avec des difficultés dans le domaine de l'emploi, du logement, de la santé, de l'éducation et des droits fondamentaux, ce dont on ne sort pas du jour au lendemain. Ce cumul de précarités enfonce terriblement et est héréditaire dans notre pays. En France, en 2020, l'espérance de vie des personnes vivant durablement dans la grande pauvreté est réduite de 13 et 15 ans, ce qui est effarant.
À la peur de la pandémie, s'ajoute celle des impacts des mesures pour les personnes vivant habituellement dans la survie au jour le jour. Elles ont eu beaucoup d'interrogations et d'incompréhension avec, parfois, un sentiment d'incohérence des décisions et des injonctions.
Une maman dit ceci sur son enfant qui est placé en famille d'accueil et qu'elle a enfin réussi à aller voir quelques minutes : « On me le reprochera peut-être, mais un petiot de trois ans qui pleure parce qu'il n'a pas vu ses parents depuis très longtemps ne se console pas à un mètre de distance. Si je n'y arrive pas autrement, je le prends dans mes bras ». Les jeunes placés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) et leurs parents ont vécu, comme tous les autres, voire davantage, un confinement difficile et douloureux avec l'interdiction des visites, parfois le refus de tout moyen de communication par la famille d'accueil, les incompréhensions et l'immense tristesse pour les enfants et les parents. Comment réparer ces blessures profondes et durables ? Les parents étaient angoissés à l'idée d'être pénalisés pour n'avoir pas obéi au juge qui leur avait demandé de rendre visite à leurs enfants.
Les enfants et les jeunes se trouvant en institut médico-éducatif (IME) car porteurs de troubles se sont retrouvés 24 heures sur 24 à la maison avec une amplification de leurs troubles et une possibilité très restreinte de sortir autour de l'immeuble, ce qui a été difficile pour eux et leurs parents. En outre, les relations avec les institutions qui les accueillaient à la journée ou à la semaine se sont restreintes puisque les personnels ne se trouvaient plus sur leur lieu de travail. Certains bénéficiaires d'une Garantie jeunes se sont trouvés abandonnés par l'éducateur ou le patron de stage, y compris à l'issue du confinement. Nombre des professionnels qui suivent ces jeunes nous ont indiqué qu'ils réalisaient à quel point ils ne parvenaient pas à toucher les jeunes les plus éloignés de tout. En outre, les angoisses des adultes rejaillissent sur les jeunes. Comment faire ses devoirs scolaires lorsque l'on vit à six ou huit personnes dans un deux-pièces et que l'on ne dispose pas d'endroit à soi pour travailler, réfléchir et lire tranquillement ?
Je veux saluer le travail remarquable de nombreux enseignants, directeurs d'école, principaux de collège et proviseurs, mais je souhaite aussi évoquer les 3 millions d'enfants et de jeunes vivant sous le seuil de pauvreté qui se trouvaient au sein de notre système scolaire en début de confinement. 1,2 million d'entre eux vivent au sein d'une famille en grande pauvreté. Ces enfants, qui sont très attachés à leurs parents, mais qui vivent un quotidien très compliqué sont répartis sur tout le territoire national. Comment oser évoquer la continuité pédagogique auprès des parents sans jamais leur avoir parlé de pédagogie avant le confinement, notamment dans le cadre des réunions parents-professeurs ?
Je citerai l'exemple de cette jeune vivant en foyer et en classe de terminale, qui avait la possibilité de faire ses devoirs avec Internet à la médiathèque de son quartier, ce qui ne lui a plus été possible lors du confinement. Elle n'a jamais pu joindre aucun de ses enseignants, lesquels ne lui ont jamais répondu. À la reprise des cours, le professeur principal lui a remis l'ensemble des cours dispensés aux autres élèves tout au long du confinement en lui demandant de les étudier en quelques jours. Cette jeune, qui s'accroche à ses études, n'a pu lancer à temps la procédure d'orientation Parcoursup, laquelle a gracieusement fait l'objet d'un délai supplémentaire de six jours, ce qui ne change rien lorsque l'on est confiné sans accès à Internet.
Comment faire ses devoirs sur le téléphone de ses parents ? Tel était le cas des familles défavorisées, lesquelles ont pourtant tenté de faire le maximum.
Pour les parents qui vivent dans la grande pauvreté, l'école représente l'espoir que leurs enfants aient une vie meilleure que la leur, mais ils ne se sentent pas la compétence pour assurer cette continuité pédagogique qui leur a été demandée. Nombre de parents nous ont dit ne pas pouvoir suivre leurs enfants faute de compétences et de comprendre le vocabulaire utilisé dans les devoirs.
Pour les enfants, les jeunes et les enseignants, la rentrée scolaire de septembre s'est déroulée comme si la situation était normale. Il n'a pas été pris le temps pour les enseignants de se poser et de déverser ce qu'ils ont vécu de si difficile durant ces mois et ces semaines afin de pouvoir reprendre leur souffle ensemble, pour accueillir les enfants et les jeunes. Il en est de même pour ces derniers qui, trop souvent, n'ont pas eu le temps de poser ce qu'ils ont vécu et qui est parfois très lourd. Certains ne sont pas sortis durant les deux mois de confinement par crainte de contamination par le virus, dans la mesure où les personnes vivant dans la pauvreté sont souvent porteuses de pathologies chroniques.
Dans les cités, nous n'avons pas été très longtemps désorientés. Nous nous sommes immédiatement interrogés sur le moyen de n'oublier personne et conserver le lien existant. Dans les quartiers dits les plus difficiles, les jeunes sont venus aider en faisant les courses pour les personnes qui craignaient de sortir.
