Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Réunion du jeudi 15 octobre 2020 à 15h30

Résumé de la réunion

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  • confinement
  • expertise
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Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Jeudi 15 octobre 2020

La séance est ouverte à quinze heures quarante.

Présidence de Mme Christine Cloarec, présidente

La Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse procède à l'audition de Mme Patricia Colson, secrétaire générale du SNAMSPEN/Sgen-CFDT, Mme Saphia Guereschi, secrétaire générale du Syndicat national des infirmier.ères conseiller.ères de santé (SNICS-FSU), Mme Gwenaëlle Durand et M. François Simon, membres du Syndicat national des infirmiers.ères éducateurs.trices de santé (SNIES-UNSA-Éducation), et M. Laurent Chazelas, président de l'Association française des psychologues de l'éducation nationale (AFPEN).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous achevons cette journée d'auditions sur les effets de la crise du covid-19 sur la jeunesse en recevant les organisations représentatives des médecins, infirmiers, et psychologues scolaires. Nous entendrons M. Laurent Chazelas, président de l'Association française des psychologues de l'éducation nationale (AFPEN) ; Mme Patricia Colson, secrétaire générale du Syndicat national des médecins de santé publique de l'éducation nationale (SNAMSPEN/Sgen-CFDT) ; Mme Gwenaëlle Durand et M. François Simon, du Syndicat national des infirmiers.ères éducateurs.trices de santé (SNIES-UNSA-Éducation), et Mme Saphia Guereschi, secrétaire générale du Syndicat national des infirmier.ères conseiller.ères de santé (SNICS-FSU).

Nous sommes très heureux de vous entendre sur l'impact de la crise sanitaire sur la scolarité des enfants, que ce soit pendant le confinement puis lors de la reprise progressive au printemps et générale en septembre.

Nous souhaiterions tout d'abord avoir votre éclairage sur l'incidence du confinement sur la santé physique et psychique des enfants, à partir des éléments que vous avez pu recueillir depuis la réouverture des écoles en mai.

L'interruption de la scolarité pendant au moins huit semaines, et entre mars et septembre pour un certain nombre d'enfants, n'est pas sans incidence sur la santé des jeunes. Des conséquences sur le sommeil, l'anxiété, la sédentarité, la nutrition, la dépendance aux écrans, la hausse des cyber-harcèlements et les difficultés d'apprentissage ont été évoquées lors de précédentes auditions. Votre regard serait très utile sur ces points.

Nous voudrions également savoir dans quelle mesure vous avez été associés en tant qu'acteurs de la santé scolaire à la préparation de la réouverture des établissements en mai dernier, à l'élaboration des protocoles sanitaires et à leur mise en œuvre. Nous voudrions aussi avoir votre opinion sur l'incidence de ces mesures sanitaires, le port du masque et la distanciation physique notamment, sur les apprentissages et la socialisation des enfants.

Enfin, plus largement, nous serions désireux de vous entendre sur les moyens et les réformes nécessaires selon vous pour améliorer la situation de la santé scolaire, en très grande difficulté depuis des années, notamment à la lumière du récent rapport de la Cour des comptes sur les médecins et les personnels de santé scolaire.

Je vous rappelle que nous avons décidé de rendre publiques nos auditions ; par conséquent, celles-ci sont ouvertes à la presse et rediffusées en direct et en différé sur le site internet de l'Assemblée nationale.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Laurent Chazelas, Mme Patricia Colson, Mme Gwenaëlle Durand, M. François Simon et Mme Saphia Guereschi, prêtent serment.)

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Patricia Colson, secrétaire générale du Syndicat national des médecins de santé publique de l'éducation nationale (SNAMSPEN/Sgen-CFDT)

Je suis un peu gênée de devoir répondre à l'ensemble de ces questions. Vous savez en effet que la crise de la médecine scolaire est telle que les pratiques des médecins de l'Éducation nationale sont extrêmement diverses et variées selon les départements.

Les propos qui seront tenus le seront en tant que médecin de l'éducation nationale exerçant depuis 20 ans en médecine scolaire, et en tant que secrétaire générale du deuxième syndicat représentatif des médecins de l'Éducation nationale.

Les pratiques sont très hétérogènes dans chaque département en matière de santé scolaire et le nombre de médecins scolaires est très variable, avec des secteurs qui comptent encore 8 000 élèves par médecin et d'autres plus de 20 000, voire plus. En conséquence, mes propos ne seront que cas particuliers ou grandes généralités.

En l'absence de vrai service de santé scolaire, il nous semble impossible de fournir des données concertées entre médecins, infirmiers, assistants sociaux et psychologues. Chacun ignore ce que les uns et les autres ont fait et ce, d'un département à l'autre. En conséquence et j'en suis gênée, mes propos se limiteront à des généralités et à des retours très partiels de mes collègues. Il est difficile d'évoquer de façon vraiment rigoureuse les conséquences de la crise covid sur nos élèves dans ces conditions.

En ce qui concerne la crise sanitaire du covid, la période de confinement a été marquée par un sentiment d'abandon et d'inutilité pour les médecins de l'Éducation nationale. Rien n'était prévu, nous n'avions pas de place visible dans les dispositifs de continuité de la santé des élèves. Chacun a agi en son âme et conscience et suivant les cas préoccupants qu'il avait à sa charge. Chacun à sa manière a cherché à se rendre utile.

Dans le paysage sanitaire, notre expertise est illisible alors que nous sommes les seuls médecins formés en même temps à la prévention individuelle et collective grâce à notre formation statutaire de l'École des hautes études en santé publique (EHESP). Ainsi, les médecins de l'Éducation nationale qui ont pu être employés sur des plateformes de coordination ou dans le suivi de patients covid ont vu leur expertise reconnue et appréciée.

Il faut également prendre conscience que les médecins de l'Éducation nationale peuvent exercer deux métiers, ce qui conduit à des regards complètement différents.

Il y a tout d'abord les médecins conseillers techniques dans les administrations, des médecins relevant de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), des médecins rectoraux dans les académies, des médecins départementaux dans les inspections départementales. Ils sont une centaine.

Ces médecins ont été et sont toujours très sollicités voire débordés par la crise du covid. Ils sont seuls aux côtés de l'administration, avec un conseiller adjoint, et font face aux inquiétudes et aux questionnements de l'administration, des chefs d'établissement, des inspecteurs et des recteurs. À ce jour, ils ont pu voir leur expertise accompagnée dans les inspections de quelques médecins, soit volontaires, soit désignés d'office, et être associés à la gestion de cette crise sanitaire.

Il y a ensuite les médecins de secteur, en face des élèves, des familles et des établissements scolaires. L'expertise est parfois remise en question – nous ne sommes que des conseillers – et parfois absolument pas utilisée. Nous n'avons pas été associés systématiquement au plan sanitaire et aux mesures sanitaires, et les collègues infirmières sont nombreuses à ne pas l'avoir été non plus.

Les personnels ont demandé conseil (ou non) quant au plan et aux mesures sanitaires à mettre en place. Les pratiques sont donc extrêmement hétérogènes d'un département à un autre. Elles dépendent finalement de la reconnaissance de chaque professionnel au sein de son bassin d'exercice.

Aucune coordination n'existe au niveau local entre médecins, infirmières, assistantes sociales et psychologues. L'activité des uns par rapport aux autres dépend du bon vouloir de chacun. Lors du retour du confinement, les directeurs d'école ont pu recevoir trois e-mails différents : un e-mail du médecin, un e-mail de l'infirmière, un e-mail de la psychologue scolaire. Chacun dans son couloir, avec sa responsabilité propre, s'inquiétait de ce qui se passait à l'école.

Parmi les éléments consensuels au niveau des apprentissages, nous avons remarqué l'augmentation des écarts. L'absence de continuité pédagogique exacerbe les fragilités sociales. Or, comment assurer cette continuité dans des familles qui ne parlent pas français et où la priorité est plutôt de se nourrir et de travailler ?

Nous avons également constaté des difficultés à se remettre dans le statut d'élève, et notamment des difficultés d'attention et des prises de parole intempestives. Nous avons aussi remarqué des retards qui se sont creusés du point de vue des apprentissages. Des dossiers relevant des MDPH (maisons départementales des personnes handicapées) n'ont pas pu être finalisés, malgré les efforts des médecins de l'Éducation nationale.

Il faut dire que selon les secteurs, ces médecins de l'Éducation nationale sont complètement mobilisés par la crise sanitaire. Ils sont amenés à remplacer les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) et les agences régionales de santé (ARS), et au titre de ces missions, ils font part des dossiers et remplissent les formulaires. En conséquence, dans beaucoup de départements, ces médecins ne remplissent plus leurs missions relatives à l'école inclusive et pour les enfants les plus fragiles. Ils ont abandonné ces missions.

D'un point de vue purement sanitaire, nous avons pu remarquer un rebond du surpoids. La situation est néanmoins complètement différente entre zones urbaines et zones rurales, et selon que l'activité physique ait été permise ou non.

Les troubles anxieux par rapport à l'épidémie sont par ailleurs majorés par le ressenti des familles. Il semblerait que les filles soient plus inquiètes et qu'elles aient peur de transmettre la maladie. Ce sont néanmoins des éléments livrés par une collègue, qui ne peuvent être généralisés.

Le rythme de vie compatible avec l'école est difficile à retrouver pour certains. Pendant le confinement, les jeunes ont changé de rythme scolaire.

L'utilisation des écrans s'est accrue. Une collègue qui a interrogé une cinquantaine de jeunes lors de visites médicales d'aptitude aux travaux réglementés a relevé une majoration moyenne de 45 minutes par jour. N'oublions pas qu'en général, les jeunes ont tendance à minimiser l'utilisation des écrans dans leurs déclarations.

