Intervention de Mostafa Fourar

Réunion du jeudi 15 octobre 2020 à 14h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Mostafa Fourar, recteur de l'académie de Toulouse :

Comme vous l'avez rappelé, je suis arrivé dans l'académie de Toulouse depuis maintenant deux mois, en provenance de la Guadeloupe. Mon témoignage portera donc sur les deux académies.

Je ne reprendrai pas les éléments évoqués par mon collègue. Je souscris à beaucoup de ses propos, et notamment à cet enthousiasme qui a caractérisé la reprise. Il y avait de l'appréhension de la part des parents, des élèves et des professeurs et finalement, cette rentrée a été très positive pour beaucoup. L'appréhension a été rapidement surmontée et a fait place à de l'enthousiasme.

Au début du confinement, nous avons pu constater de la créativité chez nos enseignants ainsi qu'une très forte mobilisation de tout le corps de l'Éducation nationale. Le « mammouth » a su faire preuve d'agilité en très peu de temps. Malgré quelques insatisfactions, la machine a bien fonctionné. Alors que la continuité pédagogique reposait essentiellement sur le numérique, nous avons vu des professeurs et des équipes de direction se dévouer pour acheminer les cours aux élèves.

Bien évidemment, cette crise a également révélé des lacunes sur le plan matériel et sur celui de la formation de certains de nos enseignants. Nous avons donc travaillé sur la continuité pédagogique mais aussi sur la formation de nos enseignants pendant le confinement. Nous avons organisé des formations sur le numérique et nous nous sommes aperçus de l'existence d'une fracture générationnelle. Des professeurs étaient rompus au numérique et n'ont pas eu de difficultés tandis que d'autres, qui pouvaient avoir des positions de principe face au numérique, ont réalisé qu'ils ne pouvaient pas se passer du numérique comme outil. Ils ont donc souhaité suivre des formations, que nous avons mises en place pendant le confinement et qui se sont poursuivies à la rentrée.

Les réussites sont nombreuses. Cette crise a révélé que des élèves ont réussi à développer leur autonomie à travailler et à bénéficier plus que d'autres de ce mode d'enseignement. À l'inverse, des élèves ont décroché. Ce n'étaient pas forcément ceux qui étaient habituellement « décrocheurs ». Ainsi à la Guadeloupe, l'absence de matériel et de couverture numérique expliquent ce décrochage. Nous avons recensé les familles qui n'avaient pas d'outil informatique, il est apparu que la précarité numérique était impressionnante. Dans un élan de solidarité, les collectivités ont heureusement accepté de prêter du matériel informatique à ces familles. Orange Guadeloupe a également accepté d'offrir des clés 4G à des familles isolées numériquement.

Cela a incontestablement amélioré la situation mais au fil du temps, un décrochage est apparu. À la Guadeloupe, nous avons perdu pratiquement 18 % des élèves. C'est énorme. Pour Toulouse, c'est un peu moins de 5 %.

Après la période du confinement, nous avons rencontré une autre difficulté, à savoir une position politique quasiment unanime des élus et des syndicats de Guadeloupe qui s'opposaient au retour des élèves à l'école. J'en ai été peiné car je pensais que nous avions une fenêtre de tir pour permettre le retour des élèves à l'école. Malheureusement, la rentrée a ensuite été très difficile en Guadeloupe.

Cette fenêtre de tir aurait permis aux élèves de rattraper le retard accumulé à cause du confinement mais aussi des mouvements sociaux qu'avait connus la Guadeloupe. Elle aurait aussi permis de préparer la rentrée. Si la rentrée a été réussie dans la plupart des académies de France, c'est parce que les élèves sont retournés à l'école en juin. C'était la meilleure manière de préparer la rentrée et je regrette beaucoup ce positionnement qui nous a handicapés et dont nous voyons aujourd'hui les conséquences.

Sur le plan du numérique, je pense que nous avons des enseignements à tirer en termes d'équipement, d'où le sens des états généraux du numérique lancés par le ministre de l'Éducation nationale et que nous avons déclinés au niveau des académies. Les états généraux au niveau national se tiendront les 4 et 5 novembre et le ministre en tirera les conclusions qui s'imposent. En ce qui nous concerne, nous avons déjà de nombreuses informations qui remontent du terrain.

Je souhaiterais par ailleurs préciser que pour cette rentrée, qui s'est très bien passée malgré le contexte, deux phénomènes doivent attirer notre attention dans l'académie de Toulouse.

Le premier phénomène correspond à l'absentéisme des gens du voyage. Nous l'avons relevé dans tous les départements. J'ai d'ailleurs lancé un appel auprès des maires et des associations qui travaillent auprès des gens du voyage pour assurer la scolarisation de ces enfants. Nous sommes inquiets car comme vous le savez, cette population a connu un drame lié au covid du côté de Perpignan, qui a pu traumatiser cette communauté au niveau national. C'est une préoccupation très importante pour nous. Nous avons par ailleurs constaté une augmentation des demandes d'instruction dans la famille. Le covid a pu y contribuer, mais ce n'est pas la seule explication.

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