Il serait à l'honneur de notre pays de prendre les décisions à la hauteur de cette crise sociale humanitaire, car nous sommes en train de laisser plus de 10 millions de personnes sur le bord du chemin dans notre pays.
Je comprends que vos propos soient passionnés ou empreints de colère car la réalité que vous côtoyez, tout comme nous en tant qu'élus, provoque de la colère.
Au regard du rôle joué par vos associations, j'espère que l'accompagnement public sera à l'ordre du jour, mais également que les dons pourront se multiplier afin de vous permettre de mettre votre engagement en œuvre.
Vous posez la question importante du temps administratif et du temps de l'action dans l'urgence. Comment l'administration préfectorale vous considère-t-elle ? Quels rapports entretient-elle avec vous ? Les préfectures ont-elles répondu à l'absence d'équipements sanitaires ? Quelle a été l'utilisation des bons alimentaires dans les préfectures ? Dans celle où je suis élue, le préfet a fait part d'une distribution en nombre.
Nous avons entendu de nombreux témoignages d'étudiants faisant part de leurs difficultés. Je partage le propos tenu sur les minima sociaux pour les jeunes, étant moi-même porteuse d'une proposition de loi pour un revenu étudiant, puisque nous considérons qu'étudier est un travail. Sentez-vous que ces jeunes étudiants qui ont sollicité vos associations pourraient être tentés de transformer cette expérience en engagement bénévole ? Nous connaissons l'âge moyen des bénévoles, même si nombre de secteurs ont connu un rajeunissement dans ce type d'engagement. Vous avez dû mettre les plus de 65 ans à l'abri, lesquels comptent beaucoup au sein des associations. Pensez-vous que les étudiants pourraient contribuer à l'engagement caritatif ?
Nous connaissons le coût extrêmement élevé de l'équipement et de l'alimentation destinés aux tout jeunes enfants. Dans quel état ces enfants se trouvaient-ils ? La question de la faim a été évoquée. J'ai reçu des témoignages de bénévoles ayant rencontré des familles qui avaient faim. Que pensez-vous de la distribution de produits alimentaires aux enfants ? Deux de vos associations au plan local m'ont rapporté un manque de produits frais lié à l'absence de ramassage. Êtes-vous inquiets pour les futures distributions ? Pourrez-vous faire face ?
Vous avez souligné la fracture numérique, à laquelle il conviendrait que l'Éducation nationale réponde, et la capacité des adultes à accompagner l'enfant dans son parcours pédagogique, ce qui requiert davantage de moyens en personnels qualifiés autres que l'enseignant de la part de l'Éducation nationale.
Sur la question du temps administratif et du temps de l'urgence, je citerai un exemple qui me permettra d'évoquer les bébés. Je vous rejoins pleinement sur les difficultés de la rentrée, où l'on a fait comme s'il ne s'était rien passé. Il en a été de même au sein des crèches qui ont rouvert progressivement. Nous avons reçu le guide de la DGCS mi-septembre alors que les établissements étaient déjà ouverts.
La Croix-Rouge a immédiatement été centre opérationnel puisque notre association a cet « usage » de la crise, elle sait fonctionner de cette façon. Nous avons passé notre temps à envoyer des instructions à l'ensemble de notre réseau, ainsi que nos réflexions à l'État, lequel envoyait les siennes dans la suite. Il est juste que le temps de décalage devient assez complexe. Par ailleurs, il convient d'évoquer les prises de décisions, avec par exemple l'annonce faite, un jeudi, par le ministre de la Santé et des Solidarités s'agissant de l'obligation de porter un masque le lendemain, et la parution du décret dès le lendemain matin.
L'évolution, qui peut être simplement perçue en termes de santé publique, est également pédagogique. En tant qu'expert, j'avais tenté d'expliquer que le fait, pour de jeunes enfants, d'observer des adultes masqués toute la journée est problématique, ce que le Haut conseil à la santé publique partage. Il est considéré qu'il convient de vivre avec le virus, mais, en dehors de quelques témoignages presque subjectifs d'éducatrices de jeunes enfants, je ne suis pas en capacité d'en estimer les conséquences pour ces petits enfants. La réflexion qui est engagée sur les masques inclusifs transparents s'inscrit dans la durée en intégrant le temps de la négociation et de l'analyse des impacts pratiques.
S'agissant de la protection de l'enfance, le guide nous est parvenu la semaine dernière.
Il m'est très difficile de me positionner sur les préfectures dans la mesure où chaque préfet a son usage, entre des bonnes pratiques qui s'appuient sur une coordination avec les différentes associations pour activer les uns et les autres en fonction de leurs projets et de leurs envies, et des pratiques qui sont plus militaires. Cette situation crée des tensions et des incompréhensions, ce qui n'est pas très efficient sur le territoire.
La Croix-Rouge a parfois été le relais de la distribution de bons alimentaires, mais je ne saurais en dresser un bilan objectif étant donné les multiples retours que j'ai reçus. Certains l'ont qualifiée de très fluide et d'autres d'aléatoire et incompréhensible. En tout état de cause, je me félicite que ces moyens aient répondu aux besoins de ceux qui ont pu en bénéficier, mais elle n'a pas couvert ceux des nouveaux publics, notamment des étudiants. J'invite les préfectures à avoir cet usage systématique d'une coordination avec les associations se trouvant sur leur territoire.
Nous avons invité les bénévoles les plus âgés à rester chez eux, ce qu'ils comprennent en termes de santé, mais qu'ils vivent très mal car ils sont mobilisés par leur engagement, ce qui les conduira probablement à s'interroger sur sa poursuite. Durant la période de confinement, du fait de l'arrêt du travail pour un certain nombre d'entre eux, la mobilisation a été forte. Chacun a pu observer très concrètement cet élan de solidarité. La reprise du travail a conduit à perdre ces ressources, car il peut être compliqué de gérer l'intensité de l'engagement demandé, avec un temps minimal requis.