Il y a aussi une difficulté de mise en place ou de remise en place des soins (orthophonie, consultation médico-psychologique, etc.) lorsque des consultations en présentiel sont nécessaires.

Nous avons par ailleurs constaté l'aggravation des délais d'attente. À Aix-Marseille, il est de deux ans pour une consultation en centre médico-psychologique (CMP). Les difficultés que connaissait déjà le soin psychique se sont aggravées. Cela s'explique notamment par l'apparition de troubles anxieux. Ainsi, des élèves ne sont pas revenus en cours. La période de confinement a d'ailleurs apaisé tous ceux qui étaient en difficulté avec l'école.

Nous avons aussi pu observer que pendant le confinement, des enfants en adéquation avec l'école ont pu approfondir les programmes. En revanche, les élèves en difficulté se sont retranchés et ont mis de la distance avec les apprentissages, malgré le suivi pédagogique des professeurs. Nous avons perdu des enfants qui ne reviennent pas à l'école. Il faut aller les chercher.

Malgré tout, les enfants sont majoritairement très heureux de retourner à l'école.

Concernant les gestes barrières, ils sont à peu près bien respectés dans les collèges. Le port du masque est plutôt bien accepté. Je rappelle que les médecins ne se rendent pratiquement plus dans les lycées et se concentrent sur les écoles maternelles, primaires et les collèges.

La situation se complique à la porte des lycées où les élèves semblent ne pas avoir compris qu'il fallait également respecter les gestes barrières.

Il convient par ailleurs d'insister sur la situation des familles fragilisées, pour lesquelles les enfants ont eu à faire appel à de nombreuses reprises au 119. Des familles d'accueil n'ont pas pu garder les enfants et des enfants ont été remis à leur famille. Certaines ont craqué pendant le confinement.

Actuellement, les médecins de l'Éducation nationale qui sont sur le terrain connaissent des situations très diverses selon les territoires. Des médecins parviennent encore à remplir leurs missions tandis que d'autres n'y arrivent plus du tout.

Des collègues dans les Vosges ne sont plus que trois médecins pour plus de 20 000 élèves. Elles sont obligées de faire les travaux réglementés, elles gèrent la situation de l'épidémie de covid, elles remplissent les dossiers des cas contacts, elles doivent en plus assurer des permanences sept jours sur sept, on leur a refusé un téléphone professionnel. C'est très difficile.

La parole du médecin est plus ou moins entendue. Ainsi sur certains secteurs, l'inspecteur a décidé de les faire remonter à l'inspection plutôt que de les laisser sur les secteurs car seule la parole de l'inspection est retenue et fait foi.

Les médecins conseillers techniques et les médecins de secteur exercent deux métiers différents. La parole du médecin de secteur n'est pas toujours prise en compte. Les médecins de secteur ne sont pas systématiquement invités à faire part de leurs réflexions sur le plan sanitaire ou sur les mesures à tenir dans un établissement scolaire. C'est aléatoire, nous sommes de simples conseillers. Nous n'avons pas de véritable place.

Enfin, la santé scolaire pourra être améliorée lorsque des liens fonctionnels existeront avec nos collègues et que la coordination s'effectuera au plus près de secteurs de vie, et non pas dans les inspections et les rectorats. Nous avons besoin d'une concertation locale.

Il n'y a pas de hiérarchie avec un pôle médical et le reste du monde. Il y a des professionnels qui doivent travailler ensemble pour être efficaces. Les expertises des uns et des autres sont complémentaires et il n'est pas possible de travailler seul.

Bien évidemment, une revalorisation de tous les professionnels de la santé scolaire est nécessaire. Les médecins internes ont été revalorisés dans le cadre du Ségur de la santé, et en conséquence, les médecins de l'Éducation nationale affichent à nouveau des rémunérations inférieures à ces derniers. Même si le directeur de la DGESCO considère qu'une telle comparaison n'est pas pertinente puisque les médecins de l'Éducation nationale n'appartiennent pas au ministère de la santé, c'est intolérable. Il est regrettable que rien n'oblige l'Éducation nationale à valoriser ses professionnels de santé. Nous ne sommes pas un sous-service. Nous avons pourtant une expertise propre qu'il faut savoir reconnaître.

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Saphia Guereschi, secrétaire générale du Syndicat national des infirmier

Je partage certains constats avec ma collègue sur les conséquences du confinement sur la santé des élèves (lien avec les écrans, troubles alimentaires, etc.).

Vous avez auditionné ce matin les personnels de l'Éducation nationale et vous avez dû prendre connaissance des chiffres du décrochage scolaire, que nous avons des difficultés à obtenir. Ce n'est pas lié au fait que nous soyons ou non un service, mais le ministère a été débordé par cette crise et nous ne parvenons à récupérer des chiffres clairs. Même les chiffres de remontées de covid sont parfois partiels.

Nous pouvons effectivement constater que le covid a creusé les inégalités par rapport à la réussite scolaire. Il a creusé des inégalités de santé et sociales.

Le huis clos du confinement et le confinement en lui-même ont aggravé les phénomènes de violence dans les familles et l'anxiété des jeunes. Des jeunes ont été victimes de violences intrafamiliales, comme en témoignent les appels au 119 mais aussi au 3919 pour les violences faites aux femmes.

Nous avons été très interpellés dès le mois de février et très sollicités dans les établissements. Au fur et à mesure de la prise de conscience par la population d'un événement grave – l'OMS avait tiré la sonnette d'alarme dès fin janvier – les élèves affluaient dans les infirmeries au moindre symptôme ou au moindre doute pour savoir s'ils étaient porteurs du virus et quelles en seraient les conséquences sur leurs proches.

Pour recadrer et repréciser notre rôle, je rappellerai que nous réalisons chaque année 18 millions de consultations infirmières à la demande des élèves. Nous sommes des personnels de santé de premier recours en poste dans les établissements scolaires. Nous appartenons à l'équipe pédagogique et éducative, et notre rôle est de lutter contre les inégalités sociales et de santé au service la réussite scolaire. Cela nous apparaît primordial.

Ce qui me semble primordial aujourd'hui également, c'est l'impossibilité dans laquelle nous sommes mises d'effectuer notre mission principale, qui est l'accueil et l'écoute des élèves.

En tant que professionnels de santé, nous avons bien évidemment œuvré dès le confinement à l'accueil des élèves et à la mise en place des mesures sanitaires. Ainsi, la communauté éducative dans son ensemble a pu être accueillie en sécurité.

Au départ, nous avons œuvré pour les enfants de soignants mais ensuite, nous avons connu toutes les difficultés à mettre en place des protocoles que nous avons voulus homogènes sur l'ensemble du territoire, avec le moins d'adaptations possibles. Nous connaissions les difficultés à trancher certaines questions en tant que professionnels en place.

Même si les autorités sanitaires étaient dépendantes des avis des scientifiques pour prendre des décisions, nous comprenons difficilement le manque de dialogue social. Le peu de dialogue social qu'il y a eu a été sans retour ni discussion. Ce manque d'anticipation a mis en difficulté l'ensemble de la communauté éducative.

Par ailleurs, c'est vers le professionnel de santé que tout le monde se tourne à chaque interrogation d'ordre sanitaire. Nous l'avons tous accepté lors du déconfinement mais je ne vous cache pas que lors de la rentrée, il a été très délicat de ne disposer du protocole que la veille. Nous avons d'ailleurs fait part à plusieurs reprises de nos difficultés au ministre de l'Éducation nationale et nous avons envoyé plusieurs notes et courriers pour remonter les problématiques relevées par les infirmières, et notamment celui de l'isolement et de ses conséquences, avec la nécessité d'un renfort de moyens dans les établissements.

Dès le confinement, les élèves se sont montrés très inquiets. Les professeurs nous ont également fait part de la difficulté à contacter certains élèves. Les infirmières ont donc travaillé depuis leur domicile avec les chefs d'établissement pour récupérer les listes des élèves et contacter les élèves en difficulté. L'actualité nous a malheureusement montré l'importance de l'Éducation nationale dans le soutien et dans l'étayage des élèves quand ils sont dans une situation familiale fragile.

Pendant le confinement, il a manqué tous les repères et tout le souffle qu'offraient l'Éducation nationale et l'accès à des professionnels en dehors de la famille. Nous avons malheureusement pu le constater par des suicides et des recours plus importants aux interruptions volontaires de grossesse (IVG).

Nous sommes aussi très inquiets par rapport aux élèves qui n'ont pu avoir accès à l'éducation à la sexualité. C'est très difficilement accessible au sein de l'environnement familial. Or, 30 % des accueils dans les centres d'éducation et de planification familiale concernent des mineures, souvent orientées par des infirmières de l'Éducation nationale. Ces dernières sont souvent interpellées et servent de relais pour accéder à des consultations.

L'Éducation nationale ne se limite pas aux disciplines enseignées. Les répercussions sanitaires de ce confinement s'inscriront dans la durée et c'est pour cela que nous n'avons pas compris l'absence de moyens. Nous ne comprenons pas à l'heure actuelle pourquoi les infirmières de l'Éducation nationale doivent effectuer le tracing des élèves.

Quand ma collègue vous parle des noms, des fiches avec les numéros de téléphone, les appels aux parents pour qu'ils aillent se faire détecter, toutes ces tâches sont réalisées par les infirmières de l'Éducation nationale.

Or, ces tâches sont très chronophages et nous empêchent de nous consacrer à nos missions. Nous ne pouvons plus accueillir les élèves en consultation dans de bonnes conditions. Nous ne pouvons pas effectuer les bilans de santé. Ainsi, le bilan de santé de la douzième année est sous notre responsabilité mais nous ne pouvons pas le déployer à l'heure actuelle. Nous ne pouvons pas lancer les projets éducatifs de santé, alors que nous avons que la santé des jeunes et la prévention sont très importantes.

