Intervention de Myriam Menez

Réunion du jeudi 15 octobre 2020 à 10h45
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Myriam Menez, présidente de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP) du département du Val-de-Marne :

Notre association est extrêmement favorable à la mise en place d'un temps de concertation. J'ai personnellement la chance d'être dans une académie où ce temps de concertation a été mis en place avec le recteur, avec qui nous nous réunissons presque toutes les semaines en audioconférence. Ce temps d'échange s'avère extrêmement important pour nous, puisque nous pouvons questionner le recteur et lui faire part des difficultés que nous rencontrons sur le terrain. Le besoin de concertation est donc indéniable, y compris au-delà du niveau départemental, qui gère d'autres éléments. Par exemple, le recteur peut difficilement réagir à nos questions traitant des écoles maternelles ou élémentaires, puisqu'il n'est pas nécessairement celui qui les gère – ce rôle est plutôt confié aux directeurs académiques des services de l'Éducation nationale (DASEN). Ce temps de concertation doit donc aussi s'organiser avec les DASEN, mais également au niveau des écoles, des collèges et des lycées, avec les équipes, ainsi qu'au niveau des mairies.

Nous avons été extrêmement surpris par notre exclusion totale de la mise en œuvre des protocoles sanitaires. Dans le département du Val-de-Marne, au mois de mai, le préfet recevait toutes les semaines les maires pour échanger sur la mise en place des protocoles et la réouverture des écoles. Les parents et leurs représentants n'ont jamais été associés à ces réflexions, et certains d'entre nous réagissaient vivement, à la lecture des comptes rendus, aux propos tenus par nos maires, qui racontaient parfois des choses totalement fausses et aberrantes sur les écoles de leur ville. Peut-être que la présence des représentants des parents aurait permis d'éviter que certains édiles ne se perdent dans ces conjectures. En tout cas, elle nous aurait peut-être permis d'apporter notre éclairage de parents sur les actions susceptibles d'être mises en place. Nous aurions pu faire avancer certains dossiers et éviter que certaines écoles, qui reçoivent normalement 400 ou 500 enfants, n'en reçoivent que 30 ou 40 à leur réouverture. Ces décisions étaient d'autant plus inadmissibles que les maires les justifiaient par l'impossibilité de recevoir plus de douze élèves par classe et d'ouvrir les classes autres que celles du rez-de-chaussée, pour éviter que les élèves ne se croisent dans les escaliers. Or jusqu'à nouvel ordre, les enfants montent en classe et descendent en récréation à la même heure, toujours dans le même sens, et ne sont donc pas censés se croiser dans les escaliers. C'est un exemple très parlant. Un temps de concertation est donc nécessaire, à différents niveaux, dans la mesure où les questions diffèrent d'un échelon à un autre et ne sont gérées qu'à un certain niveau. Il est donc essentiel d'organiser la concertation au niveau où la question doit être traitée.

Comment les parents ont-ils vécu le retour à l'école ? Certaines familles étaient extrêmement angoissées. Cela dit, la non-imposition du retour à l'école – dans un premier temps – a au moins eu la vertu d'instaurer de la confiance. En effet, imposer une décision de manière unilatérale et liminaire suscite parfois de la défiance et s'avère contreproductif. In fine, la difficulté fut d'entendre, d'une part, que les parents devaient ramener leurs enfants à l'école, en raison de son importance – nous l'avons toujours pensé à la PEEP ; d'autre part, que certains parents n'étaient pas sélectionnés parmi les heureux élus dont les enfants pouvaient être accueillis à l'école. Il était quelque peu compliqué d'expliquer aux parents que l'école leur était fermée après leur en avoir vanté les mérites et les vertus. À l'inverse, il était compliqué de voir certains parents – notamment des enseignants – refuser de mettre leurs enfants à l'école alors qu'ils étaient prioritaires. Plusieurs familles nous ont fait remarquer que certains enseignants n'étaient pas favorables au retour de leurs enfants à l'école. Nous pouvons le regretter, d'abord parce que cette attitude n'était pas très fairplay vis-à-vis de leurs collègues, mais également parce que les autres enfants n'avaient de facto pas cours. En d'autres termes, les familles ont apprécié de pouvoir redémarrer l'école de manière douce, tout en déplorant que celles qui le souhaitaient vraiment en soient réellement privées.

