Il conviendrait de se rappeler que la jeunesse est plurielle. Cette crise n'a fait que renforcer les inégalités. Les jeunes les plus fragiles sortiront encore plus fragiles ou porteront des bagages encore plus lourds.
Il convient d'interroger la perception de la gestion de cette crise jusqu'à maintenant. Nous nous sommes tous émus de l'impossibilité pour les personnes âgées en EHPAD de recevoir des visites. Qui s'est ému du fait que les enfants de l'aide sociale à l'enfance ne puissent voir leurs parents pendant des mois ? Personne. On estime que la jeunesse fait circuler le virus, mais nul se préoccupe d'elle et la jeunesse la plus favorisée se demande qui paiera cette crise, si ce n'est elle. La jeunesse n'est peut-être pas lue comme étant la plus touchée, mais elle en sortira probablement la plus lourdement concernée.
Chacun a compris que la crise durerait. Toutefois, du point de vue collectif, notre mode d'organisation ne nous permet pas de construire les réponses face à ce caractère durable. Il est surprenant que des espaces de dialogue n'aient pas été ouverts. Une ambition très forte a été posée par le Président de la République en septembre 2018 lors de la présentation du plan de lutte contre la pauvreté. J'ai le sentiment que le bilan reste assez mitigé, ce qui, associé à la crise, nous inquiète. Je pense que telle est l'incompréhension des associations. Nous avons la capacité à débloquer 100 milliards d'euros, et lorsque nous identifions ce dont les personnes auraient besoin pour conserver leur dignité et être insérées dans cette société, la situation semble être très compliquée.
S'agissant des nouvelles formes de bénévolat, pendant le confinement, nous avons mis en place un outil nommé « Croix-Rouge chez vous » offrant la possibilité de proposer un engagement bénévole, en particulier dans le cadre des livraisons. En tant qu'association, il faut rappeler que parfois, en voulant bien faire, on fait plus de mal que de bien, car les actions sont mal conduites ; nous essayons de lutter contre cela par la formation et le travail sur les représentations. Les outils que nous mettons en place ne visent pas à limiter le bénévolat, mais à assurer un positionnement correct de part et d'autre. Peut-être convient-il aussi de travailler sur la gestion de ses émotions face à des réalités particulièrement violentes.
Le programme « Croix-Rouge Jeunesse » offre aux jeunes la possibilité de prendre des responsabilités dans notre société, ce qui leur permet de retrouver une dignité et d'acquérir des compétences. Le service civique nécessite des tuteurs disponibles, lesquels doivent déjà gérer l'urgence et de la crise. Les postes sont parfois gérés à distance, mais nous perdons parfois des personnes qui viennent chercher ou acquérir des compétences.
Nous testons actuellement des cuisines mobiles avec le soutien de la DGCS. Par ailleurs, il faut aller chercher ceux qui sont le plus loin pour créer des éléments de dialogue. Chez nous, les maraudes sont effectuées par 9 000 bénévoles. S'ils décidaient de ne plus intervenir, un certain nombre de territoires ne présenteraient plus cette dimension « d'aller vers ». Par conséquent, il nous faut être collectivement vigilant au maintien de cet engagement jeune ou moins jeune.