Nous avons signalé ces éléments au ministre mais pour l'instant, nous ne constatons aucun changement. Toute la difficulté consiste à remettre beaucoup d'élèves en position d'apprentissage. Il s'agit de les écouter et de les orienter au bon endroit, soit d'envisager un suivi infirmier ou de les diriger vers du personnel médical ou des psychologues. Cela peut être aussi d'orienter la famille vers des soins, car c'est parfois la famille qui a besoin d'un étayage.

Tout cela nous inquiète énormément. Il faut savoir qu'il y a 7 700 postes d'infirmières à l'Éducation nationale, qui interviennent auprès de 52 000 écoles et établissements publics. Vous comprenez bien la difficulté des infirmières à être présentes dans les établissements et à répondre aux besoins de l'équipe pédagogique et éducative, ainsi qu'à travailler avec les différents acteurs.

Le SNICS-FSU est très attaché aux équipes pluri-professionnelles. Elles permettent une approche croisée et un regard global sur l'élève, sans nécessiter de lien fonctionnel. Effectivement, le rapport de la Cour des comptes remet en cause l'organisation du travail de ces personnels à l'Éducation nationale. Nous ne partageons pas ce besoin et cette nécessité d'un service de santé scolaire ni de réforme structurelle, tout comme l'ensemble de la communauté scolaire en dehors des médecins de l'Éducation nationale.

Nous pensons par contre que l'Éducation nationale souffre surtout depuis 2017 non pas d'une absence de textes – la réforme de 2015 est satisfaisante, avec une rénovation de la gouvernance de la santé et du lien entre les professionnels – mais de sujets laissés au milieu du gué. Nous voudrions que le ministère prenne conscience de son implication dans la santé des élèves et qu'il applique réellement les textes de 2015.

Des cellules académiques devaient se mettre en place mais il n'y a pour l'instant aucune impulsion. Une gouvernance nationale sur la santé des élèves devait aussi être créée par la DGESCO mais l'impulsion fait défaut. Faute d'indicateurs et d'impulsion nationale, les rectorats ne focalisent pas leur attention sur la santé à l'école. C'est une réelle problématique.

Nous ne sommes pas pour un service de santé scolaire mais pour améliorer les conditions de travail et la reconnaissance des missions de chacun.

Nos missions se chevauchent et nos expertises sont différentes. Les textes de 2015 amélioraient justement la coordination des professionnels en réaffirmant la fonction et la mission de chacun.

Pour nous, une réforme supplémentaire comme le propose la Cour des comptes n'est pas la solution. Nous avons besoin de moyens et de bonnes conditions de travail.

Pour nous, c'est l'établissement scolaire qui est le cœur de l'action. C'est là où se trouvent les élèves et les familles et c'est là où se fait la proximité. Nous tenons à ce que les infirmeries soient dans les établissements scolaires et que le travail en équipe se réalise au sein de ces établissements.

La santé des élèves n'est pas le domaine réservé des professionnels de santé. Les infirmières de l'Éducation nationale ont toujours été au cœur des établissements pour essayer de faire reconnaître l'importance de la santé dans la dynamique de réussite scolaire. C'est ce qui a conduit à prendre en considération la responsabilité qu'a la communauté scolaire dans son ensemble, y compris les parents, dans l'appropriation de l'état de santé au service de la réussite scolaire. Il ne s'agit pas de faire intervenir de manière descendante des professionnels ou des animateurs de santé dans les classes. C'est plutôt l'ensemble de la communauté qui apporte des connaissances en termes de santé.

C'est un projet éducatif très long et c'est ce que font les infirmières de l'Éducation nationale. C'est pour cela que les Comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) d'établissement nous semblent primordiaux. Ce serait donc une erreur de les supprimer, comme le recommande la Cour des comptes, car ils regroupent les enseignants, les conseillers principaux d'éducation (CPE), la vie scolaire, les chefs d'établissement, les directeurs d'école. C'est là que se jouent l'éducation et la santé des élèves, avec l'intervention de professionnels qui peuvent donner leur expertise et remonter les besoins.

Nous sommes également très attentifs à ce que les indicateurs de santé du ministère de l'Éducation nationale intègrent les indicateurs remontés par les infirmières lors de leurs consultations.

Les élèves viennent librement dans les infirmeries, ce qui est très riche en termes de santé publique. Ils viennent parler de leur santé et contrairement à ce qui peut être imaginé, les adolescents sont très préoccupés par leur santé et celle de leur entourage.

Ces besoins exprimés peuvent difficilement être intégrés dans les logiciels existants et il est donc difficile de les remonter de manière efficace. Depuis la réforme de 2015, nous demandons donc la réactualisation de nos outils numériques et du logiciel infirmier. Nous voulons pouvoir extraire des données statistiques qui pourront alimenter les projets de santé à tous les échelons de l'institution. Cela nous permettrait également de pouvoir enfin évaluer l'état de santé des élèves et l'impact des projets de santé sur la population.

Nous demandons aussi de réelles formations pour les professionnels de santé de l'Éducation nationale, en tout cas pour les infirmières de l'Éducation nationale qui n'ont pas de formation statutaire. Nous rentrons avec un concours sur titre et sur épreuves, et nous sommes formées au soin. Or, notre mission principale au sein de l'Éducation nationale est une mission d'accueil et d'écoute, c'est aussi une mission éducative. Nous revendiquons donc une véritable spécialité.

Nous sommes responsables d'un bilan de santé, nous passons un concours, et nous sommes des professionnelles de premier recours. Pourtant, nous manquons d'une formation. C'est pour nous la preuve d'un manque de reconnaissance.

Nous revendiquons donc de ne pas être écartées du Ségur de la santé et que le Ségur de la santé publique annoncé aille au bout de la démarche engagée lors de la réforme de 2015.

Je vous ai parlé du matériel numérique, des dossiers, et de l'amélioration du suivi par la mise en place de dossiers dématérialisés de santé. Concernant le carnet de santé de l'élève, il nous semble primordial qu'il soit le lieu où les professionnels de santé déposent les informations, afin que nous puissions effectuer un suivi des données des élèves.

Pour conclure, je souhaiterais insister sur l'état de sidération préalable au début de la crise, sur la difficulté de mettre les élèves en position d'apprentissage, et sur nos inquiétudes sur les conséquences sanitaires au long cours.

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Gwenaëlle Durand, du Syndicat national des infirmiers

Les infirmières de l'Éducation nationale effectuent des consultations. Plus de 10 millions de consultations sont réalisées chaque année dans les établissements scolaires, lors d'un passage ou à la demande de l'infirmière, des parents, ou de la communauté pédagogique ou éducative.

Ce besoin ne s'est pas arrêté pendant le confinement. Les 7 800 infirmières et infirmiers de l'Éducation nationale ont dû s'adapter très rapidement et mettre en place des appels auprès des élèves, afin de leur proposer un suivi à distance. Elles ont mis en place des télésoins par leurs propres moyens, ce qui a permis de soutenir, d'aider et d'orienter un grand nombre d'élèves, mais aussi leurs parents.

Lorsque nous appelions des élèves, nous tombions souvent d'abord sur leurs parents. Ces derniers nous ont posé énormément de questions et nous avons pu les aider et les rassurer, ce qui a été très apprécié. Ensuite, nous prenions du temps avec les élèves.

Ces appels ont constitué une nouveauté pour nous car d'ordinaire, nous pouvons voir les élèves et observer des signes. Nous avons dû nous adapter pour capter aux mieux par téléphone les signaux qu'ils nous envoyaient.

Il y a aussi eu des blocages de parents qui ont estimé que leur enfant n'avait pas besoin de parler avec l'infirmière. Cela a pu freiner le suivi des élèves. Nous avons également pu constater le sentiment de solitude et d'isolement qui a été aggravé par des problèmes psychologiques existants.

Le personnel infirmier était souvent le seul référent. Les enseignants dispensaient leur cours, ils prenaient du temps pour les élèves qui en avaient besoin, mais ils ne pouvaient s'occuper des élèves absents.

Dans ce contexte, nous avons manqué de matériel informatique, de téléphones professionnels, et de logiciel de télésoin adapté. Cela nous a freinées pour effectuer le suivi des élèves et mieux les orienter pendant le confinement.

Concernant l'accès aux soins pour tous, les différences sociales ne doivent pas retarder la mise en place des soins. Or, le manque de moyens accordés aux services infirmiers est criant. L'élève et l'étudiant doivent pouvoir bénéficier d'une consultation infirmière et être accompagnés pour surmonter les difficultés qu'ils rencontrent. Par ailleurs, la répartition des emplois entre le premier et le second degré n'est pas équitable.

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François Simon, du Syndicat national des infirmiers

Nous avons dressé un constat alarmant à propos de la rentrée de 2020, que ce soit ma collègue du SNICS ou ma collègue du SNIES. Nous avons également identifié plusieurs difficultés.

Tout d'abord, nous avons observé une régression psychoaffective de certains enfants. Après six mois d'arrêt, cette rentrée a été complexe et a mis en exergue une régression psychoaffective chez certains enfants en école élémentaire et en début de collège. Cette régression a engendré des comportements de surattachement familial et des troubles socio-comportementaux. Des enfants avaient des difficultés à quitter leur maman, ce qui a pu engendrer des absences qui ont ensuite dégénéré en décrochage scolaire.

Nous avons également repéré un accroissement des phobies scolaires, en lien avec des troubles psychologiques préexistants ou qui sont apparus lors de cette rentrée 2020.

