Intervention de Carla Dugault

Réunion du jeudi 15 octobre 2020 à 10h45
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Carla Dugault, co-présidente de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE) :

Pour la FCPE, les vacances sont les vacances. Elles permettent de se reposer, de lâcher prise, d'apprendre différemment – l'on n'arrête jamais d'apprendre – et en s'amusant, sans aucune pression et avec beaucoup moins de contraintes. Aux vacances apprenantes proposées par M. Blanquer, la FCPE a répondu par des vacances reposantes. Nous avons donc emmené de nombreux enfants à la mer en juillet, avec un véritable succès, puisque vous n'êtes pas sans savoir que de nombreuses familles n'ont jamais l'occasion de se rendre en bord de mer. Généralement, nous considérons que c'est plutôt l'école qui s'éloigne de ces familles, et non l'inverse. Ces sorties sont une manière de les reconnecter à l'école et aux acteurs de l'école publique. Ces parents sont d'ailleurs très demandeurs, mais ils ont besoin d'accompagnement pour effectuer des sorties, y compris des sorties culturelles. Ces parents sont désireux de faire découvrir un musée de proximité à leurs enfants ou de les emmener à Paris, du moins pour les résidents franciliens. En revanche, ils nous sollicitent pour les accompagner, puisqu'il leur est difficile d'apporter des explications à leurs enfants. Ils nous ont même demandé de produire des guides. Nous avons donc pu échanger sur tous ces sujets au cours de ces journées à la mer organisées par la FCPE. Des vacances apprenantes ont été prônées par M. Blanquer, alors que nos enfants – comme les parents – ont déjà beaucoup souffert de pression et d'angoisse durant le confinement et avaient besoin de se reposer et de lâcher prise. Tout le monde attendait les vacances, et tout le monde les attend encore, sachant que nous sommes tous fatigués avec cette crise sanitaire.

Pour ce qui est de l'outre-mer, la FCPE pourra vous faire parvenir un certain nombre de données, puisque nous sommes très présents sur les territoires ultramarins, de même qu'à l'international, puisqu'il existe aussi des établissements français à l'étranger. Cette dimension ultramarine et internationale nous a particulièrement aidés à la FCPE nationale, puisque nos homologues basés outre-mer ou à l'étranger, qui n'avaient pas le même calendrier, ont parfois expérimenté des dispositifs en amont de leur expérimentation en France, ce qui leur permettait de nous transmettre des informations très intéressantes pour anticiper les besoins des parents. Je pense notamment au cas de Mayotte, où la situation demeure très compliquée, puisque la crise sanitaire s'est accompagnée de violences. Je pense également à la Martinique, où la continuité pédagogique n'a pas été assurée, puisque rien ne fonctionnait, et où les élèves sont demeurés très longtemps sans apprentissage. Nous pourrons donc vous transmettre de nombreuses données relatives à l'outre-mer, sachant que l'un de nos administrateurs nationaux s'occupe spécifiquement de ces territoires.

S'agissant des jeunes invisibles, nous relevons que les médias ont souvent parlé des élèves décrocheurs. À la FCPE, nous avons considéré que ce traitement était parfois très stigmatisant, dans la mesure où les élèves qui n'ont pas pu suivre – nous préférons éviter le terme « décrocheurs » – ne sont pas seulement ceux des quartiers relevant de la politique de la ville. De nombreuses raisons expliquent ces difficultés de suivi, à commencer par le manque de motivation. Malheureusement, nous ne parlons jamais de l'épanouissement de l'élève ou de l'enfant. Nous avons pourtant la responsabilité de transformer l'école publique, étant entendu que nos jeunes sont les premiers demandeurs, dans la mesure où cette école ne correspond plus à leurs attentes et au monde qui est le leur. Nous devons donc transformer cette école. La période de confinement fut indéniablement propice aux actes de solidarité, ce qui a tendance à nous rassurer, puisque cela prouve que la solidarité existe. Tout le monde a contribué à cet effort, nous avons tous multiplié les appels, et chacun s'est efforcé d'agir à son niveau. Des élans de solidarité ont été observés, notamment au niveau des jeunes effectuant leurs études supérieures, sachant par exemple que les étudiants étrangers en France étaient en incapacité de recevoir l'argent envoyé par leurs parents, à cause des difficultés rencontrées par les services postaux. La solidarité s'est organisée à ce niveau, ne serait-ce que par rapport aux impératifs alimentaires. En d'autres termes, chacun s'est débrouillé au mieux. La débrouille n'est pas une politique d'État, mais rien d'autre ne nous a été proposé. Nous nous sommes donc débrouillés, avec plus ou moins de réussite et plus ou moins d'échecs. Nous n'avons malheureusement pas été en mesure de répondre à tout le monde, et tout le monde ne sait pas nécessairement comment appeler les associations de parents, sans compter que notre existence n'est pas connue de tous.

Forts de ces constats établis au regard du confinement, que nous avons tous vécu, nous considérons nécessaire de décharger les professeurs principaux pour leur permettre de contacter régulièrement les familles des élèves. Le professeur principal, ou un autre professionnel, devrait pouvoir échanger quotidiennement, du moins régulièrement, avec la famille de chaque élève. Peut-être que certains élèves auront davantage besoin de contacts téléphoniques ou par mail, voire de rencontres, puisqu'il est également important de se rencontrer et d'échanger en présentiel. Aujourd'hui, le système éducatif ne le propose pas, alors que nous avons compris, durant le confinement, que cette prise de contact régulière était indispensable. La cohésion sociale passe aussi par là. Nous pouvons avoir l'impression que ces petits gestes ne peuvent modifier la donne, mais nous constatons que nous en avons cruellement besoin pour que la société française fonctionne mieux et soit plus bienveillante à l'égard de tous.

Nous avons aussi pour habitude, à la FCPE, de considérer que la transformation et la reconstruction de l'école de la République doivent s'opérer à partir des plus fragiles, sachant que cette école ainsi rénovée serait également adaptée aux enfants mieux lotis, qui pourraient alors jouer un autre rôle. Nous insistons fortement sur cet aspect, dans la mesure où l'école publique d'aujourd'hui ne correspond à aucun élève, ce qui est fort dommage. La FCPE croit fermement en l'école de la République, et c'est pour cette raison que nous sommes engagés depuis presque soixante-quatorze ans. Or cette école souffre, de même que nos enfants. Ce n'est pas normal, et nous ne pouvons évidemment pas laisser faire.

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