Intervention de Violaine Bigot

Réunion du jeudi 15 octobre 2020 à 10h45
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Violaine Bigot, membre du bureau national de l'Association des parents d'élèves de l'enseignement libre (APEL) :

La crise sanitaire que nous traversons génère des effets sans précédent. C'est particulièrement vrai pour la période examinée aujourd'hui, qui concerne la première vague de la pandémie et les conséquences qu'elle a engendrées.

Cela dit, cette crise n'a pas généré que des effets négatifs, et nous tenions à le signaler. Une véritable solidarité s'est développée entre les parents d'élèves et l'ensemble des membres des communautés éducatives. Le confinement a également entraîné un effet accélérateur sur la prise en main des outils numériques par les enseignants. Des professeurs – même parmi les plus âgés ou les plus réticents vis-à-vis du numérique – se sont adaptés et ont été capables d'organiser, en quelques jours, des cours en distanciel avec leurs élèves. Sans formation particulière, nombre d'entre eux ont trouvé le ton juste et ont su entretenir un lien social et maintenir le lien professeur/élève. Nous les remercions pour ce travail.

En outre, certains élèves se sont paradoxalement épanouis durant cette période. En effet, à cause de leur timidité, certains ne pouvaient pas ou n'osaient pas prendre la parole. Les cours dispensés par le biais de moyens plus modernes leur ont permis de travailler autrement.

Enfin, certains moyens mis en place par l'État ont été particulièrement appréciés, comme la plateforme déployée par le Centre national d'enseignement à distance (CNED), ou comme les émissions de télévision de type Lumni.

Nous mentionnons ces effets parce qu'il nous paraît nécessaire de nous appuyer sur ces points positifs lors du retour en classe et pour envisager l'avenir.

À l'inverse, des situations ont été très mal vécues. Elles touchent évidemment tous les acteurs de la communauté éducative de diverses manières. En premier lieu, les parents d'élèves ont différemment vécu la période, qu'ils résident en ville ou à la campagne, qu'ils soient parents d'un ou plusieurs enfants, qu'ils habitent dans un appartement de 30 mètres carrés ou dans une maison avec jardin ou à la campagne.

La Covid-19 a été, très rapidement, un révélateur de la fracture numérique, au point que même des familles disposant d'un ordinateur ont rencontré des difficultés à gérer le partage, devenu nécessaire pour tous les membres de la famille. Il s'agit d'un point extrêmement important.

La continuité pédagogique a souvent connu des soubresauts lors de sa mise en place. Le travail à la maison demandé aux enfants était parfois mal adapté, et nous avons souvent assisté à une absence de concertation des enseignants, avec une importante quantité de travail pour certains jeunes.

Lorsque le retour en classe est devenu possible, certains établissements ont peiné à s'organiser pour gérer parallèlement les cours en présentiel et les cours en distanciel. Ce point fut particulièrement important.

Le lien entre les enseignants et les parents d'élèves n'a pas été vécu de la même façon partout, surtout lors du retour en classe. Si la solidarité a, dans un premier temps, poussé à un renforcement des liens avec les associations de parents d'élèves, tout en permettant parfois à des enseignants de nouer un lien plus direct avec les familles pour faciliter le travail à distance, le retour en classe s'est avéré légèrement plus compliqué. La charge de travail supplémentaire et des directives trop changeantes – voire contradictoires – ont parfois conduit des chefs d'établissement à gérer seul, au détriment des liens avec les familles, pourtant primordiaux. Cela a pu créer, ici ou là, des incompréhensions, voire des tensions.

L'APEL souhaiterait surtout attirer votre attention sur deux catégories d'enfants qui ont particulièrement souffert de la crise de la Covid-19. D'abord, les plus jeunes – de 3 à 6 ans – sont souvent ceux qui ont le plus mal vécu la période de confinement, comme la période actuelle nécessitant de la distanciation physique. Les conséquences psychologiques sont réellement importantes. De plus, la question des savoirs de base, notamment chez les élèves de cours préparatoire (CP), s'est révélée particulièrement difficile. Heureusement, les bilans dressés lors de la rentrée des classes au printemps et au septembre ont semble-t-il permis à la majorité des enseignants de pouvoir accompagner ces élèves pour rattraper le retard. Cela dit, il ne faudrait pas que la situation sanitaire perturbe cette remise à niveau.

La deuxième catégorie concerne les enfants en situation de handicap. Malgré l'annonce d'une priorité qui leur était accordée, ces élèves ont été, bien souvent, les plus affectés. Sans même parler des difficultés vécues durant le confinement, le retour en établissement fut compliqué. L'absence d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), les difficultés de communication liées au masque porté par les adultes et à l'impossibilité de lire sur les lèvres des professeurs ou des camarades, ainsi que la gêne plus importante à l'égard du port du masque ont été des facteurs perturbants.

Concernant le décrochage scolaire, nous avons constaté, pendant et après le confinement, que l'éloignement de l'école constituait naturellement un facteur aggravant du décrochage. Les élèves des lycées professionnels ont été les plus touchés par ce phénomène. Nous le déplorons, car certains de ces jeunes étaient déjà en grande fragilité.

Nous souhaiterions aussi attirer votre attention sur la situation des étudiants, qui ont vécu une fin d'année extrêmement difficile. L'isolement social, les cours à distance – avec parfois le seul téléphone pour suivre les cours et passer les examens –, la difficulté de trouver des stages, l'absence de petits jobs pour compléter les fins de mois et les difficultés accrues pour trouver un emploi saisonnier ont fragilisé une partie de notre jeunesse. Nous nous devons de ne pas les laisser dans une telle situation et leur offrir des conditions d'étude décentes.

Les mesures sanitaires mises en place lors de la reprise et à la rentrée de septembre sont globalement bien acceptées par les élèves. Il nous semble toutefois important, eu égard au contexte sanitaire dégradé, que nous puissions disposer des moyens humains et matériels pour affronter une situation qui risque d'être beaucoup plus longue que prévu.

En conclusion, sachons tirer profit de l'expérience que nous avons pu accumuler depuis quelques mois pour trouver des solutions, au sein de la communauté éducative, afin de maintenir nos écoles ouvertes et de leur permettre d'accueillir nos enfants dans les meilleures conditions.

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