Nous avons également constaté des conflits familiaux et des incompréhensions intergénérationnelles. Les entretiens infirmiers à notre initiative et demandés par la communauté éducative ou les élèves eux-mêmes, ont révélé les conséquences de cette pandémie en soulevant des problématiques de conflits intrafamiliaux ou d'incompréhension intergénérationnelles.

Nous avons aussi repéré un point qui est très important dans nos missions, il s'agit des violences intrafamiliales. Nous entendons de plus en plus souvent dans nos infirmeries et depuis la rentrée des enfants qui nous demandent de ne pas alerter leurs parents. Cela révèle un renforcement du conflit de loyauté, mettant à mal la dénonciation de violences ou de négligences parentales.

Nous avons aussi observé des mutilations, de plus en plus de mutilations. Elles traduisent des souffrances psychologiques qui explosent. Ce mal-être est souvent incompris, voire inconnu des parents. Ces derniers sont débordés, angoissés par leur activité professionnelle ou leur situation financière, en lien avec la crise sanitaire.

L'augmentation des comportements à risque (tabagisme, consommation de stupéfiants) est un autre point relevé chez les élèves, plutôt en fin de collège et au lycée. Nous le relions à un délabrement psychique, avec une crise identitaire majorée pendant ce confinement et qui ne pouvait pas trouver d'écho auprès des pairs. Le confinement a vraiment révélé des impossibilités pour les jeunes de communiquer leur mal-être entre eux.

Nous avons aussi repéré pour certains l'appréhension d'une consultation de santé. Comme l'a souligné ma collègue, le contexte de crise sanitaire exacerbe les craintes. La crainte d'aller voir le médecin, qui était déjà présente chez certains, a été renforcée par la peur de se faire contaminer en se rendant à une visite, voire de saturer les services de santé.

Les délais trop longs de disponibilité des professionnels de santé engendrent souvent des reports et des annulations, qui peuvent provoquer des aggravations de pathologie chez des enfants qui ont besoin d'être suivis.

Je pense qu'une solution qui pourrait être envisagée serait la prescription infirmière. Elle devrait être inscrite dans le Code de santé publique et serait à prévoir pour certains soins et dispositifs tels que les vaccins, les préservatifs, les dépistages de maladies sexuellement transmissibles, ou les tests de grossesse. Cette solution répondrait à des situations observées couramment dans les infirmeries et permettrait d'élargir l'accès aux soins et de réduire les zones blanches médicales.

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Gwenaëlle Durand, du Syndicat national des infirmiers

Je voudrais ajouter un point sur les départements et régions d'outre-mer et le port du masque. Nos collègues nous ont fait remonter qu'en Guyane, l'humidité rend très difficile le port du masque, pour les enfants comme pour le personnel de l'Éducation nationale. La qualité des masques ne semble pas du tout adaptée à ces régions où le taux d'humidité est élevé. Ce sont des conditions très dures et ils en souffrent beaucoup.

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François Simon, du Syndicat national des infirmiers

Au sujet des masques, je pense aussi à des enfants atteints de surdité qui ont été contraints d'interrompre leur scolarisation. Ils auraient besoin de ce masque transparent qui a été promis mais que nous attendons toujours.

Ces déscolarisations représentent un vrai problème, notamment au regard de la loi de 2005 relative à l'adaptation de la scolarité pour les enfants en situation de handicap. Il est regrettable que nous n'ayons pas pris en compte ce genre de problématique et je pense qu'il y a urgence pour ces enfants. Il faut absolument que nous trouvions des solutions rapides pour les enfants en situation de handicap, pour ne pas les perdre et amplifier un décrochage scolaire.

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Gwenaëlle Durand

Deux points me semblent par ailleurs essentiels pour les infirmières de l'Éducation nationale. Nous demandons que cette spécialisation soit reconnue par un master. Le maintien des infirmières au sein du ministère de l'Éducation nationale est aussi un élément qui nous tient à cœur, en étant placées sous la hiérarchie du chef d'établissement pour un exercice effectif au sein même des établissements scolaires et de l'enseignement supérieur.

Ce maintien est apparu plus que nécessaire durant cette période, nous permettant d'être des acteurs au service des élèves et favorisant le lien avec les équipes éducatives. La politique de santé à l'école ne doit pas être externalisée.

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Laurent Chazelas, président de l'Association française des psychologues de l'éducation nationale (AFPEN)

Je vous remercie pour cette invitation qui permet une visibilité de notre institution, ce qui est plutôt rare.

L'AFPEN n'est pas un syndicat. C'est une association professionnelle de bénévoles qui compte 1 000 adhérents, essentiellement des psychologues de l'Éducation nationale dans le premier degré en maternelle et en élémentaire.

Nous avons organisé une consultation auprès de nos délégués départementaux, dont je vais développer quelques résultats. J'articulerai mon propos autour de trois axes : les enfants, les adultes de l'institution, la place et les missions des psychologues de l'Éducation nationale.

Je rejoins ce qui a été dit précédemment et je confirme que le covid est un révélateur de toutes les fractures. Il met en lumière les dysfonctionnements de notre institution et nous indique peut-être des voies pour de possibles améliorations.

Dans l'ensemble, les enfants ont été très heureux de retrouver le chemin de l'école après les mois de confinement, pour revoir leurs camarades et leurs enseignants. L'absence de liens entre pairs a beaucoup manqué dans tous les espaces de socialisation des enfants, que ce soit à l'école, dans les clubs sportifs ou dans les associations culturelles. Les enfants avaient besoin de se retrouver et d'être ensemble.

Le plaisir fut donc intense de se retrouver et nous avons pu constater une bonne adaptation aux nouvelles règles sanitaires concernant les plus jeunes. Les enfants sont beaucoup plus résilients que les adultes et ils apparaissent ainsi comme des tuteurs de résilience pour les adultes.

Nous notons en ce début d'année qu'une bonne partie des enfants ont laissé derrière eux leur statut d'élève et le comportement qui en découle. Les enseignants se trouvent confrontés à des enfants qui ont perdu des habitudes de travail. À la suite du confinement, ils ont de grandes difficultés à retrouver le cadre scolaire et à reprendre leur statut d'élève, avec beaucoup de difficultés d'attention. La relation d'être dans la classe parmi les autres est beaucoup plus compliquée.

Nous constatons donc une perte d'autonomie et une difficulté à rester assis. En conséquence, plusieurs de nos collègues craignent une augmentation des demandes de diagnostic TDAH (trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité).

Nous percevons un décalage entre deux catégories d'enfants. D'une part les enfants qui ont pu être accompagnés dans leur travail quotidien à la maison avec des conditions optimales en matériel, en moyens de communication, en espace, en jardin, en disponibilité familiale, et qui reviennent avec un niveau satisfaisant, voire bien supérieur à ce qui était attendu ; d'autre part ceux qui n'ont pu bénéficier de conditions aussi propices pour apprendre : espace et conditions matérielles restreints, peu de disponibilité des adultes.

Le temps passé devant les écrans nous semble aussi avoir été majoré pendant cette période.

Les enseignants évoquent beaucoup d'agitation, des difficultés d'attention, et des rythmes de sommeil qui ont dû parfois être bien malmenés.

Des enfants ont fortement régressé et certains ont réactivé des difficultés de séparation, qui ont été évoquées par mes collègues infirmiers. Dans les écoles maternelles, les collègues enseignants qui s'occupent des moyennes sections trouvent que ce sont les enfants qui ont le plus de difficultés. Ils ont eu une « première année » vraiment stoppée et il semblerait presque que les « première année » de cette année soit plus socialisés que des « deuxième année » qui arrivent.

Les enseignants de maternelle et de CP relèvent des difficultés en graphisme et en phonologie, plus importantes qu'auparavant. Une grande fragilité est aussi observée au niveau du cycle 2 (CP-CE1-CE2), avec des enfants de CE1 ayant un niveau de lecture de mi-CP, et un retard d'apprentissage important en CP.

Nous constatons en conséquence une disparité beaucoup plus importante que les années précédentes, avec des enfants qui sont en retard et d'autres plutôt en avance. Cela crée une difficulté à faire classe beaucoup plus importante qu'habituellement. Comme les conditions sanitaires ne favorisent pas le décloisonnement (mise en place de groupes de niveau), il est devenu plus compliqué pour les adultes d'organiser la classe.

Nous pouvons regretter de ne pas avoir donné suffisamment de temps en ce début d'année scolaire à la dimension de l'accueil et de la réacquisition de la position d'élève. L'attention portée sur le vivre ensemble, la gestion de la contrainte, l'exigence, seraient à travailler avant les apprentissages eux-mêmes.

La programmation des évaluations nationales sur cette première période ne correspondait sans doute pas au bon tempo. En conséquence, un doute existe sur la valeur de ces évaluations nationales qui ont lieu tous les ans en CP et CE1. Il aurait été plus pertinent de les reporter après les vacances de la Toussaint pour se concentrer au préalable sur l'accueil et le vivre ensemble.

Certains enfants très fragiles sur le plan psychologique reviennent parfois avec une rupture de soins, malgré un gros travail des structures sanitaires et médico-sociales pour essayer de garder les liens. Ils doivent alors faire l'objet d'une attention particulière en début d'année, afin que leur accompagnement reprenne.

Nous constatons aussi que des enfants qui étaient en difficulté au niveau des apprentissages ou qui avaient des difficultés d'adaptation à l'école ont tiré profit de ces temps à la maison. Ils reviennent parfois à l'école avec de meilleurs acquis.

Concernant les enseignants, ils ont montré beaucoup d'angoisse pendant la période de confinement et au moment de la reprise en mai-juin.

