J'aborderai tout d'abord la rentrée et les sept semaines qui se sont écoulées depuis le mois de septembre.
À la fin du mois d'août, il nous était dit que nous n'arriverions pas à organiser la rentrée des élèves et que de toute façon, les classes devraient être refermées très vite. Mon immense satisfaction est que tous les métiers de l'Éducation nationale aient rendu cette rentrée possible. J'ai calculé que depuis le début de la rentrée scolaire, nos enseignants ont assuré environ sept millions d'heures de cours au profit des élèves de l'académie de Créteil. C'est assez considérable.
Je suis d'accord avec vous sur le fait que cette crise a révélé les métiers invisibles de l'Éducation nationale, qui ne sont jamais évoqués. Si les personnels des collectivités territoriales ne sont pas présents pour le ménage ou la cantine, tout le fonctionnement d'un établissement est obéré. Par ailleurs, la crise nous a révélé l'importance des métiers du secrétariat. Pendant le confinement, il a fallu faire tourner des applications qui ne pouvaient être utilisées que dans les établissements scolaires. Beaucoup de nos personnels ont continué à se rendre dans les établissements pour que les phases d'orientation et d'affectation puissent se dérouler et que les fonds sociaux soient abondés. Toutes ces personnes qui ne sont jamais évoquées ont eu un rôle considérable.
Je tire quelques leçons de la période de confinement. Le 13 mars, dernier jour de classe, a été un moment de sidération. Cependant, les établissements ont très spontanément devancé les consignes que j'ai données durant la journée. Ainsi, les chefs d'établissement et les enseignants ont cherché à récupérer les adresses et les numéros de téléphone des élèves et se sont efforcés d'identifier ceux qui n'avaient pas accès à une solution numérique.
S'il y a eu une sorte de moment d'enthousiasme à partir du lundi 16 mars, il a été douché par un dimensionnement des serveurs et des réseaux des collectivités territoriales qui ne permettait naturellement pas la connexion de milliers d'enseignants souhaitant organiser des visioconférences avec leurs élèves. En conséquence, dans les trois départements de l'académie de Créteil et sur l'ensemble de la région Ile-de-France, les espaces numériques de travail (ENT) ont complètement explosé et ont été mis en croix.
Les collectivités ont réagi extrêmement rapidement mais des enseignants se sont tournés de manière dispersée vers de nombreuses solutions différentes, parfois peu compatibles avec le RGPD (Règlement n°2016/679 dit règlement général de protection des données).
Il y a eu par ailleurs à cette époque, beaucoup de solidarité envers les élèves qui ne disposaient pas de solution numérique. Des cours ont ainsi été photocopiés et distribués. Je me souviens notamment de cette école de La Courneuve où le directeur m'a annoncé avoir passé un accord avec le supermarché d'à côté pour que les parents des élèves puissent y récupérer les cours et que les élèves ne prennent pas de retard.
Je voudrais aussi signaler une érosion de l'enthousiasme au fur et à mesure du confinement. Tout s'est très bien passé pendant les trois premières semaines, jusqu'aux vacances de Pâques.
À la rentrée des vacances, les enseignants m'ont signalé qu'ils avaient eu plus de difficultés à motiver les élèves. Un pourcentage d'élèves non négligeable, que je ne parviens néanmoins pas à quantifier, en particulier au collège et au lycée, sont redevenus des adolescents. Ils avaient du mal à se lever tôt et à avoir envie de se connecter.
La reprise a donc été bienvenue. Cependant, comme nous étions en zone rouge, les lycéens n'ont pas repris. De plus en Ile-de-France, la grève des transports avait empêché des élèves de lycée professionnel de se rendre sur leur lieu d'enseignement à partir du 5 décembre. Des élèves n'ont donc pas eu classe du 5 décembre au 27 janvier, sont retournés à l'école pendant deux semaines avant les vacances de février puis deux semaines après, et ont été confinés. Ce sont des élèves de première et de terminale que nous essayons d'accompagner le mieux possible.
J'ai par ailleurs été grandement surpris de constater à la sortie du confinement que tout le monde ne revenait pas de la même façon. Une corrélation forte apparaissait entre les catégories socioprofessionnelles aisées et le retour à l'école. Dans l'académie de Créteil, à Saint-Maur, à Nogent ou à Vincennes, je n'arrivais pas à accueillir tous ceux qui souhaitaient retourner à l'école en raison du protocole sanitaire. J'avais même des protestations des parents parce que tous les élèves ne pouvaient pas revenir, même en mettant en place les accompagnements sous forme du dispositif Sport-Santé-Culture-Civisme (2S2C).
Parallèlement, dans les villes les plus populaires de l'académie de Créteil, le retour des élèves était très faible. Ainsi, le maire de La Courneuve a rouvert toutes ses écoles le 11 mai et la fréquentation s'est révélée extrêmement faible.
C'est une leçon sur laquelle il convient de s'attarder. L'école n'étant pas obligatoire, des familles qui avaient peur – notamment des familles de Seine-Saint-Denis, département où la crise sanitaire a durement frappé – n'ont pas renvoyé leurs enfants à l'école. À mon avis, il y a eu une accentuation de la fracture entre les populations au moment du déconfinement.
L'école a heureusement été rendue obligatoire en septembre, et pratiquement tous les élèves sont revenus.
Je voudrais par ailleurs revenir sur un chiffre qui avait été donné. En Seine-Saint-Denis, une erreur de décompte nous avait fait craindre l'absence de 4 000 élèves. Il se trouve qu'après correction de cette erreur, très peu d'élèves ne sont pas revenus.
Je m'arrête là pour laisser s'exprimer mes deux collègues. Je vous parlerai ensuite des mesures que nous avons prises pour empêcher le décrochage des élèves dans l'académie de Créteil.