Les médecins de l'Éducation nationale ont des missions particulièrement attractives. Des jeunes nous rejoignent donc pour s'investir mais ce qui fait fuir, c'est l'organisation du travail. Ce n'est pas forcément le salaire, même si certains ont besoin d'un salaire décent au regard de leurs douze années d'études et de leur expertise, et vont trouver ailleurs des postes bien mieux rémunérés.
Tous ceux qui découvrent ce métier en sont néanmoins passionnés. Les missions sont riches et aux confins de l'éducatif, du sociétal, du sanitaire.
Nous avons des missions collectives et des missions individuelles et elles sont toutes deux très importantes. Il me semble qu'il faut cependant regarder celles pour lesquelles nous paraissons indispensables. Ainsi, par exemple, nos collègues infirmières sont spécialistes de l'éducation à la santé.
Ce qui importerait pour nous serait de faire un diagnostic de besoins sur un territoire étendu. Lors de nos douze années d'études, nous avons appris à faire la synthèse des données sociales, culturelles, organiques, psychiques, d'environnement, qui sont à notre disposition. Nous pouvons ainsi faire des hypothèses, poser des diagnostics et proposer des solutions. C'est la démarche médicale.
Concernant les missions collectives, nous travaillerions donc plutôt sur des bassins d'éducation. J'y suis favorable car l'enfant n'est pas prisonnier d'un établissement. Il a une trajectoire et une vie en dehors de l'école. Il est donc extrêmement important que l'école s'ouvre et que le médecin de l'Éducation nationale puisse formuler des propositions suivant les besoins qui ont été diagnostiqués à l'intérieur et à l'extérieur de l'école. Il est aussi important qu'il puisse proposer des actions de santé coordonnées, aussi bien à l'intérieur de l'école qu'à l'extérieur.
L'enfant n'est pas prisonnier de l'école. Il faut prendre en compte tous les besoins, avec la trajectoire entière d'un enfant. Il faut donc se concerter avec l'ensemble des acteurs. Le médecin de l'Éducation nationale pourrait très bien, en travaillant avec les collègues infirmiers, psychologues, assistants sociaux, et les acteurs en dehors de l'école, pouvoir faire partie de tout un maillage territorial sanitaire qui s'inscrirait dans une dynamique de bassin de vie. Il s'agirait de participer à l'éducation de l'enfant avant celle de l'élève. L'école n'est qu'une partie des actions que nous devons mener.
Concernant maintenant les missions individuelles, les médecins de l'Éducation nationale sont responsables des bilans de santé de 6 ans. Il serait d'ailleurs envisagé qu'ils s'occupent également des bilans de 3-4 ans en l'absence de médecins de PMI. Or, l'action des médecins de l'Éducation nationale ne saurait être réduite à ces seuls bilans de santé.
Ces bilans sont certes essentiels mais chacun pourrait apporter l'expertise qui lui est propre pour constituer la partie de cet examen qui lui revient. Ainsi, les médecins de l'Éducation nationale pourraient se concentrer sur la partie d'expertise.
Il est indispensable que les enfants bénéficient bien de ces bilans de santé obligatoire et pour tous, aux différents âges prévus (3-4 ans, 6 ans, 12 ans, etc.). Tous ces bilans sont importants, et aucun ne doit être négligé. Les fonctions cognitives d'un enfant évoluent de sa naissance jusqu'à 25 ans et il faut vérifier qu'elles sont en place à chaque moment.
Si tous ces bilans sont indispensables pour tous, il convient donc de s'organiser en conséquence. Une concertation pluridisciplinaire est donc nécessaire.
Il est regrettable que les médecins de l'Éducation nationale soient attendus sur cette seule mission du bilan à 6 ans. Il ne leur est pas demandé de suivre les enfants à l'issue de ce bilan et rien n'est réalisé, sauf parfois une concertation avec les collègues infirmiers qui prennent le relais et alertent.
Ces bilans de santé rentrent dans le champ de compétence des médecins de l'Éducation nationale, qui sont formés aux troubles des apprentissages. Ils permettent de repérer, de poser des diagnostics, d'adresser et de suivre ces adressages. C'est une priorité de santé publique car la réussite scolaire impacte la santé du futur adulte. Il faut assurer la réussite scolaire pour chaque enfant, du mieux possible.
Outre ce bilan de 6 ans qui constitue le passeport de l'entrée dans la scolarité, les médecins de l'Éducation nationale sont chargés d'examens à la demande et de l'adaptation de la scolarisation des enfants à besoins éducatifs particuliers en raison de troubles de la santé, de handicap ou de troubles de l'apprentissage.
Il est à ce titre regrettable que les médecins aient été écartés du champ du handicap, au motif qu'être handicapé ne signifie pas être malade. Pourtant, les handicaps psychiques sont évolutifs et il est nécessaire de réévaluer médicalement et régulièrement les besoins d'adaptation et de prise en charge.
L'adaptation de la scolarisation chez ces enfants qui ont des besoins éducatifs particuliers nous apparaît indispensable. Or, même si nous ne disposons pas des chiffres précis, nous ne devons être que 600 ou 700 médecins titulaires à avoir une formation statutaire en tant que médecin de l'Éducation nationale. Les médecins des collectivités et les médecins contractuels ne bénéficient pas de la formation statutaire. C'est pourtant une vraie spécialité, même si elle n'est pas reconnue à ce titre.
Depuis la disparition des médecins scolaires, nous avons remarqué une grande médicalisation des difficultés scolaires. Nous étions là pour démédicaliser la difficulté scolaire et apporter un regard médical sur des difficultés qui étaient liées à des troubles des apprentissages, des troubles cognitifs, des troubles neuro-développementaux, et il nous appartenait d'alerter. Depuis que nous ne sommes plus là, tout se médicalise. Bien trop.
Nous sommes là aussi en tant que garants des adaptations des exigences des familles ou des médecins spécialistes à l'extérieur, qui voudraient apporter des organisations en dehors de toute équité et de toute prise en compte de l'enfant dans la collectivité. Nous sommes aussi protecteurs entre l'enfant et la collectivité et dans le cadre du handicap, nous protégeons quelquefois la collectivité de scolarisations qui ne sont pas toujours bien-traitantes pour les enfants qui sont reçus. Nous avons un rôle dans ce cadre.
Nous nous sommes vraiment posé la question de rester au sein de l'Éducation nationale, tellement nous étions déconsidérés, tellement notre rôle était marginalisé. Il y a un véritable problème.
Nous voulons travailler avec les élèves et pour leur réussite, avec les équipes. Nous ne pouvons pas travailler seuls. Notre spécificité par rapport à un médecin hospitalier ou un médecin libéral, c'est de travailler vraiment en équipe.