À l'instar de ma collègue, je vous confirme qu'il existe un problème de recrutement et d'attractivité des postes de médecin de l'Éducation nationale.
Malgré les efforts budgétaires qui ont été concédés par le ministère de l'Éducation nationale, celui-ci se retrouve avec un problème qui n'est pas dans ses attributions, la répartition de l'offre médicale en France. C'est un problème récurrent que le ministère de l'Éducation nationale ne peut pas résoudre seul.
Pour ce qui est du poste d'infirmier, c'est la première fois que nous observons des difficultés de recrutement à l'Éducation nationale. Nous commençons à observer des démissions et des demandes de disponibilité liées à une surcharge de travail et à un manque de reconnaissance mais jusqu'à présent, le recrutement des infirmiers de l'Éducation nationale n'a jamais été un problème. Le problème est plutôt celui d'un manque de postes ouverts au concours.
Je vous remercie par ailleurs de signaler que nous sommes des acteurs essentiels. Les infirmiers luttent et militent depuis des années pour faire valoir leurs missions. À ce sujet, je suis plutôt étonnée par votre redéfinition des missions. Nous ne demandons pas cette redéfinition mais plutôt des créations de postes et un renforcement de notre formation.
Nos missions ont été redéfinies en 2015, les missions des médecins également. Quant à celles des psychologues et des assistantes sociales, elles l'ont été récemment. Ce n'est pas un défaut de textes et de missions mais un problème d'application de textes. Je pense notamment à la circulaire sur la politique éducative, sociale et de santé, qui parle des instances de gouvernance et de la remontée des indicateurs de santé.
À notre grand regret, nous ne pouvons pas avoir une remontée d'indicateurs fiables, et encore moins à cette rentrée. Le logiciel infirmier qui nous permet de rentrer toutes nos données doit dater d'avant les années 2000. Il est vraiment obsolète, très difficile d'usage, et il ne permet pas une extraction statistique efficace. Il y a un gros problème sur les indicateurs statistiques qui provient de l'obsolescence des outils numériques. Le logiciel des médecins a été rénové il y a deux ans alors que le nôtre est suspendu depuis 2017.
J'ajouterai que nos collègues ont été très indignés par le rapport de la Cour des comptes qui laisse entendre que les infirmiers boycotteraient les statistiques infirmières. Je tiens à signaler qu'il n'y a eu aucun mot d'ordre des syndicats d'infirmiers de l'Éducation nationale à ce sujet. Les médecins et les assistants sociaux ont bloqué les indicateurs mais les infirmiers de l'Éducation nationale ont toujours tenu à remonter leurs indicateurs de santé. Il y a eu une grève administrative mais ce ne sont pas les infirmières qui ne voulaient pas rendre compte de l'état de santé des jeunes ni de leur activité.
Concernant le rapport de la Cour des comptes, j'ajouterai que les 18 millions de consultations infirmières réalisées chaque année ne méritent pas d'être qualifiées de « médiocres ».
J'ai regardé avec attention le rapport de Mme Michèle Peyron sur la protection maternelle et infantile (PMI). C'est un rapport riche, qui m'a permis d'avoir un regard différencié sur ce que pourrait être une organisation de type « service » et sur son efficacité. Il se trouve que nos collègues de la PMI partagent les revendications des infirmiers de l'Éducation nationale, et demandent une reconnaissance et une formation qui leur permettent d'être efficaces dans leur travail et dans leurs consultations de premier recours. Un lien fonctionnel ne peut le permettre.
Le rapport Peyron montre aussi que 2 000 médecins réalisent 700 000 consultations à la PMI, soit une consultation toutes les quatre heures. Nous avons donc souhaité que le bilan de la sixième année soit une consultation médicale effectuée par les médecins de l'Éducation nationale. C'est un des bilans les plus importants et une expertise médicale est nécessaire.
Par contre, nous avons aussi été partisans d'une diminution du nombre de visites médicales, eu égard au nombre de médecins. Nous sommes ainsi passés de cinq visites médicales à une visite à 6 ans et au bilan infirmier de la 12ème année. Je préciserai que ce bilan infirmier n'est pas effectué à 62 % comme l'indique la Cour des comptes, mais plutôt à 89 %, comme en témoigne l'enquête statistique de notre syndicat sur un panel représentatif d'infirmières. Je pense que la Cour des comptes a comptabilisé l'école privée, où les infirmières de l'Éducation nationale n'interviennent pas.
La Cour des comptes retient une logique de taux d'encadrement, qui n'est pas adaptée à une réflexion sur l'offre et la permanence des soins. Même s'il n'y a que 15 élèves dans un établissement, il faut qu'il y ait une personne qui puisse les écouter. Il est alors possible de se retrouver avec les disparités que pointe la Cour des comptes, qui ne saisit pas la logique d'implantation des postes. Cependant, il existe une logique de territoire et de population à couvrir qui ne peut être réduite au seul calcul du taux d'encadrement.
Je voudrais poursuivre sur le bilan de 6 ans. L'arrêté du 3 novembre qui est dénoncé par la Cour des comptes prévoit clairement l'intervention différenciée du médecin et de l'infirmier, de façon à ne plus mobiliser deux personnels sur un même examen. De plus, contrairement à ce qui est dit, le suivi est prévu.