Les enseignants ont beaucoup donné, ils ont été inventifs, résistants, réactifs. Ils ont aussi été parfois perdus, isolés. Cela dépendait beaucoup de la qualité de la cohésion des équipes avant le covid. Le covid a été un révélateur des dysfonctionnements.

En ce début d'année, les enseignants apparaissent plus fatigués qu'habituellement, notamment quand il y a des gestions de cas covid qui surgissent dans les écoles. Quand les conditions ont rendu possible un travail en équipe, les liens se sont resserrés.

Les relations entre les familles et les enseignants se sont modifiées et il semblerait que le contact soit meilleur. La reconnaissance professionnelle du corps enseignant s'est également améliorée. Des tensions sont néanmoins apparues avec certains parents.

Il convient également de signaler que des enfants ne reviennent pas et préfèrent opter pour l'école à la maison. Nous avons pu observer quelques cas. Il y a aussi tous les enfants atteints de phobie scolaire qui reviennent à l'école. Leurs situations d'angoisse sont loin d'être résolues.

On constate des modifications de comportements, parce que les enseignants sont rentrés dans l'intimité des familles. La limite entre le domaine de la famille et celui de l'école s'est un peu modifiée, de manière favorable. Les enseignants ont ainsi pu prendre conscience des difficultés que rencontraient les familles pour accompagner leurs enfants. C'est très positif.

J'évoquerai maintenant les psychologues de l'Éducation nationale (PsyEN) et le paradoxe de leur place dans l'école.

Les psychologues du premier degré ne se sont pas sentis suffisamment associés par leur institution à la gestion de la crise sanitaire pendant cette période de confinement. Cette période révèle aussi les représentations, souvent très parcellaires, de la place et des missions des PsyEN par l'institution, notamment aux différents niveaux décisionnels et organisationnels que sont les directions académiques des services de l'Éducation nationale (DASEN), les rectorats et les ministères.

Pour nous, clairement, l'institution mésestime la richesse de l'apport des psychologues, et cela provient sans doute de deux éléments : des représentations qui n'évoluent pas suffisamment en interne, et une organisation non-fonctionnelle pour que la place de la psychologie soit plus opérante. Il manque pour nous, et c'est vraiment ce que le covid montre au niveau de la dysfonctionnalité, un psychologue conseiller technique à tous les étages de l'institution.

Il était intéressant d'entendre ma collègue médecin, qui évoquait deux médecines différentes. Nous, nous réclamons des psychologues conseillers techniques. Nous en avons besoin.

Notre profession, réglementée depuis 1985, est la seule dans l'institution scolaire à ne pas avoir de représentant auprès des différents étages décisionnels et fonctionnels. Les médecins, les infirmiers, les assistants sociaux, les enseignants ont tous des représentants. En revanche, il n'y a pas à ce jour de psychologue qui soit au service de l'institution pour coordonner les psychologues sur le terrain et pour que l'apport de la psychologie soit présent pour tous les usagers de l'école.

Cette situation nous rend invisibles, mais surtout parfois inopérants et mal employés. Le paradoxe que je mentionnais est le suivant : au début du confinement, alors que les psychologues devenaient sur les plateaux de télévision les interlocuteurs qui donnaient du sens à ce que nous vivions individuellement et collectivement, c'était pour nous le grand silence dans l'institution. Nous étions coupés de l'institution.

Nous avons mené une enquête interne à laquelle plus de 600 de nos adhérents ont répondu. Cette enquête révèle que plus de 50 % d'entre eux n'ont eu aucun contact avec leur hiérarchie pendant toute la période de confinement. Certains ont même parfois été empêchés d'envoyer des documents pouvant aider les enseignants au prétexte que ces derniers étaient déjà envahis de documents. Nous voulons bien l'admettre mais ces documents que nous avions pour eux étaient quand même d'une nature différente.

Il y a eu beaucoup de frustration parmi les collègues car ils n'ont pas pu mettre leurs compétences au service des enfants, des familles et des enseignants. Cela révèle peut-être ce qui est attendu de la part du PsyEN, qu'il soit un technicien qui repère des enfants en situation de vulnérabilité par rapport aux apprentissages à l'école. Un grand nombre de ses missions sont alors oubliées, qui ont pourtant fait dans cette période le sel de sa présence dans l'institution : son analyse des situations, ses connaissances du fonctionnement psychique individuel et des groupes humains, qui lui permettent de soutenir les équipes, d'écouter, d'être vigilant aux situations sensibles et à risque.

Cette position clinique du psychologue n'a pas été pensée. Fort heureusement et bien qu'en nombre insuffisant, nous sommes mieux repérés par le terrain. Beaucoup de mes collègues ont une relation de proximité avec les enseignants, avec les familles. En conséquence et même en l'absence de sollicitation par l'institution, ils ont pu continuer leur travail avec toutes les difficultés dont mes collègues ont déjà parlé en termes de moyens. Ils n'ont pas attendu pour être présents et avoir une posture professionnelle adaptée à la situation.

La solitude professionnelle s'est néanmoins fait sentir et encore aujourd'hui, il y a peu de travail pluri-professionnel avec nos collègues médecins, infirmiers et assistantes sociales. Nous les rencontrons trop peu et nous le déplorons. Ainsi et contrairement à nos collègues médecins et infirmiers, aucun psychologue n'a été sollicité pour participer aux plateformes d'écoute mises en place dans plusieurs académies. Beaucoup de mes collègues se sont donc tournés vers le milieu associatif ou vers d'autres organismes extérieurs qui pouvaient avoir besoin de nos compétences.

Pour nous, l'un des leviers possibles serait la mise en place de psychologues conseillers techniques. Ils favoriseraient le travail pluri-professionnel, éviteraient le travail en silo, permettraient de coordonner l'action des psychologues et donneraient dans ces situations un pilotage bien plus opérant.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci pour vos interventions. Je voudrais d'abord remarquer qu'il manque quelqu'un parmi vous, ce sont les assistants sociaux. Ils m'ont fait part de leur mécontentement et je tiens à les rassurer. Nous les recevrons comme ils en ont exprimé le souhait à juste titre.

Vous avez parlé des traits positifs liés à cette pandémie, des liens qui se sont renoués entre parents et enseignants, et du rôle positif des associations. Mais vous soulignez aussi les conséquences physiques et psychiques, l'aggravation et le creusement des inégalités sociales et scolaires. Tous vos propos justifient vos professions et leur importance pour la réussite scolaire et la santé à l'école. C'est une évidence lorsque nous vous écoutons.

Chaque fois que la crise de médecine scolaire est évoquée, des représentants de l'institution expliquent que les postes existent mais qu'ils ne parviennent pas à les pourvoir. Même la spécialisation universitaire ouverte aux médecins scolaire n'attirerait aucun candidat.

Cette difficulté à recruter ne viendrait-elle pas du fait que l'Éducation nationale ne vous considère pas comme des acteurs essentiels au fonctionnement de l'apprentissage et de notre école républicaine ? En conséquence, notre rapport ne doit-il pas s'efforcer de redéfinir vos missions ? Comment pourrions-nous définir en quelques mots la mission du médecin scolaire ?

Quelle est la place du psychologue, qui n'est pas simplement un acteur à côté du médecin scolaire, mais qui a sa propre démarche, sa propre pratique et sa propre fonction ?

Quand je vous entends, je m'aperçois que nous sommes incapables d'évaluer l'état de santé de nos élèves au niveau national.

Vous faites des propositions sur la spécialisation d'infirmière scolaire, je pense que c'est une position qu'il faut entendre, de même que la place du psychologue comme conseiller technique. La prescription par les infirmiers me semble aussi intéressante. Mais dans un premier temps, il faudrait peut-être que vous nous aidiez à redéfinir vos missions pour que nous pussions mieux les valoriser.

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Patricia Colson, secrétaire générale du Syndicat national des médecins de santé publique de l'éducation nationale (SNAMSPEN/Sgen-CFDT)

Les médecins de l'Éducation nationale ont des missions particulièrement attractives. Des jeunes nous rejoignent donc pour s'investir mais ce qui fait fuir, c'est l'organisation du travail. Ce n'est pas forcément le salaire, même si certains ont besoin d'un salaire décent au regard de leurs douze années d'études et de leur expertise, et vont trouver ailleurs des postes bien mieux rémunérés.

Tous ceux qui découvrent ce métier en sont néanmoins passionnés. Les missions sont riches et aux confins de l'éducatif, du sociétal, du sanitaire.

Nous avons des missions collectives et des missions individuelles et elles sont toutes deux très importantes. Il me semble qu'il faut cependant regarder celles pour lesquelles nous paraissons indispensables. Ainsi, par exemple, nos collègues infirmières sont spécialistes de l'éducation à la santé.

Ce qui importerait pour nous serait de faire un diagnostic de besoins sur un territoire étendu. Lors de nos douze années d'études, nous avons appris à faire la synthèse des données sociales, culturelles, organiques, psychiques, d'environnement, qui sont à notre disposition. Nous pouvons ainsi faire des hypothèses, poser des diagnostics et proposer des solutions. C'est la démarche médicale.

Concernant les missions collectives, nous travaillerions donc plutôt sur des bassins d'éducation. J'y suis favorable car l'enfant n'est pas prisonnier d'un établissement. Il a une trajectoire et une vie en dehors de l'école. Il est donc extrêmement important que l'école s'ouvre et que le médecin de l'Éducation nationale puisse formuler des propositions suivant les besoins qui ont été diagnostiqués à l'intérieur et à l'extérieur de l'école. Il est aussi important qu'il puisse proposer des actions de santé coordonnées, aussi bien à l'intérieur de l'école qu'à l'extérieur.