S'agissant de l'état des très jeunes enfants, les professionnels en maternité s'interrogent sur les conséquences de cet environnement anxiogène, alors que fonctionner uniquement avec le regard n'est pas notre usage quotidien. Nous disposons de lieux de distribution alimentaire dédiés aux bébés car nous savons que le coût de leur nourriture est très élevé. Nous essayons de coupler la nutrition avec un soutien à la parentalité, afin de pouvoir mobiliser les parents dans l'accompagnement de leurs jeunes enfants. Nous pouvons également fournir des produits frais aux personnes qui sont logées à l'hôtel, mais celles-ci ne disposent pas d'espace pour cuisiner.
Nous constatons aussi des différences culturelles. Dans l'un de nos centres de protection maternelle et infantile (PMI), l'éducatrice de jeunes enfants apprenait aux mamans à cuisiner les haricots verts et avait prévu d'en remettre 500 grammes à chacune d'elle, mais elle s'est retrouvée avec tous les haricots verts en fin d'atelier car ces dernières n'avaient absolument pas compris ce qu'était ce produit. Au-delà de l'accès à la denrée, il faut considérer son utilisation. Nous nous trouvons dans cette situation d'urgence d'être pris entre la réponse immédiate, la question de l'éducation et des compétences sociales et psychologiques de ces personnes qui sont encore plus mises à mal par cette crise.
Il m'a été rapporté que, dans un hôtel occupé par des familles placées par le 115, tous les moyens de cuisiner ont été retirés avec une tolérance pour un réchaud.
Les contraintes sanitaires ont compliqué la situation. Tout est supprimé à l'exception du matériel individuel.
Nous nous rappelons aussi des hôtels qui ont brûlé à cause d'un réchaud allumé au dernier étage.
Le rapport avec les préfectures est extrêmement hétérogène et complexe en termes de fonctionnement pour les associations. Une enveloppe de 36 millions d'euros a été récemment dédiée par le Premier Ministre aux associations pour assurer l'aide alimentaire jusqu'en fin d'année. Or il a décidé de la décentraliser. Notre fonctionnement propre est plutôt national, sur la base d'achats groupés pour le compte des associations départementales. Par conséquent, compte tenu de la décentralisation de ces crédits, nous sommes tenus de présenter cent dossiers au lieu d'un, avec un système de subrogation pour faire en sorte que des subventions perçues par les associations départementales puissent remonter au niveau national, ce qui aboutit à une « usine à gaz ». Nous avons argumenté, mais le Premier Ministre a refusé, certainement pour des raisons politiques visant à revenir vers l'échelon local, et ces enveloppes sont restées décentralisées, ce qui nous conduit à remplir nos dossiers de demandes financières dans chacun des départements. Le résultat est que les Restos du cœur reçoivent des enveloppes comprises entre 10 et 60 % de nos demandes, selon les départements.
Nous constatons donc une hétérogénéité dans les retours concernant les dotations financières. Certains sont supérieurs à ce que nous représentons en termes de distribution. La Seine-Saint-Denis a été extrêmement généreuse à l'égard des Restos du Cœur en répondant à 60 % de nos demandes. D'autres départements, pour des raisons inconnues, ne nous accordent que 10 %. Par conséquent, le résultat global est complètement aléatoire. Alors que nous devons prévoir une situation à la fin de l'année et engager des achats de négoce et de nourriture pour faire face à la situation, nous rencontrons un aléa complet sur la somme que nous percevrons au final. Or la distribution de 130 millions de repas nécessite d'anticiper les commandes. Ce cas concret illustre la relation avec les préfectures et le décalage en temps administratif versus le temps opérationnel de l'urgence, qui est absolument nécessaire.
Vous avez donc essayé de négocier tant qu'il en était encore temps en faisant entendre votre parole.
En effet, nous avons fait entendre notre parole auprès de la DGCS en faisant part de notre organisation. Or la solution proposée consiste en un mode subrogatoire qui, au-delà de 100 demandes directes auprès des départements, requiert 100 demandes de subrogations et 100 demandes de remontées de fonds. Un bénévole qui s'engage dans l'association a envie de faire autre chose que de remplir d'innombrables formulaires Cerfa et des conventions entre des associations départementales et la structure nationale. Nous y passons un temps infini. Actuellement, deux personnes sont dédiées à plein-temps à la simple gestion de cette opération de subventions départementales et de remontées nationales.
Effectivement. En outre, nous faisons face à un aléa total sur la remontée finale des subventions dont nous pourrons bénéficier et des leviers dont nous disposerons en termes de distribution alimentaire.
Les associations bénéficieront de 55 millions d'euros sur les exercices 2021 et 2022 au titre du fonds européen REACT-EU, dont une partie est dédiée à la lutte contre la pauvreté ; ce dispositif sera organisé selon le même schéma que le fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD), c'est-à-dire non pas en termes de subventions directes, mais d'achats de denrées organisés par la DGCS et gérés par FranceAgriMer à travers des appels d'offres. Habituellement, un choix nous est proposé parmi une palette de 24 produits, ce qui nous permet de diversifier ces produits et d'assurer un meilleur équilibre nutritionnel. Dans le cadre du fonds REACT, nous n'avons accès qu'à 10 produits. Or nous accueillerons un public supplémentaire et avons besoin de la même diversité. Toutefois, les ressources humaines sont insuffisantes à la DGCS et chez FranceAgriMer pour gérer ces appels d'offres
On aboutit donc à une situation absurde ; ces subventions, qui correspondent à une augmentation de 60 % de la dotation FEAD, sont extrêmement significatives. Nous attendons 20 à 30 % de personnes supplémentaires durant la période. Si nous percevons l'ensemble de la dotation à laquelle nous avons droit, nous risquons de nous retrouver avec des milliers de palettes en stock, car les produits ne correspondent nullement à la demande liée à un équilibre nutritionnel correct et à l'augmentation des publics, pour de simples questions administratives et de moyens.