S'agissant enfin de la nécessité d'adapter les programmes, nous y sommes évidemment favorables. Tous les parents et tous les représentants de parents le souhaitent et le demandent. Dans certains établissements, « la course à l'échalote » a déjà débuté. Certains enfants décrochent non pas à cause de la Covid-19, mais tout simplement parce que la quantité de travail qui leur est demandée s'avère proprement insoutenable. Ce n'est clairement pas normal. Un temps de réadaptation était nécessaire, encore plus au niveau des lycées, puisqu'aucun lycéen – du moins en région parisienne – n'a pu retourner dans son lycée, soit pratiquement six mois sans cours. Pour des adolescents qui doivent réapprendre certains rythmes, comme se lever le matin, il n'est pas facile de reprendre avec des enseignants dispensant leurs enseignements à marche forcée. Avouons-le quand même : les dates du baccalauréat tombaient cette semaine, alors même que l'épreuve fait l'objet d'une nouvelle structuration et que de nombreuses inconnues subsistent.

Nous ne reprochons rien aux enseignants, puisque nous comprenons qu'ils sont confrontés à l'équivalent d'une « boîte noire » et que leur seul objectif est d'assurer la réussite de nos enfants. Cela dit, nous ne comprenons pas qu'il leur soit demandé de courir le marathon de New York à toute vitesse, alors que certains ne savent que marcher. Nous sommes en train de gérer un décrochage qui pourrait être évité, si nous acceptions de reconnaître qu'il est nécessaire, pour cette année et les années suivantes, de revoir la progression des programmes en fonction des niveaux afin de retrouver un fonctionnement beaucoup plus doux. Comme le soulignait précédemment Mme Dugault, la continuité pédagogique a davantage pris la forme d'une continuité de liens que d'une continuité dans le parcours des contenus. D'un certain point de vue, nous pouvons nous en réjouir, car dans le cas contraire, les enfants ne pouvant accéder à toutes les ressources ou ne pouvant être accompagnés s'en seraient trouvés fortement lésés. J'ai parfois été interpellée par des parents d'enfants inscrits en maternelle qui s'étonnaient de devoir imprimer chaque matin une dizaine de pages pour ensuite les scanner avec les dessins de leurs enfants en fin d'après-midi, afin de ne pas saturer le système. Si une telle attitude a pu être observée en maternelle, imaginez ce qu'il a pu en être au premier degré.

En parallèle, certaines familles se plaignaient que les enseignants n'avançaient pas dans les programmes, oubliant que la moitié des élèves n'avaient pas accès à la classe virtuelle ou à la continuité pédagogique. Il est donc impérativement nécessaire de revoir les programmes, mais peut-être aussi de revoir ce que nous attendons de nos enfants. Peut-être est-ce le moment de privilégier des compétences et des connaissances de base plutôt que des connaissances extrêmement pointues. Les fondamentaux sont le plus important. Comme dans n'importe quelle maison, les fondations doivent être solides. Aujourd'hui, nos enfants doivent surtout acquérir les fondamentaux qui leur permettront de construire leur parcours de vie et leur parcours intellectuel global.

Enfin, nous sommes très inquiets pour les élèves de la voie professionnelle. Certains n'ont pas pu apprendre durant le confinement, car l'on n'apprend pas les gestes professionnels à distance. Soyons honnêtes. Sur certains métiers, et notamment pour les métiers du service à la personne, nos enfants sont, à l'heure actuelle, totalement privés de stage. Nous pouvons le comprendre au titre de la sécurité sanitaire, mais qu'adviendra-t-il de nos enfants après deux années sans la moindre pratique professionnelle ?

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