L'enfant n'est pas prisonnier de l'école. Il faut prendre en compte tous les besoins, avec la trajectoire entière d'un enfant. Il faut donc se concerter avec l'ensemble des acteurs. Le médecin de l'Éducation nationale pourrait très bien, en travaillant avec les collègues infirmiers, psychologues, assistants sociaux, et les acteurs en dehors de l'école, pouvoir faire partie de tout un maillage territorial sanitaire qui s'inscrirait dans une dynamique de bassin de vie. Il s'agirait de participer à l'éducation de l'enfant avant celle de l'élève. L'école n'est qu'une partie des actions que nous devons mener.

Concernant maintenant les missions individuelles, les médecins de l'Éducation nationale sont responsables des bilans de santé de 6 ans. Il serait d'ailleurs envisagé qu'ils s'occupent également des bilans de 3-4 ans en l'absence de médecins de PMI. Or, l'action des médecins de l'Éducation nationale ne saurait être réduite à ces seuls bilans de santé.

Ces bilans sont certes essentiels mais chacun pourrait apporter l'expertise qui lui est propre pour constituer la partie de cet examen qui lui revient. Ainsi, les médecins de l'Éducation nationale pourraient se concentrer sur la partie d'expertise.

Il est indispensable que les enfants bénéficient bien de ces bilans de santé obligatoire et pour tous, aux différents âges prévus (3-4 ans, 6 ans, 12 ans, etc.). Tous ces bilans sont importants, et aucun ne doit être négligé. Les fonctions cognitives d'un enfant évoluent de sa naissance jusqu'à 25 ans et il faut vérifier qu'elles sont en place à chaque moment.

Si tous ces bilans sont indispensables pour tous, il convient donc de s'organiser en conséquence. Une concertation pluridisciplinaire est donc nécessaire.

Il est regrettable que les médecins de l'Éducation nationale soient attendus sur cette seule mission du bilan à 6 ans. Il ne leur est pas demandé de suivre les enfants à l'issue de ce bilan et rien n'est réalisé, sauf parfois une concertation avec les collègues infirmiers qui prennent le relais et alertent.

Ces bilans de santé rentrent dans le champ de compétence des médecins de l'Éducation nationale, qui sont formés aux troubles des apprentissages. Ils permettent de repérer, de poser des diagnostics, d'adresser et de suivre ces adressages. C'est une priorité de santé publique car la réussite scolaire impacte la santé du futur adulte. Il faut assurer la réussite scolaire pour chaque enfant, du mieux possible.

Outre ce bilan de 6 ans qui constitue le passeport de l'entrée dans la scolarité, les médecins de l'Éducation nationale sont chargés d'examens à la demande et de l'adaptation de la scolarisation des enfants à besoins éducatifs particuliers en raison de troubles de la santé, de handicap ou de troubles de l'apprentissage.

Il est à ce titre regrettable que les médecins aient été écartés du champ du handicap, au motif qu'être handicapé ne signifie pas être malade. Pourtant, les handicaps psychiques sont évolutifs et il est nécessaire de réévaluer médicalement et régulièrement les besoins d'adaptation et de prise en charge.

L'adaptation de la scolarisation chez ces enfants qui ont des besoins éducatifs particuliers nous apparaît indispensable. Or, même si nous ne disposons pas des chiffres précis, nous ne devons être que 600 ou 700 médecins titulaires à avoir une formation statutaire en tant que médecin de l'Éducation nationale. Les médecins des collectivités et les médecins contractuels ne bénéficient pas de la formation statutaire. C'est pourtant une vraie spécialité, même si elle n'est pas reconnue à ce titre.

Depuis la disparition des médecins scolaires, nous avons remarqué une grande médicalisation des difficultés scolaires. Nous étions là pour démédicaliser la difficulté scolaire et apporter un regard médical sur des difficultés qui étaient liées à des troubles des apprentissages, des troubles cognitifs, des troubles neuro-développementaux, et il nous appartenait d'alerter. Depuis que nous ne sommes plus là, tout se médicalise. Bien trop.

Nous sommes là aussi en tant que garants des adaptations des exigences des familles ou des médecins spécialistes à l'extérieur, qui voudraient apporter des organisations en dehors de toute équité et de toute prise en compte de l'enfant dans la collectivité. Nous sommes aussi protecteurs entre l'enfant et la collectivité et dans le cadre du handicap, nous protégeons quelquefois la collectivité de scolarisations qui ne sont pas toujours bien-traitantes pour les enfants qui sont reçus. Nous avons un rôle dans ce cadre.

Nous nous sommes vraiment posé la question de rester au sein de l'Éducation nationale, tellement nous étions déconsidérés, tellement notre rôle était marginalisé. Il y a un véritable problème.

Nous voulons travailler avec les élèves et pour leur réussite, avec les équipes. Nous ne pouvons pas travailler seuls. Notre spécificité par rapport à un médecin hospitalier ou un médecin libéral, c'est de travailler vraiment en équipe.

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François Simon, du Syndicat national des infirmiers

Madame Buffet pose le cadre des missions des médecins et des infirmiers. Pour ma part, je pense que les missions de novembre 2015 définissent très clairement les missions des infirmiers et des médecins de l'Éducation nationale. Il s'agit de l'accueil, des soins, des urgences, de l'orientation, de l'éducation à la santé, de conseiller auprès du chef d'établissement, du dépistage des élèves de 12 ans.

Je pense que le facteur temps est plus important que la problématique de pouvoir se concerter. Nous avons un manque de personnel, infirmier ou médecin, qui conduit à un manque de temps, qui induit un manque de concertation.

À titre d'exemple, le secteur de mon médecin représente un tiers du département. Nous avons des contacts par e-mail ou par téléphone mais je ne peux pas la voir plus de deux heures par an.

Concernant nos revendications, elles sont très claires. Nous ne demandons pas de glissement de tâches. Il y a une pénurie de personnel médical mais les infirmiers ne doivent pas être une variable d'ajustement pour pallier ce manque.

Je rappelle que les infirmiers de l'Éducation nationale sont soumis au code de la santé publique. Or, l'article R. 4311-7 définit très clairement les actions des infirmiers en lien avec les ordonnances médicales. Donc si nous pouvons entendre les propos du directeur de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), pour qui « les champs d'intervention sont en train de se dilater », nos missions sont très claires.

Nous pouvons apporter un soutien pour pallier le manque de personnel médical mais il y a certaines données sur lesquelles nous ne pouvons intervenir sauf si, comme nous vous l'avons proposé, notre métier évolue vers une masterisation. Cela pourrait apporter de nouveaux actes qui seraient définis dans le code de la santé publique. Sinon, nous resterons bloqués par cet article R. 4311-7 du code de la santé publique qui liste les actes que l'infirmier est habilité à prendre.

Il ne faut pas oublier qu'il existe un cadre législatif clair au niveau de l'Éducation nationale et du code de la santé publique.

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Saphia Guereschi, secrétaire générale du Syndicat national des infirmier

À l'instar de ma collègue, je vous confirme qu'il existe un problème de recrutement et d'attractivité des postes de médecin de l'Éducation nationale.

Malgré les efforts budgétaires qui ont été concédés par le ministère de l'Éducation nationale, celui-ci se retrouve avec un problème qui n'est pas dans ses attributions, la répartition de l'offre médicale en France. C'est un problème récurrent que le ministère de l'Éducation nationale ne peut pas résoudre seul.

Pour ce qui est du poste d'infirmier, c'est la première fois que nous observons des difficultés de recrutement à l'Éducation nationale. Nous commençons à observer des démissions et des demandes de disponibilité liées à une surcharge de travail et à un manque de reconnaissance mais jusqu'à présent, le recrutement des infirmiers de l'Éducation nationale n'a jamais été un problème. Le problème est plutôt celui d'un manque de postes ouverts au concours.

Je vous remercie par ailleurs de signaler que nous sommes des acteurs essentiels. Les infirmiers luttent et militent depuis des années pour faire valoir leurs missions. À ce sujet, je suis plutôt étonnée par votre redéfinition des missions. Nous ne demandons pas cette redéfinition mais plutôt des créations de postes et un renforcement de notre formation.

Nos missions ont été redéfinies en 2015, les missions des médecins également. Quant à celles des psychologues et des assistantes sociales, elles l'ont été récemment. Ce n'est pas un défaut de textes et de missions mais un problème d'application de textes. Je pense notamment à la circulaire sur la politique éducative, sociale et de santé, qui parle des instances de gouvernance et de la remontée des indicateurs de santé.

À notre grand regret, nous ne pouvons pas avoir une remontée d'indicateurs fiables, et encore moins à cette rentrée. Le logiciel infirmier qui nous permet de rentrer toutes nos données doit dater d'avant les années 2000. Il est vraiment obsolète, très difficile d'usage, et il ne permet pas une extraction statistique efficace. Il y a un gros problème sur les indicateurs statistiques qui provient de l'obsolescence des outils numériques. Le logiciel des médecins a été rénové il y a deux ans alors que le nôtre est suspendu depuis 2017.

J'ajouterai que nos collègues ont été très indignés par le rapport de la Cour des comptes qui laisse entendre que les infirmiers boycotteraient les statistiques infirmières. Je tiens à signaler qu'il n'y a eu aucun mot d'ordre des syndicats d'infirmiers de l'Éducation nationale à ce sujet. Les médecins et les assistants sociaux ont bloqué les indicateurs mais les infirmiers de l'Éducation nationale ont toujours tenu à remonter leurs indicateurs de santé. Il y a eu une grève administrative mais ce ne sont pas les infirmières qui ne voulaient pas rendre compte de l'état de santé des jeunes ni de leur activité.