À l'origine, nous bénéficiions de plus d'une quarantaine de produits, lesquels se réduisent systématiquement d'année en année faute de moyens affectés aux appels d'offres pour fournir aux associations les produits qui répondent à un équilibre nutritionnel. Il s'agit de deux exemples concrets de freins que nous vivons à longueur d'année et qui nous mettent en grande difficulté puisque nous disposons de stocks de produits issus du FEAD que nous ne pouvons distribuer, car les associations départementales se lassent de cette monotonie, ce qui nous contraint à effectuer des achats de négoce grâce aux dons. Par manque de moyens humains en France, nous sommes contraints d'acheter des produits dont nous avons besoin et de stocker des produits qui nous sont inutiles. Par ailleurs, nous disposons de budgets européens dédiés qui se trouvent quelque peu en péril sur la partie FEAD, pour laquelle nous luttons afin de maintenir le niveau actuel. À travers le fonds REACT-EU, nous avons une certaine visibilité sur ce dont nous pourrions bénéficier sur deux ans pour traverser cette crise économique, mais il nous est expliqué que la diversité des produits ne pourra être assurée pendant deux ans faute de moyens. Telle est la réalité quotidienne que nous vivons.
Les bons alimentaires sont très intéressants sur le court terme, mais pour les associations comme les Restos du Cœur qui pratiquent largement l'aide alimentaire, il s'agit de la première étape d'un accompagnement beaucoup plus profond, dans l'objectif de sortir un maximum de personnes de l'isolement social ou la précarité dans laquelle ils se trouvent. Diffuser des bons alimentaires à grande échelle était positif durant la crise pour les personnes ne pouvant se déplacer, mais les maintiendra dans l'isolement, ce qui n'est certainement pas la bonne solution à long terme pour répondre à la problématique de la sortie de la précarité et de la pauvreté.
S'agissant des bébés, nous ne recevons pas d'alerte concernant les produits frais, mais je souligne la situation ubuesque dans laquelle nous nous trouvons à travers l'approche départementale des subventions et la gestion du fonds REACT.
Concernant le rôle des préfectures, en avril dernier, nous avons mené une enquête sur la coordination de l'action sociale par les services de l'État auprès de nos 73 délégations. Les réponses obtenues portent sur 40 départements. L'analyse montre l'existence d'une coordination départementale pilotée par le préfet ou la DDCS dans la moitié des cas. La moitié de nos délégués en étaient plutôt satisfaits. L'autre moitié d'entre eux la jugeaient insuffisante ou pas du tout utile.
Il est constaté un souhait de faire face aux besoins les plus urgents en prenant en compte uniquement l'aide alimentaire et les personnes se trouvant sans logement digne, ce qui était très important, mais a mis de côté certains publics et des territoires. En se focalisant sur les grandes villes, les territoires ruraux ont été oubliés, ce qui a conduit des familles, des personnes âgées et isolées à se trouver en grande difficulté. La question de l'isolement n'a aucunement été traitée dans cette coordination, ce qui nous semblait important, ainsi qu'à d'autres associations comme Les Petits Frères des Pauvres ou le réseau Monalisa auquel nous participons et avec lequel nous avons mis en œuvre des chaînes téléphoniques de fraternité et des groupes WhatsApp visant à garder le lien avec les personnes, entre les enfants et les jeunes, soutenir, rassurer et déculpabiliser les parents.
Dans les trois quarts des départements, le ciblage des bénéficiaires des chèques ou des tickets service était jugé partiel, oubliant certains publics ou territoires, ainsi que des situations spécifiques comme les territoires ruraux, la totalité du territoire de la Nouvelle-Calédonie, les gens du voyage, qui n'ont pas été pris en compte dans certains départements, ainsi que des travailleurs non déclarés et des situations très ponctuelles comme celles des familles dont la prime est arrivée tardivement.
Dans certains cas, il a été constaté que les besoins ne remontaient que grâce aux associations, lesquelles n'avaient qu'une vision partielle. Il aurait été préférable que les services de l'État portent une vision plus globale.
Les pistes d'amélioration consistent à rendre effective cette coordination là où elle a été absente ou insuffisante, à permettre l'accès à des informations précises et régulières de la part des autorités, à offrir la possibilité aux associations de faire remonter des besoins spécifiques et à se coordonner avec les autorités publiques et les autres acteurs associatifs. Il convient également d'articuler ces coordinations entre les différents échelons et d'intégrer d'autres acteurs comme les caisses d'allocations familiales (CAF), les mutualités sociales agricoles (MSA) et l'Éducation nationale, pour traiter la question de la continuité pédagogique, ainsi que les centres communaux d'action sociale (CCAS) ou les mairies, qui étaient très absents.
Le Secours Catholique a contribué au déploiement des chèques service au sein des territoires conformément à ses valeurs, qui consistent à rendre leur dignité aux personnes en leur permettant de choisir les produits en supermarché sans être stigmatisées par les longues files d'attente aux distributions alimentaires, comme nous l'avons vu dans les reportages télévisés.
Effectivement, il s'agit de permettre aux personnes d'exercer leur dignité.
