Intervention de Laurent Chazelas

Réunion du jeudi 15 octobre 2020 à 15h30
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Laurent Chazelas, président de l'Association française des psychologues de l'éducation nationale (AFPEN) :

Je vous remercie d'avoir signalé que nous étions des acteurs essentiels. Nous sommes des personnels qui sont éventuellement des accompagnateurs auprès des enfants, des familles, des enseignants.

Nous sommes sans doute le plus jeune corps de la fonction publique puisque nous avons été créés en février 2017. Ce nouveau corps a associé deux anciens métiers, les psychologues scolaires du premier degré qui étaient issus du corps enseignant et les conseillers d'orientation ou psychologues du second degré qui étaient déjà reconnus comme psychologues.

Ce fut une bataille de plus de 60 ans pour notre association professionnelle, de pouvoir acquérir cette reconnaissance statutaire et de nous dégager de la pédagogie et de l'enseignement dont nous sommes issus. C'est pour cela qu'aujourd'hui, d'ailleurs, nous sommes appelés psychologues de l'Éducation nationale et non plus psychologues scolaires.

Nos missions sont très récentes et datent de 2017. Ce sont des missions classiques de participer à la réussite éducative de tous les élèves, de favoriser leur bien-être, de soutenir les équipes, de participer à l'école inclusive, de participer au repérage des troubles des apprentissages. Nous sommes aussi des acteurs dans la gestion des situations de crise, notamment à la suite d'agressions ou de catastrophes naturelles.

Les missions sont assez variées et nombreuses. D'ailleurs, elles n'étaient pas entièrement reprises dans le rapport de la Cour des comptes, qui retenait selon nous une approche un peu trop médicalisante des difficultés scolaires. Nos missions sont bien plus importantes.

Nous disposons d'un concours spécifique de recrutement depuis très peu de temps, depuis 2017. Nous ne connaissons aucun problème de recrutement puisqu'au dernier concours, 600 personnes se sont présentées pour environ 120 postes de psychologue dans le premier degré.

C'est bien plutôt le nombre de places offertes au concours qui est problématique. Jusqu'à présent, il fallait être enseignant, réussir le concours des écoles dans le premier degré, et avoir une licence et un master de psychologie. Cela a créé une sorte de pénurie qui n'existe plus.

En revanche, nous sommes nous aussi en situation de sous-effectifs. Le rapport Moro-Brison de 2016 notait qu'en France, il y avait un psychologue pour 1 600 élèves alors que la moyenne européenne était d'un psychologue pour 800 élèves. Le compte n'y est pas. Ce métier est pourtant attractif, avec de nombreux candidats qui se présentent.

La réalité du terrain fait que depuis la loi de 2005, nous sommes très absorbés par la scolarisation des enfants en situation de handicap. Nous participons beaucoup au repérage, nous réalisons beaucoup de bilans et d'examens psychologiques, et cela se révèle très chronophage.

Nous ne pouvons que nous satisfaire de la progression de l'inclusion des enfants en situation de handicap. Cependant, force et de constater que nos effectifs ne se sont pas accrus en conséquence. Tous les axes de prévention deviennent donc de plus en plus inexistants. Ainsi, il est devenu compliqué de mettre en œuvre des actes de prévention du harcèlement scolaire. Nous manquons de temps.

L'une de nos difficultés provient du fait que nous venons du corps enseignant et que notre supérieur hiérarchique reste l'inspecteur de l'Éducation nationale de circonscription, qui organise l'ensemble du travail pour les enseignants. Or, ce n'est pas un professionnel de la psychologie. Nous avons bien vu que pendant cette crise sanitaire, cela a pu contribuer au mésemploi de notre fonction et de nos missions. Nous avons été sollicités sur le bilan plutôt que sur le soutien aux équipes, qui est pourtant l'une de nos compétences. Nous sommes au service de tous les enfants et de tous les acteurs de l'institution.

Nous souffrons beaucoup dans le premier degré de l'absence de nos collègues ici présents. Les infirmiers et les médecins sont très peu présents dans les écoles élémentaires, et nous n'avons pas d'assistante sociale. Elles sont exclusivement dans le second degré et elles nous manquent beaucoup.

Pendant la crise sanitaire, nous avons beaucoup travaillé avec les enseignants qui étaient au contact des familles. Nous étayions les enseignants dans les situations de crispation et nous aurions apprécié de pouvoir compter sur nos collègues assistantes sociales.

Nous sommes nous aussi très attachés à la proximité. Il est important pour nous d'être dans les établissements et au cœur des équipes. C'est une reconnaissance de la part des enseignants, qui sont les premiers acteurs auprès des enfants.

Nous sommes très attachés à la proximité et à la gratuité des services des psychologues de l'Éducation nationale dans l'école de la République. Dans le premier degré et la maternelle, nous sommes souvent les premières personnes que rencontrent les familles face à la difficulté.

Le suivi psychologique à l'école constitue également l'une de nos missions. Ce n'est pas une prise en charge thérapeutique, il s'agit d'accompagner les enfants et les familles. C'est nécessaire et nous essayons donc de préserver malgré tout cette mission.

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