Concernant le rapport de la Cour des comptes, j'ajouterai que les 18 millions de consultations infirmières réalisées chaque année ne méritent pas d'être qualifiées de « médiocres ».

J'ai regardé avec attention le rapport de Mme Michèle Peyron sur la protection maternelle et infantile (PMI). C'est un rapport riche, qui m'a permis d'avoir un regard différencié sur ce que pourrait être une organisation de type « service » et sur son efficacité. Il se trouve que nos collègues de la PMI partagent les revendications des infirmiers de l'Éducation nationale, et demandent une reconnaissance et une formation qui leur permettent d'être efficaces dans leur travail et dans leurs consultations de premier recours. Un lien fonctionnel ne peut le permettre.

Le rapport Peyron montre aussi que 2 000 médecins réalisent 700 000 consultations à la PMI, soit une consultation toutes les quatre heures. Nous avons donc souhaité que le bilan de la sixième année soit une consultation médicale effectuée par les médecins de l'Éducation nationale. C'est un des bilans les plus importants et une expertise médicale est nécessaire.

Par contre, nous avons aussi été partisans d'une diminution du nombre de visites médicales, eu égard au nombre de médecins. Nous sommes ainsi passés de cinq visites médicales à une visite à 6 ans et au bilan infirmier de la 12ème année. Je préciserai que ce bilan infirmier n'est pas effectué à 62 % comme l'indique la Cour des comptes, mais plutôt à 89 %, comme en témoigne l'enquête statistique de notre syndicat sur un panel représentatif d'infirmières. Je pense que la Cour des comptes a comptabilisé l'école privée, où les infirmières de l'Éducation nationale n'interviennent pas.

La Cour des comptes retient une logique de taux d'encadrement, qui n'est pas adaptée à une réflexion sur l'offre et la permanence des soins. Même s'il n'y a que 15 élèves dans un établissement, il faut qu'il y ait une personne qui puisse les écouter. Il est alors possible de se retrouver avec les disparités que pointe la Cour des comptes, qui ne saisit pas la logique d'implantation des postes. Cependant, il existe une logique de territoire et de population à couvrir qui ne peut être réduite au seul calcul du taux d'encadrement.

Je voudrais poursuivre sur le bilan de 6 ans. L'arrêté du 3 novembre qui est dénoncé par la Cour des comptes prévoit clairement l'intervention différenciée du médecin et de l'infirmier, de façon à ne plus mobiliser deux personnels sur un même examen. De plus, contrairement à ce qui est dit, le suivi est prévu.

S'il a été décidé de réaliser un examen médical à 6 ans, c'est parce qu'auparavant il s'agissait d'un bilan informel qui a montré toutes les difficultés de l'adressage et l'engorgement des professionnels. Une infirmière n'est pas formée aux troubles d'apprentissage mais aux troubles du langage et donc à défaut, elle oriente la famille pour avoir l'avis d'un spécialiste.

Ce qui était observé et qui faisait défaut, c'était réellement le suivi de ces examens. C'est ce que précise cet arrêté. Pour la première fois, le contenu des examens de santé qui sont obligatoires au sein de l'Éducation nationale est précisé dans la loi et ces examens deviennent un droit. Le suivi et la coordination y sont inscrits.

C'est vrai que nous avons des difficultés à obtenir de la part de nos collègues les bilans qu'ils ont réalisés et le suivi que nous devons mettre en place. Je ne pense pas qu'un lien fonctionnel améliore la situation.

Les infirmières travaillent dans l'humain et ne refusent pas une organisation fonctionnelle par principe ou parce qu'elles auraient pris goût à l'autonomie, comme le laisse entendre le rapport de la Cour des comptes. Les infirmières de l'Éducation nationale sont en poste dans les établissements depuis l'après-guerre et non pas depuis la dissolution du service de santé scolaire.

Nous avons développé sur la base de notre rôle propre – nous avons toujours été dans les établissements – une capacité, une consultation spécifique des infirmières qui rend service à l'élève et qui est d'ailleurs plébiscitée par les élèves et leurs familles. Nous avons développé une compétence par rapport à un public cible et avec un objectif particulier.

Nous avons récemment saisi le Défenseur des droits sur cette question, puisque la question de la possibilité pour un élève mineur de consulter sans l'autorisation de ses parents est posée.

Nous avons développé une consultation spécifique qui repose sur le rôle propre infirmier et qui ne nécessite pas de lien fonctionnel. Notre champ d'intervention à l'Éducation nationale n'est pas un champ médical. Nous n'intervenons pas uniquement sur une population malade.

Lorsque nous intervenons sur une population malade, cela concerne 10 % des élèves et là, c'est la prérogative des médecins avec la mise en place des PAI (projet d'accueil individualisé), des bilans et des évaluations des besoins. Nous y participons néanmoins puisque nous appliquons et nous mettons en œuvre les PAI, nous évaluons les besoins des publics à besoins particuliers, de l'école inclusive et des élèves handicapés. Bien évidemment, nous travaillons en partenariat.

Ce que nous refusons dans une organisation de type « service de santé scolaire », c'est de médicaliser l'action des infirmiers. C'est de nous sortir d'une consultation libre destinée à des enfants qui ne sont pas reconnus malades mais qui viennent librement consulter parce qu'ils ont des troubles de la santé, mais non une maladie. C'est ce qu'une orientation de type « service » mettrait en défaut.

C'est la raison pour laquelle les infirmières souhaitent rester sous la hiérarchie des chefs d'établissement et ne souhaitent pas de lien fonctionnel. Les infirmiers de l'Éducation nationale ont choisi de rester au sein des établissements scolaires, non pas par confort mais parce que dans les établissements, toute la communauté éducative est présente. C'est en faisant partie du lieu de vie de l'élève que ce dernier nous reconnaît et nous consulte.

C'est comme cela que nous sommes arrivés à 18 millions de consultations et qu'en plus du bilan de 12 ans, nous réalisons chaque année 400 000 examens à la demande des élèves et des orientations. Une consultation sur trois amène l'infirmière à être en lien avec un autre professionnel ou un autre partenaire, dont les familles.

Nous souhaitons donc renforcer la consultation infirmière sur le premier degré. Sur le second degré, des groupes de suivi se sont mis en place.

Sur le premier degré, nous avons de grosses difficultés liées au fait que les enseignants ont toujours la charge d'une classe. Il est donc très difficile d'organiser une réunion d'équipe. Les rencontres en dehors des horaires de travail sont possibles mais elles restent compliquées.

Sur la reconnaissance de la consultation infirmière, je retiendrai la proposition de renforcer la prescription sur des dispositifs de dépistage et de prévention. Nous ne demandons pas des actes supplémentaires, nous souhaitons plutôt faciliter le parcours des jeunes quand ils se rendent à l'infirmerie, notamment les tests d'auto-dépistage qui sont faits dans le milieu associatif ou la contraception.

Il y avait aussi le renforcement de la délivrance des médicaments d'usage courant, où nous avons un rôle éducatif pour apprendre aux jeunes à ne pas prendre ou à prendre à bon escient le médicament. Un article avait été voté à l'unanimité des groupes dans la loi sur l'école de la confiance mais avait été considéré comme un cavalier législatif. Nous y serions favorables, en plus de la reconnaissance de notre action auprès du grand public.

La mallette des parents ne contient toujours rien sur l'action des infirmières de l'Éducation nationale. Nous sommes connues sur le terrain mais il est quand même regrettable que l'Éducation nationale se prive d'informer l'ensemble de ses partenaires de la possibilité d'une consultation à l'Éducation nationale.

Je signalerai également que la démarche partenariale est renforcée depuis 2015. Ce n'est pas l'infirmière seule avec le chef d'établissement au sein du Comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) qui définit le projet de santé. Le CESC est élaboré en interaction et en cohérence avec les autres politiques de santé publique.

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Laurent Chazelas, président de l'Association française des psychologues de l'éducation nationale (AFPEN)

Je vous remercie d'avoir signalé que nous étions des acteurs essentiels. Nous sommes des personnels qui sont éventuellement des accompagnateurs auprès des enfants, des familles, des enseignants.

Nous sommes sans doute le plus jeune corps de la fonction publique puisque nous avons été créés en février 2017. Ce nouveau corps a associé deux anciens métiers, les psychologues scolaires du premier degré qui étaient issus du corps enseignant et les conseillers d'orientation ou psychologues du second degré qui étaient déjà reconnus comme psychologues.

Ce fut une bataille de plus de 60 ans pour notre association professionnelle, de pouvoir acquérir cette reconnaissance statutaire et de nous dégager de la pédagogie et de l'enseignement dont nous sommes issus. C'est pour cela qu'aujourd'hui, d'ailleurs, nous sommes appelés psychologues de l'Éducation nationale et non plus psychologues scolaires.

Nos missions sont très récentes et datent de 2017. Ce sont des missions classiques de participer à la réussite éducative de tous les élèves, de favoriser leur bien-être, de soutenir les équipes, de participer à l'école inclusive, de participer au repérage des troubles des apprentissages. Nous sommes aussi des acteurs dans la gestion des situations de crise, notamment à la suite d'agressions ou de catastrophes naturelles.

Les missions sont assez variées et nombreuses. D'ailleurs, elles n'étaient pas entièrement reprises dans le rapport de la Cour des comptes, qui retenait selon nous une approche un peu trop médicalisante des difficultés scolaires. Nos missions sont bien plus importantes.

Nous disposons d'un concours spécifique de recrutement depuis très peu de temps, depuis 2017. Nous ne connaissons aucun problème de recrutement puisqu'au dernier concours, 600 personnes se sont présentées pour environ 120 postes de psychologue dans le premier degré.