Nous avons adressé de nombreux recours auprès du Défenseur des droits concernant les amendes de 135 euros, lesquelles sont insupportables pour les personnes percevant le RSA ou pour un jeune allant déposer des médicaments chez sa grand-mère, ayant oublié de prendre sa pièce d'identité et ne sachant remplir le document comme il se doit. Ces recours ont été plutôt bien instruits.
Nous avons fortement bataillé avec La Poste, dont nombre de bureaux ont fermé. Or les bénéficiaires du RSA s'y rendent en début de mois pour percevoir leur allocation. Les difficultés ont persisté après le confinement car de nombreux bureaux de poste n'ont pas rouvert immédiatement. Certaines personnes qui parvenaient à survivre avec le RSA depuis des années et étaient fières de ne plus se rendre aux distributions alimentaires ont été contraintes d'y retourner.
L'appel aux services des impôts est gratuit, mais les numéros des CAF et de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) sont payants. Certaines personnes en situation de pauvreté qui font l'objet de ruptures de droits ou de changements de situation ne disposent que d'une carte de téléphone prépayée et ces appels leur ont coûté une fortune. Nous avons bataillé avec des opérateurs téléphoniques pour obtenir des cartes de téléphone et des téléphones. Les factures de téléphonie des personnes les plus défavorisées dans notre pays durant cette période sont un vrai scandale.
Je remercie les bénévoles de la Croix-Rouge, des Restos du Cœur, du Secours Catholique et d'ATD qui apportent un peu de chaleur et contribuent de façon très concrète à la vie ou à la survie d'un certain nombre d'entre nous.
Je souhaite revenir sur l'anticipation. Nous avons évoqué le confinement et le post-confinement. La crise sanitaire dans laquelle nous nous installons durera peut-être un ou deux ans. La crise sociale et économique risque de s'installer en dépit des mesures prises par le Gouvernement pour tenter de temporiser. Quelles projections établissez-vous quant à l'action et aux nouveaux bénéficiaires qui pourraient arriver dans vos associations ?
Nous faisons face à un phénomène nouveau concernant les étudiants qui n'ont pu obtenir de job d'été ou d'appoint et ont vendu tout ce qu'ils avaient, jusqu'au moment où ils se trouvent contraints d'arrêter leurs études faute de moyens. En outre, les jeunes diplômés ne trouvent pas de travail. Ce type de population vient-il vers vous dans sa précarité ?
Je rappelle la volonté de développer 100 000 nouveaux services civiques, lesquels pourraient constituer une passerelle pour certains étudiants, voire pallier la problématique de carence de bénévoles qui pourrait survenir dans les mois à venir. Les services civiques pourraient-ils constituer une alternative, voire une solution partielle ?
Par ailleurs, comment vos associations travaillent-elles ensemble et se coordonnent-elles ?
Je remercie les bénévoles et les salariés des associations de solidarité qui ont tenu bon durant la crise sanitaire et poursuivent un travail formidable. À la commission des affaires culturelles, lorsque nous avons tenté d'évaluer en temps réel l'impact de la crise sanitaire sur la vie associative, nous avons tenu à recevoir en premier lieu les représentants des associations de solidarité, lesquelles figuraient parmi les rares associations ne se trouvant pas à l'arrêt.
Les bénévoles seniors ont dû être mis à l'écart pour des raisons de santé publique, mais vous avez pu compter sur un volant de remplaçants bénévoles, en particulier les actifs se trouvant au chômage partiel ou en télétravail qui disposaient de davantage de temps, et des volontaires de service civique, même si certains n'ont pu réaliser les missions en présentiel. Certains bénévoles seniors sont encore en réserve. Avez-vous pu constater un regain d'engagement, ponctuel ou non ? Certains actifs, notamment les plus jeunes, peuvent souhaiter prolonger leur engagement. Le constatez-vous chez les plus jeunes, au niveau du service civique, avec un effet de renouvellement de vos bureaux, notamment pour les bénévoles responsables ? Je pense également que l'épuisement se fait sentir au niveau de tous ceux qui travaillent à vos côtés.
Il est annoncé que la crise sanitaire fera basculer un million de Françaises et de Français dans la pauvreté, avec un revenu en baisse de 30 % pour les ménages modestes. Ces chiffres sont-ils vérifiés dans la fréquentation en hausse des associations de solidarité dont vous avez la responsabilité ? Nous avons eu des témoignages, en particulier au niveau du Secours populaire, sur l'arrivée de 50 % de nouveaux publics franchissant pour la première fois la porte des associations.
Il nous est indiqué que moins de 1 % des 100 milliards d'euros débloqués serait dédié aux plus précaires. Confirmez-vous ce chiffre ? Au-delà de l'aide exceptionnelle sur l'aide alimentaire, quelles sont vos demandes précises de financements supplémentaires ?
Je remercie les associations pour le travail réalisé dans notre pays qui a plus que jamais besoin de vos salariés et bénévoles pour répondre aux enjeux de la crise sanitaire, économique et sociale que nous vivons.
Vous semble-t-il que les jeunes soient plus touchés que les autres générations ? Quel est le profil type des personnes qui s'adressent à vos associations, en particulier au cours des derniers mois ?
Nous ne connaissons pas le nombre précis de jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme dans notre pays puisque les chiffres ne sont plus disponibles depuis trois ans, mais celui-ci s'établit entre 80 000 et 100 000 depuis de nombreuses années. Nous constatons que si nous n'allons pas chercher nos jeunes avec beaucoup de temps et de ténacité, aucun service de l'État ne le fera, et ils sont trop enfoncés dans la grande exclusion et l'isolement pour y aller d'eux-mêmes.
Vous parlez d'un million supplémentaire de personnes touchées par cette crise qui vivraient dans la pauvreté ou la grande pauvreté. Nous n'avons pas connaissance des chiffres, mais nous percevons une forte augmentation. La précarité augmente depuis quelques années et nous constatons une hausse de la grande précarité, ce qui accentue durablement le problème.
