Intervention de Patricia Colson

Réunion du jeudi 15 octobre 2020 à 15h30
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Patricia Colson, secrétaire générale du Syndicat national des médecins de santé publique de l'éducation nationale (SNAMSPEN/Sgen-CFDT) :

Je voulais revenir sur le problème de remontée des statistiques et des indicateurs qui a été mentionné – sans que l'on puisse parler de boycott. Nous nous sommes positionnés sur notre action et sur les chiffres que nous remontions quand nous nous sommes aperçus que ces chiffres étaient exploités sans la rigueur scientifique nécessaire.

Alors que nous devions remplir des fichiers en fin d'année scolaire sur une activité, en amont de celle-ci, sans définition de modalités de recueil et sans définition des modalités de réponse, il nous a semblé ahurissant de donner des chiffres qui pouvaient être renseignés de n'importe quelle façon, sans outil numérique pour le faire. Par ailleurs, ces chiffres nous auraient demandé de recueillir des données de santé dans des dossiers plus ou moins éparpillés, d'autant plus que notre activité clinique est conséquente. Nous sommes chargés des travaux réglementés, des PAI, des troubles du comportement, des examens à la demande, etc.

Toutes ces données d'activité ne pouvaient pas être recueillies car notre logiciel est récent et ne fait pas l'unanimité parmi les médecins. Il y a notamment des zones blanches où il ne peut pas être utilisé, et des bugs informatiques. Nous avons donc voulu alerter notre administration sur le fait que ces remontées de chiffres n'étaient ni probantes ni justes par rapport à ce qui était demandé.

Nous avons, à plusieurs reprises, proposé à la DGESCO des indicateurs de santé qui recoupent notre activité, notamment sur les troubles du comportement et les difficultés scolaires.

Nous voyons bien qu'il y a une nécessité de savoir à quoi nous sommes employés. Cependant, il y a aussi une nécessité de savoir ce pour quoi nous sommes sollicités.

Nous ne sommes jamais parvenus à un accord avec notre ministère pour pouvoir construire des indicateurs de santé, exactement comme ma collègue infirmière le réclame. Notre logiciel n'est pas fonctionnel ni ergonomique. Il n'a pas été construit avec les médecins de secteur.

Il existe pourtant des logiciels adaptés à l'activité médicale, qui nous conviendraient. Sinon, le DMP (dossier médical partagé) pourrait aussi être mobilisé. Il faut pouvoir partager les informations.

Nos collègues infirmiers ne veulent pas devenir fonctionnels. Nous sommes le seul service qui s'occupe de santé où aucun lien fonctionnel ne serait nécessaire. Ce n'est pas entendable.

Lorsqu'ils s'occupent d'enfants, nos collègues infirmiers acceptent d'échanger avec les enseignants, les psychologues, avec tout le monde. Mais dès lors qu'il s'agit d'échanger et d'adresser au médecin, cela crée un problème. Les médecins de l'Éducation nationale sont les mieux à même de traiter de tout ce qui est du registre de la difficulté scolaire et pourtant, ils ne nous adressent pas les enfants. Il ne nous paraît pas pertinent d'adresser à l'extérieur des enfants qui pourraient bénéficier d'une expertise par le médecin de l'Éducation nationale.

Nous ne sommes pas nombreux mais quand l'écoute a montré ses limites, que la difficulté scolaire persiste et que les prises en charge ne sont pas faites, il faut faire intervenir le médecin de l'Éducation nationale.

Par ailleurs, des outils numériques existent et permettraient des temps de concertation à distance. Toute la question est donc de savoir s'il existe une volonté de travailler ensemble. Malheureusement, nous en doutons.

Quant à la visite de 6 ans comme celle de 12 ans, nous regrettons que les infirmières ne réalisent plus la partie du bilan infirmier. Elles sont tout à fait à même d'effectuer un bilan sensoriel et d'échanger avec les familles. La perte de cette expertise nous oblige à réaliser ces actes nous-mêmes, alors que notre expertise serait mieux utilisée si nous nous consacrions plutôt à des examens cliniques ou à des diagnostics des difficultés réelles qui existent.

Nos collègues infirmières sont peu présentes dans le premier degré, c'est une réalité. Je conçois donc qu'elles ne puissent pas organiser le suivi de nos bilans médicaux, faute d'outils et de documents partagés. C'est un vrai problème de ne pas disposer d'un outil numérique partagé entre professionnels car le carnet de santé n'est pas totalement investi par toutes les familles, notamment en cas de difficultés intrafamiliales et de suspicion de violences.

Quoi qu'il en soit, le lien fonctionnel me semble indispensable. Les professionnels qui s'occupent d'un même enfant doivent pouvoir se concerter et aucun d'entre eux ne doit prendre de décision ou évaluer une situation en faisant fi des expertises des autres.

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