C'est bien plutôt le nombre de places offertes au concours qui est problématique. Jusqu'à présent, il fallait être enseignant, réussir le concours des écoles dans le premier degré, et avoir une licence et un master de psychologie. Cela a créé une sorte de pénurie qui n'existe plus.

En revanche, nous sommes nous aussi en situation de sous-effectifs. Le rapport Moro-Brison de 2016 notait qu'en France, il y avait un psychologue pour 1 600 élèves alors que la moyenne européenne était d'un psychologue pour 800 élèves. Le compte n'y est pas. Ce métier est pourtant attractif, avec de nombreux candidats qui se présentent.

La réalité du terrain fait que depuis la loi de 2005, nous sommes très absorbés par la scolarisation des enfants en situation de handicap. Nous participons beaucoup au repérage, nous réalisons beaucoup de bilans et d'examens psychologiques, et cela se révèle très chronophage.

Nous ne pouvons que nous satisfaire de la progression de l'inclusion des enfants en situation de handicap. Cependant, force et de constater que nos effectifs ne se sont pas accrus en conséquence. Tous les axes de prévention deviennent donc de plus en plus inexistants. Ainsi, il est devenu compliqué de mettre en œuvre des actes de prévention du harcèlement scolaire. Nous manquons de temps.

L'une de nos difficultés provient du fait que nous venons du corps enseignant et que notre supérieur hiérarchique reste l'inspecteur de l'Éducation nationale de circonscription, qui organise l'ensemble du travail pour les enseignants. Or, ce n'est pas un professionnel de la psychologie. Nous avons bien vu que pendant cette crise sanitaire, cela a pu contribuer au mésemploi de notre fonction et de nos missions. Nous avons été sollicités sur le bilan plutôt que sur le soutien aux équipes, qui est pourtant l'une de nos compétences. Nous sommes au service de tous les enfants et de tous les acteurs de l'institution.

Nous souffrons beaucoup dans le premier degré de l'absence de nos collègues ici présents. Les infirmiers et les médecins sont très peu présents dans les écoles élémentaires, et nous n'avons pas d'assistante sociale. Elles sont exclusivement dans le second degré et elles nous manquent beaucoup.

Pendant la crise sanitaire, nous avons beaucoup travaillé avec les enseignants qui étaient au contact des familles. Nous étayions les enseignants dans les situations de crispation et nous aurions apprécié de pouvoir compter sur nos collègues assistantes sociales.

Nous sommes nous aussi très attachés à la proximité. Il est important pour nous d'être dans les établissements et au cœur des équipes. C'est une reconnaissance de la part des enseignants, qui sont les premiers acteurs auprès des enfants.

Nous sommes très attachés à la proximité et à la gratuité des services des psychologues de l'Éducation nationale dans l'école de la République. Dans le premier degré et la maternelle, nous sommes souvent les premières personnes que rencontrent les familles face à la difficulté.

Le suivi psychologique à l'école constitue également l'une de nos missions. Ce n'est pas une prise en charge thérapeutique, il s'agit d'accompagner les enfants et les familles. C'est nécessaire et nous essayons donc de préserver malgré tout cette mission.

Permalien
Patricia Colson, secrétaire générale du Syndicat national des médecins de santé publique de l'éducation nationale (SNAMSPEN/Sgen-CFDT)

Je voulais revenir sur le problème de remontée des statistiques et des indicateurs qui a été mentionné – sans que l'on puisse parler de boycott. Nous nous sommes positionnés sur notre action et sur les chiffres que nous remontions quand nous nous sommes aperçus que ces chiffres étaient exploités sans la rigueur scientifique nécessaire.

Alors que nous devions remplir des fichiers en fin d'année scolaire sur une activité, en amont de celle-ci, sans définition de modalités de recueil et sans définition des modalités de réponse, il nous a semblé ahurissant de donner des chiffres qui pouvaient être renseignés de n'importe quelle façon, sans outil numérique pour le faire. Par ailleurs, ces chiffres nous auraient demandé de recueillir des données de santé dans des dossiers plus ou moins éparpillés, d'autant plus que notre activité clinique est conséquente. Nous sommes chargés des travaux réglementés, des PAI, des troubles du comportement, des examens à la demande, etc.

Toutes ces données d'activité ne pouvaient pas être recueillies car notre logiciel est récent et ne fait pas l'unanimité parmi les médecins. Il y a notamment des zones blanches où il ne peut pas être utilisé, et des bugs informatiques. Nous avons donc voulu alerter notre administration sur le fait que ces remontées de chiffres n'étaient ni probantes ni justes par rapport à ce qui était demandé.

Nous avons, à plusieurs reprises, proposé à la DGESCO des indicateurs de santé qui recoupent notre activité, notamment sur les troubles du comportement et les difficultés scolaires.

Nous voyons bien qu'il y a une nécessité de savoir à quoi nous sommes employés. Cependant, il y a aussi une nécessité de savoir ce pour quoi nous sommes sollicités.

Nous ne sommes jamais parvenus à un accord avec notre ministère pour pouvoir construire des indicateurs de santé, exactement comme ma collègue infirmière le réclame. Notre logiciel n'est pas fonctionnel ni ergonomique. Il n'a pas été construit avec les médecins de secteur.

Il existe pourtant des logiciels adaptés à l'activité médicale, qui nous conviendraient. Sinon, le DMP (dossier médical partagé) pourrait aussi être mobilisé. Il faut pouvoir partager les informations.

Nos collègues infirmiers ne veulent pas devenir fonctionnels. Nous sommes le seul service qui s'occupe de santé où aucun lien fonctionnel ne serait nécessaire. Ce n'est pas entendable.

Lorsqu'ils s'occupent d'enfants, nos collègues infirmiers acceptent d'échanger avec les enseignants, les psychologues, avec tout le monde. Mais dès lors qu'il s'agit d'échanger et d'adresser au médecin, cela crée un problème. Les médecins de l'Éducation nationale sont les mieux à même de traiter de tout ce qui est du registre de la difficulté scolaire et pourtant, ils ne nous adressent pas les enfants. Il ne nous paraît pas pertinent d'adresser à l'extérieur des enfants qui pourraient bénéficier d'une expertise par le médecin de l'Éducation nationale.

Nous ne sommes pas nombreux mais quand l'écoute a montré ses limites, que la difficulté scolaire persiste et que les prises en charge ne sont pas faites, il faut faire intervenir le médecin de l'Éducation nationale.

Par ailleurs, des outils numériques existent et permettraient des temps de concertation à distance. Toute la question est donc de savoir s'il existe une volonté de travailler ensemble. Malheureusement, nous en doutons.

Quant à la visite de 6 ans comme celle de 12 ans, nous regrettons que les infirmières ne réalisent plus la partie du bilan infirmier. Elles sont tout à fait à même d'effectuer un bilan sensoriel et d'échanger avec les familles. La perte de cette expertise nous oblige à réaliser ces actes nous-mêmes, alors que notre expertise serait mieux utilisée si nous nous consacrions plutôt à des examens cliniques ou à des diagnostics des difficultés réelles qui existent.

Nos collègues infirmières sont peu présentes dans le premier degré, c'est une réalité. Je conçois donc qu'elles ne puissent pas organiser le suivi de nos bilans médicaux, faute d'outils et de documents partagés. C'est un vrai problème de ne pas disposer d'un outil numérique partagé entre professionnels car le carnet de santé n'est pas totalement investi par toutes les familles, notamment en cas de difficultés intrafamiliales et de suspicion de violences.

Quoi qu'il en soit, le lien fonctionnel me semble indispensable. Les professionnels qui s'occupent d'un même enfant doivent pouvoir se concerter et aucun d'entre eux ne doit prendre de décision ou évaluer une situation en faisant fi des expertises des autres.

Permalien
François Simon, du Syndicat national des infirmiers

Je ne suis pas totalement d'accord avec Mme Colson, qui affirme que les liens fonctionnels sont inexistants. Ainsi, il me semble qu'un lien existe dans le cadre de l'élaboration des PAI.

Nous voulons surtout conserver notre autonomie professionnelle, sans ascendance médicale.

Je voulais aussi revenir sur la difficulté du suivi infirmier. Ce suivi est parfois très compliqué lorsqu'il n'y a pas eu de dépistage médical en amont. Dans certaines situations et dans certains départements, des élèves n'ont jamais été dépistés par un médecin. La priorité est accordée aux REP (réseaux d'éducation prioritaire) et aux REP+, en occultant les difficultés qui pourraient exister dans les autres secteurs.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie pour ces échanges très intenses.

Pour conclure, nous observons une hétérogénéité des pratiques et nous constatons que vous avez besoin d'une meilleure reconnaissance de vos expertises. J'ai bien entendu également que nous étions très en retard au niveau du partage des données

Je crois que la solution se trouve dans la concertation. Vous êtes tous au service de la réussite éducative et si vous ne l'oubliez pas, vous êtes capables de vous réunir et de réfléchir ensemble.

Cette commission d'enquête nous permet d'insister sur les problématiques qui existaient déjà avant la crise du covid et que cette dernière a exacerbées. C'est une opportunité de relayer toutes ces problématiques et ces préconisations que vous faites.

J'espère que nous avancerons, autant sur la concertation dans les territoires que dans la complémentarité des expertises de chacun.

Ce qu'il faut retenir, c'est que nous avons tous envie d'aller dans le même sens, celui de la réussite éducative de nos enfants.

La réunion se termine à dix-sept heures quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Réunion du jeudi 15 octobre 2020 à 15 heures 30

Présentes. – Mme Marie-George Buffet, Mme Christine Cloarec, Mme Albane Gaillot, Mme Florence Provendier