Ce Gouvernement a supprimé l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES), lequel permettait d'observer la pauvreté et l'exclusion sociale dans notre pays. Il est, certes, rattaché au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE), mais ne dispose pas du tout des mêmes moyens. Il est très dommageable de ne plus disposer de chiffres exacts. Nous avons récemment reçu de la secrétaire d'État à l'exclusion un courrier nous demandant les chiffres des personnes que nous accompagnons. Croyez-vous que nous avons vocation à chiffrer le nombre de personnes en situation de précarité, suite à la disparition de l'observatoire ? Il n'en est pas question.
Non, mais l'Éducation nationale ne nous fournit plus les chiffres des jeunes qui sortent sans diplôme.
Comme récemment indiqué au Premier Ministre par les responsables d'associations, le plan de relance, qui prévoit 0,8 % pour les pauvres, est une occasion ratée de montrer que nous voulons une société qui n'oublie personne. Nous entendons la nécessité de soutenir les entreprises, mais il est très ennuyeux de laisser 10 millions de citoyens sur le bord de la route. Nous sommes très inquiets. Le Premier Ministre nous a promis des annonces pour le 17 octobre, mais nous nous attendons plutôt à des miettes, et je ne suis pas très optimiste.
La crise n'est pas terminée. Nous réclamons la hausse du RSA. Un revenu digne s'établit entre 800 à 850 euros mensuels, faute de quoi la seule préoccupation est de savoir que manger et où loger ce soir et demain. Le RSA s'élève à 550 euros, mais est différentiel. Nous voulons que les gens puissent bénéficier d'un logement digne, d'un emploi pérenne et d'un revenu correct.
Les jeunes souffrent beaucoup de cette crise. Aujourd'hui, une jeune de 18 ans sans emploi et non boursier se trouve sans ressources. Nous militons pour que ces jeunes puissent bénéficier d'un revenu minimum décent et souhaitons une revalorisation du RSA à hauteur d'au moins 50 % du revenu médian, soit environ 800 euros. Nous demandons également une automaticité de ce versement pour éviter le non-recours et le paiement de ce revenu socle sans contrepartie. De nombreuses aides ont ainsi été débloquées ces derniers mois. Pourquoi ne ferait-on pas confiance aux plus pauvres ?
Avant la crise du Covid-19, un jeune sur quatre se trouvait dans la précarité ; si nous faisons une nouvelle évaluation de cette proportion, nous risquons de constater une forte augmentation. Les nombreux nouveaux bénévoles arrivés durant la crise poursuivent leur engagement, ce qui requerra une adaptation de nos activités, puisqu'un actif ne peut tenir une permanence d'accueil café ou de convivialité le jeudi à 14 heures.
Le service civique peut constituer une piste, sans devenir une obligation et une sorte de contrepartie en ne touchant qu'une certaine catégorie de jeunes. Il offre la possibilité de vivre la mixité, ce qui permet de faire société.
Les associations et la société ont la responsabilité de donner aux jeunes et aux enfants l'envie et la capacité de se projeter et de recommencer à rêver. Durant l'été, nous avons veillé au maintien des actions de vacances à destination des enfants, des jeunes et des familles. Pouvoir bénéficier des bienfaits des vacances et construire ce projet est très important. Je citerai l'exemple d'un enfant de 11 ans qui se sentait extrêmement fatigué et qui a remercié d'avoir pu bénéficier d'une semaine en camp, ce qui lui a permis de reprendre l'école sereinement.
La coordination entre nos associations est très concrète et locale. À Montpellier, une mutualisation s'est opérée entre le Secours Catholique, le Secours populaire et d'autres associations afin de se rendre dans les bidonvilles et les squats. Nous sommes plusieurs associations à faire partie du collectif ALERTE visant, notamment, à interpeller sur la question des minima sociaux. Notre vœu est d'éradiquer la pauvreté et nous savons que la coordination nous permettra d'y parvenir plus aisément.
Concernant le plan de relance, je reprendrai les propos de notre présidente qui évoque les miettes laissées au plus pauvres. Quelle dignité avons-nous à laisser ces miettes ?
Je rends hommage aux nombreux préfets qui ont « tenu la maison ». Étant issue du milieu associatif d'urgence, je constate que nous avons totalement manqué, durant les trois premières semaines, de ce sentiment d'urgence que vous maîtrisez, ce qui n'était pas leur cas. Il leur a fallu s'habituer à ces nouvelles situations et à ces nouveaux interlocuteurs que vous étiez. La grande ressource de cette crise est qu'ils vous ont désormais parfaitement identifiés, ce qui fait faire un bond de géant dans leur appréciation du rôle des associations. Cette constatation est également vraie pour nos administrations, bien qu'il faille les roder à vos usages.
Je renvoie toutefois le reproche que vous adressez à l'administration. Vous n'avez pas su faire confiance à cette jeunesse qui était prête à s'engager dès les premiers jours alors que nous savions qu'il faudrait les travailler au corps pour qu'ils s'engagent dans la société. Ni vous ni nous n'avons su leur confier rapidement des tâches à effectuer, ce dont ils avaient très envie.
Nous avons rendu visibles de nombreux invisibles. Il a fallu se rendre dans les bidonvilles et rencontrer les Roms, dont les jeunes, qui étaient les seuls à parler la langue, se sont occupés des adultes et ont servi de médiateurs quant aux mesures de protection liées à la distribution d'aide humanitaire alimentaire, ce qui a généré des actions extrêmement positives, comme le soutien scolaire dans les bidonvilles, la prise en main par les jeunes de leur communauté, un réveil et une visibilité. Nous avons vu des mineurs non accompagnés travaillant de manière acharnée seuls au fond de leur squat pour poursuivre leurs études.
