Vous nous questionnez d'abord sur la pertinence de mettre en place un temps de concertation avec l'ensemble des acteurs de la communauté éducative à l'échelle locale, et plus spécifiquement au niveau départemental. Je réponds naturellement par l'affirmative. Cela dit, nous pouvons difficilement croire en cette possibilité, puisque nous réclamons depuis longtemps l'instauration d'un tel dispositif. Le ministre de l'Éducation nationale, M. Jean-Michel Blanquer, a régulièrement organisé des réunions avec les fédérations de parents d'élèves, qui ont toutes clairement demandé un temps de préparation du retour à l'école. L'on nous a répondu que nous étions des acteurs incontournables, et que ce sujet serait nécessairement traité avec nous. En réalité, nous n'avons été associés à aucune réflexion. Il est donc difficile d'y croire. Néanmoins, nous ne devons rien lâcher, et toutes les personnes auditionnées ce jour sont des acteurs engagés et convaincus des idées et des valeurs qu'ils défendent. C'est dans nos gènes à tous, et nous n'abandonnerons pas. La mise en œuvre de temps de concertation serait donc possible si des consignes ou directives étaient clairement transmises aux chefs d'établissement, qui sont des chefs d'orchestre importants pour mettre en place ces temps d'échange et de concertation. En effet, nous avons déjà remarqué, sur le terrain, que les représentants de parents siégeant au niveau national étaient parfois mieux informés que les chefs d'établissement, ce qui est totalement aberrant. Nous travaillons ensemble, mais ce n'est pas suffisant. Le ministre de l'Éducation nationale doit donc également porter cette concertation, et nous attendons aussi que le législateur accompagne la mise en place de ce dispositif très demandé par les parents et par l'ensemble des acteurs de la communauté éducative.
Comment les parents ont-ils vécu la responsabilité de choisir si leurs enfants devaient ou non revenir à l'école ? Le confinement fut très difficile pour la plupart des familles. Nous l'avons exprimé de manière plus ou moins explicite au cours de cette audition. Aujourd'hui, si les parents devaient à nouveau jouer au professeur, la réponse générale serait plutôt négative, dans la mesure où les parents ont bien compris que l'enseignement était un métier à part entière et un véritable savoir-faire. Nous sommes des parents, et non des enseignants, même si nous sommes dans la coéducation. Nous avons pu constater, à l'issue du confinement, que cette coéducation avait été renforcée, mais ce n'est pas suffisant. Nous devons donc poursuivre dans cette direction et donner les moyens à l'ensemble des acteurs – dont les parents – de trouver leur place dans le parcours scolaire des enfants, mais aussi au sein des conseils d'administration, comme nous le relevons dans nos déclarations liminaires.
En tout état de cause, la responsabilité laissée aux parents fut très difficile à assumer, puisqu'ils n'étaient pas du tout rassurés. D'un côté, le Premier ministre soutenait que tout était prêt pour la reprise et qu'il ne s'agirait pas d'une rentrée Covid-19. De l'autre, nous constations bien, sur le terrain, que rien n'était préparé. Parallèlement, le Conseil scientifique insistait sur la complexité de la situation et réclamait de faire attention, tandis que le président de la République tenait un tout autre discours. Comment voulez-vous rassurer les parents lorsque les paroles officielles sont contradictoires ? Il est vrai que certains membres du Gouvernement se voulaient rassurants, mais ils ont échoué, puisque leurs discours étaient contradictoires. Les parents nous ont fortement sollicités, et nous recevions quotidiennement des appels de leur part. Par exemple, les parents d'enfants à la santé fragile ne voulaient pas qu'ils retournent à l'école pour attraper la Covid-19. Dans le même temps, leurs questions demeuraient sans réponse. Malheureusement, cette phase a duré très longtemps. Plus tard, lorsque tout le monde pouvait enfin être accueilli à l'école, la FCPE était ravie – comme les autres fédérations de parents – que nos enfants puissent retrouver le chemin de l'école, étant entendu que nous n'avons rien trouvé de mieux que la coopération pour apprendre.
L'adaptation des programmes a été exigée très en amont par la FCPE. Lorsque les enfants sont retournés à l'école, un temps de concertation et de discussion était nécessaire pour permettre aux élèves et aux enseignants de se réapproprier les enseignements, mais également pour adapter les programmes et les examens. Malheureusement, les lycéens vont de nouveau subir une pression forte, et ceux de la génération du baccalauréat 2021 – qui ont tout vécu – seront de véritables héros. Durant cette période, la FCPE s'est voulue force de proposition, puisque des solutions étaient envisageables. Hélas, nous n'avons pas été suivis. Je pense notamment à l'ouverture des classes par petits groupes, pour ralentir la circulation du virus, et pour que les enseignants prennent le temps de reprendre contact avec les élèves et d'échanger sur leur vécu durant le confinement. Certains élèves ont en effet été confrontés au deuil ou aux violences familiales. Tout n'a donc pas été facile. Du point de vue de la FCPE, la continuité pédagogique n'a pas souvent existé. Nous ne blâmons nullement les enseignants ni les parents, puisque ce sont eux qui ont tenu l'édifice, dans une situation épuisante pour tout le monde, y compris pour nos enfants.