S'il a été décidé de réaliser un examen médical à 6 ans, c'est parce qu'auparavant il s'agissait d'un bilan informel qui a montré toutes les difficultés de l'adressage et l'engorgement des professionnels. Une infirmière n'est pas formée aux troubles d'apprentissage mais aux troubles du langage et donc à défaut, elle oriente la famille pour avoir l'avis d'un spécialiste.
Ce qui était observé et qui faisait défaut, c'était réellement le suivi de ces examens. C'est ce que précise cet arrêté. Pour la première fois, le contenu des examens de santé qui sont obligatoires au sein de l'Éducation nationale est précisé dans la loi et ces examens deviennent un droit. Le suivi et la coordination y sont inscrits.
C'est vrai que nous avons des difficultés à obtenir de la part de nos collègues les bilans qu'ils ont réalisés et le suivi que nous devons mettre en place. Je ne pense pas qu'un lien fonctionnel améliore la situation.
Les infirmières travaillent dans l'humain et ne refusent pas une organisation fonctionnelle par principe ou parce qu'elles auraient pris goût à l'autonomie, comme le laisse entendre le rapport de la Cour des comptes. Les infirmières de l'Éducation nationale sont en poste dans les établissements depuis l'après-guerre et non pas depuis la dissolution du service de santé scolaire.
Nous avons développé sur la base de notre rôle propre – nous avons toujours été dans les établissements – une capacité, une consultation spécifique des infirmières qui rend service à l'élève et qui est d'ailleurs plébiscitée par les élèves et leurs familles. Nous avons développé une compétence par rapport à un public cible et avec un objectif particulier.
Nous avons récemment saisi le Défenseur des droits sur cette question, puisque la question de la possibilité pour un élève mineur de consulter sans l'autorisation de ses parents est posée.
Nous avons développé une consultation spécifique qui repose sur le rôle propre infirmier et qui ne nécessite pas de lien fonctionnel. Notre champ d'intervention à l'Éducation nationale n'est pas un champ médical. Nous n'intervenons pas uniquement sur une population malade.
Lorsque nous intervenons sur une population malade, cela concerne 10 % des élèves et là, c'est la prérogative des médecins avec la mise en place des PAI (projet d'accueil individualisé), des bilans et des évaluations des besoins. Nous y participons néanmoins puisque nous appliquons et nous mettons en œuvre les PAI, nous évaluons les besoins des publics à besoins particuliers, de l'école inclusive et des élèves handicapés. Bien évidemment, nous travaillons en partenariat.
Ce que nous refusons dans une organisation de type « service de santé scolaire », c'est de médicaliser l'action des infirmiers. C'est de nous sortir d'une consultation libre destinée à des enfants qui ne sont pas reconnus malades mais qui viennent librement consulter parce qu'ils ont des troubles de la santé, mais non une maladie. C'est ce qu'une orientation de type « service » mettrait en défaut.
C'est la raison pour laquelle les infirmières souhaitent rester sous la hiérarchie des chefs d'établissement et ne souhaitent pas de lien fonctionnel. Les infirmiers de l'Éducation nationale ont choisi de rester au sein des établissements scolaires, non pas par confort mais parce que dans les établissements, toute la communauté éducative est présente. C'est en faisant partie du lieu de vie de l'élève que ce dernier nous reconnaît et nous consulte.
C'est comme cela que nous sommes arrivés à 18 millions de consultations et qu'en plus du bilan de 12 ans, nous réalisons chaque année 400 000 examens à la demande des élèves et des orientations. Une consultation sur trois amène l'infirmière à être en lien avec un autre professionnel ou un autre partenaire, dont les familles.
Nous souhaitons donc renforcer la consultation infirmière sur le premier degré. Sur le second degré, des groupes de suivi se sont mis en place.
Sur le premier degré, nous avons de grosses difficultés liées au fait que les enseignants ont toujours la charge d'une classe. Il est donc très difficile d'organiser une réunion d'équipe. Les rencontres en dehors des horaires de travail sont possibles mais elles restent compliquées.
Sur la reconnaissance de la consultation infirmière, je retiendrai la proposition de renforcer la prescription sur des dispositifs de dépistage et de prévention. Nous ne demandons pas des actes supplémentaires, nous souhaitons plutôt faciliter le parcours des jeunes quand ils se rendent à l'infirmerie, notamment les tests d'auto-dépistage qui sont faits dans le milieu associatif ou la contraception.
Il y avait aussi le renforcement de la délivrance des médicaments d'usage courant, où nous avons un rôle éducatif pour apprendre aux jeunes à ne pas prendre ou à prendre à bon escient le médicament. Un article avait été voté à l'unanimité des groupes dans la loi sur l'école de la confiance mais avait été considéré comme un cavalier législatif. Nous y serions favorables, en plus de la reconnaissance de notre action auprès du grand public.
La mallette des parents ne contient toujours rien sur l'action des infirmières de l'Éducation nationale. Nous sommes connues sur le terrain mais il est quand même regrettable que l'Éducation nationale se prive d'informer l'ensemble de ses partenaires de la possibilité d'une consultation à l'Éducation nationale.
Je signalerai également que la démarche partenariale est renforcée depuis 2015. Ce n'est pas l'infirmière seule avec le chef d'établissement au sein du Comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) qui définit le projet de santé. Le CESC est élaboré en interaction et en cohérence avec les autres politiques de santé publique.