Comment procédez-vous pour rebondir et construire sur ces atouts ? Comment procéder pour mieux se coordonner ? Je pense que vous subissez le fait que des subventions arrivent de toutes parts, à savoir de la région, du département et de l'État. Sommes-nous suffisamment rodés pour mettre en place une distribution claire ?
Vous semble-t-il que les citoyens se sentent plus responsables et prennent en main ces nouvelles solidarités qui seront probablement nécessaires ? Concrètement, quels jeunes dorment dans leur voiture aujourd'hui ? Il nous faudrait avoir une vision très correcte de la façon dont les jeunes et les enfants vivent.
Je reprendrai la formule de la présidente : que fait l'État ? Vous avez employé cette expression formulée par la présidente de votre organisation, s'agissant de reconstruire la dignité des plus pauvres sur des miettes.
Vous évoquiez le dispositif ALERTE. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les moyens dont vous disposez en tant qu'associations pour vous faire entendre auprès des responsables publics et politiques ? Quelles sont les associations qui participent à ce mouvement de mobilisation ?
S'agissant de la visibilité des enfants et des jeunes dans les politiques publiques, je pense qu'il nous faut réfléchir au sein de l'Assemblée nationale, où nous avons très peu de débats sur cette question. Au niveau de la représentation nationale, nous aurions besoin d'une structure permanente portant sur l'enfance et la jeunesse, dans le cadre d'un travail régulier sur ces questions.
Je me bats à la commission de la défense en faveur du développement du service militaire volontaire (SMV), lequel est calqué sur le service militaire adapté (SMA) qui existait dans les outre-mer. Il s'agit de jeunes, à partir de 16 ou 18 ans, qui sont éloignés de tout et s'adressent volontairement à l'armée de terre, laquelle dispose de dix mois pour les remettre à niveau quant au savoir être et au savoir vivre, ce qui génère plus de 72 % de sorties positives. Entendre un jeune qui était perdu pour la société affirmer qu'il est regardé et aimé pour la première fois est émouvant. Ces structures sont insuffisamment développées.
Accueillant 900 000 personnes, il nous faut anticiper. Nous avons estimé la situation dans les mois à venir avec 10, 15, 20, voire 30 % de personnes accueillies supplémentaires. Sur le plan arithmétique, en s'appuyant sur la crise financière de 2008, le chiffre d'un million n'est pas choquant. J'ai tenté de contacter plusieurs économistes de renom afin d'obtenir leur analyse de l'évolution de la situation économique et de l'impact sur la pauvreté, mais aucun ne m'a répondu. Leur argument se fonde sur une grande incertitude liée à cette crise, dont il est extrêmement difficile d'évaluer la profondeur et la durée. Aux Restos du Cœur, nous estimons que nous accueillerons 20 à 30 % de personnes supplémentaires dans les deux années à venir.
L'aide alimentaire constituera une première étape vers un accompagnement plus large sur toutes les dimensions, y compris en matière de soutien scolaire et d'apprentissage de la langue pour les parents, d'accès au logement, à l'insertion, à l'emploi et à de simples droits sociaux. Cet ensemble d'activités monopolise de nombreux bénévoles et est au moins aussi important que l'aide alimentaire.
L'anticipation consiste à tenter d'estimer le nombre de bénévoles et les moyens financiers nécessaires. La générosité publique est extrêmement présente, mais également très aléatoire. Il est très difficile de prévoir son maintien, son augmentation ou sa diminution puisque nous avons aussi de très petits donateurs. Par conséquent, nous ne pouvons pas nous appuyer sur cette générosité publique pour établir nos estimations, ce qui nous conduit à compter sur les pouvoirs publics pour nous aider à traverser cette période. Nous avons besoin de lisibilité financière.
Les Restos du Cœur sont extrêmement inquiets sur l'évolution du FEAD, qui était le seul fonds européen dédié à la lutte contre la pauvreté. Il a été inclus dans le fonds social européen + (FSE+), qui comprend un ensemble d'actions allant de la fracture numérique à la lutte contre la pauvreté ou l'aide à la formation. Finalement, un fonds européen intégralement dédié à la pauvreté sera transféré vers un fonds multi-actions dont l'arbitrage sera opéré par les pouvoirs publics français. Chaque année, l'État français choisira les dotations consacrées à telle ou telle action.
Un fonds sanctuarisé sur une période de six ans nos offrant une lisibilité financière et la possibilité de nous projeter sera remplacé par un fonds à tiroirs qui générera chaque année des allers et retours avec les pouvoirs publics, afin de pouvoir continuer à bénéficier du même niveau de financement. Nous sommes extrêmement inquiets sur le niveau d'aide par rapport à celui dont nous bénéficions dans le cadre du FEAD, ainsi que sur sa pérennité.
Les associations ne font pas l'aumône. A contrario d'autres pays, la France a fait le choix politique et historique de s'appuyer fortement sur ce dernières pour distribuer cette aide. Le minimum qui puisse être fait est de nous accompagner et de nous sécuriser sur la reconduction de ces aides chaque année.
Notre première volonté serait que l'association puisse être dissoute, car la pauvreté n'existerait plus dans ce pays. Les Restos du Cœur ont été créés voici 35 ans. La première année, nous distribuions 30 millions de repas et nous en sommes à 130 millions, ce qui reflète l'évolution de la situation de la pauvreté et de la précarité en France. L'engagement des bénévoles consiste à se demander concrètement, jour après jour, comment contribuer à sa petite échelle à la baisse de la précarité et de la pauvreté. Si nous pouvions ne pas exister, nous serions les premiers ravis.
Nous engagerons une réflexion de fond sur la problématique du bénévolat. Nous avons fait notre autocritique et avons constaté que nous n'avons pas forcément correctement intégré les bénévoles qui se sont déclarés volontaires pour nous aider. Aujourd'hui, occuper un poste de bénévole à responsabilités dans une association importante est un travail à plein-temps. Je suis secrétaire général bénévole et je passe cinq jours sur cinq à m'engager dans cette association. Nous rencontrons de grandes difficultés à recruter des bénévoles pour des postes à responsabilités et à intégrer les jeunes. Il nous faut nous remettre fondamentalement en cause sur ce thème, ce que nous ferons certainement dans les mois et les années qui viennent.
Le plan de relance en matière alimentaire nous paraît convenable. Du point de vue général, s'agissant de la lutte contre la pauvreté et la précarité, je rejoins complètement les propos qui ont été tenus.
Il conviendrait de se rappeler que la jeunesse est plurielle. Cette crise n'a fait que renforcer les inégalités. Les jeunes les plus fragiles sortiront encore plus fragiles ou porteront des bagages encore plus lourds.
Il convient d'interroger la perception de la gestion de cette crise jusqu'à maintenant. Nous nous sommes tous émus de l'impossibilité pour les personnes âgées en EHPAD de recevoir des visites. Qui s'est ému du fait que les enfants de l'aide sociale à l'enfance ne puissent voir leurs parents pendant des mois ? Personne. On estime que la jeunesse fait circuler le virus, mais nul se préoccupe d'elle et la jeunesse la plus favorisée se demande qui paiera cette crise, si ce n'est elle. La jeunesse n'est peut-être pas lue comme étant la plus touchée, mais elle en sortira probablement la plus lourdement concernée.
Chacun a compris que la crise durerait. Toutefois, du point de vue collectif, notre mode d'organisation ne nous permet pas de construire les réponses face à ce caractère durable. Il est surprenant que des espaces de dialogue n'aient pas été ouverts. Une ambition très forte a été posée par le Président de la République en septembre 2018 lors de la présentation du plan de lutte contre la pauvreté. J'ai le sentiment que le bilan reste assez mitigé, ce qui, associé à la crise, nous inquiète. Je pense que telle est l'incompréhension des associations. Nous avons la capacité à débloquer 100 milliards d'euros, et lorsque nous identifions ce dont les personnes auraient besoin pour conserver leur dignité et être insérées dans cette société, la situation semble être très compliquée.
S'agissant des nouvelles formes de bénévolat, pendant le confinement, nous avons mis en place un outil nommé « Croix-Rouge chez vous » offrant la possibilité de proposer un engagement bénévole, en particulier dans le cadre des livraisons. En tant qu'association, il faut rappeler que parfois, en voulant bien faire, on fait plus de mal que de bien, car les actions sont mal conduites ; nous essayons de lutter contre cela par la formation et le travail sur les représentations. Les outils que nous mettons en place ne visent pas à limiter le bénévolat, mais à assurer un positionnement correct de part et d'autre. Peut-être convient-il aussi de travailler sur la gestion de ses émotions face à des réalités particulièrement violentes.
Le programme « Croix-Rouge Jeunesse » offre aux jeunes la possibilité de prendre des responsabilités dans notre société, ce qui leur permet de retrouver une dignité et d'acquérir des compétences. Le service civique nécessite des tuteurs disponibles, lesquels doivent déjà gérer l'urgence et de la crise. Les postes sont parfois gérés à distance, mais nous perdons parfois des personnes qui viennent chercher ou acquérir des compétences.
Nous testons actuellement des cuisines mobiles avec le soutien de la DGCS. Par ailleurs, il faut aller chercher ceux qui sont le plus loin pour créer des éléments de dialogue. Chez nous, les maraudes sont effectuées par 9 000 bénévoles. S'ils décidaient de ne plus intervenir, un certain nombre de territoires ne présenteraient plus cette dimension « d'aller vers ». Par conséquent, il nous faut être collectivement vigilant au maintien de cet engagement jeune ou moins jeune.
Le collectif ALERTE compte 36 associations dont Emmaüs, la fondation Abbé Pierre, la Fondation Agir contre l'exclusion (FACE), le Secours Catholique, ATD Quart Monde, Médecins du Monde et l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS), laquelle dispose de moyens supérieurs à ceux de nombre d'entre nous. Nous réfléchissons très régulièrement ensemble aux problématiques auxquelles nous sommes confrontés et à nos méthodes d'action pour faire avancer nos partenariats avec le Gouvernement.
Depuis trois ans et demi, nous avons été considérablement consultés et avons participé à de nombreux groupes de travail, notamment sur le revenu universel d'activité (RUA) pour nous entendre dire, début septembre, qu'il est enterré. Nous avons beau être bénévoles et avoir bon cœur, nous fatiguons car nous sentons que les personnes que nous côtoyons au quotidien vivent encore plus mal en ce moment.
Je connais de nombreux jeunes du quart monde dont le parcours scolaire a été totalement désastreux et qui se retrouvent dans le SMV où l'on parvient à leur apprendre à lire et à écrire, et où ils passent le certificat de formation générale (CFG), qui est l'équivalent du certificat d'études. Il s'agit souvent d'un lieu qui permet ensuite à ces jeunes d'intégrer des formations.
L'audition s'achève à seize heures vingt.
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse
Réunion du jeudi 8 octobre 2020, à 14 heures 15
Présents. – Mme Marie-George Buffet, Mme Marianne Dubois, M. Régis Juanico, M. Philippe Meyer, Mme Sandrine Mörch, Mme Florence Provendier