Intervention de Geneviève Avenard

Réunion du jeudi 29 octobre 2020 à 9h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Geneviève Avenard, adjointe au défenseur des droits, vice-présidente du collège chargé de la défense et de la promotion des droits de l'enfant jusqu'en juillet 2020 :

Je le jure. Bonjour à toutes et à tous. Je vous remercie vivement de m'avoir invitée à intervenir sur des sujets qui m'ont en effet beaucoup occupée durant le premier semestre de cette année. Dans le cadre de ma fonction d'adjointe au défenseur des droits, M. Jacques Toubon, j'ai établi avec ce dernier une synthèse de nos travaux, qui figure toujours sur notre site. J'ai également été vice-présidente du réseau européen des défenseurs des enfants, qui compte quarante-quatre membres, de 2018 à 2019. J'ai notamment porté un rapport sur la santé mentale des enfants et des adolescents dans ce cadre. Nous avons beaucoup travaillé sur les conséquences du covid 19 sur les droits des enfants et sur leur intérêt supérieur. Le réseau travaille cette année sur le thème suivant que j'avais proposé : Covid 19, quelles leçons pour l'avenir, notamment pour les défenseurs des enfants ?

Mon mandat de défenseur des enfants s'étant achevé le 16 juillet dernier, je me limiterai dans mon propos aux constats que j'ai formulés au premier semestre de l'année. Durant la première phase de la crise sanitaire, j'ai été en contact permanent avec les institutions et les associations non seulement au niveau national, mais aussi et surtout au niveau local. Il est en effet très important de pouvoir apprécier de près les difficultés rencontrées par les enfants et leurs familles. Il appartiendra au prochain défenseur des enfants d'enrichir et de mettre à jour les observations que je m'apprête à formuler.

Mais je souhaiterais d'abord saluer la création de votre commission d'enquête. Elle jouera un rôle d'autant plus important que les enfants n'ont pas forcément été considérés comme il aurait fallu. Il y a à cela au moins deux raisons : le contexte inédit et la nécessité de prendre des décisions en urgence. Néanmoins, le virus n'a pas discriminé, il a touché l'ensemble de la population, y compris les enfants. Ces derniers ont été fortement impactés dans leur vie quotidienne, qu'il s'agisse de l'école, des loisirs, des activités physiques ou des relations amicales. Le contexte sanitaire hautement anxiogène a pesé sur leur entourage familial, leurs parents et leurs grands-parents. Le confinement a influé sur leur bien-être physique et mental. Lorsqu'on les interroge, les enfants disent tous avoir éprouvé de vives inquiétudes pour leur famille et pour eux-mêmes. Par ailleurs, le confinement a accru la précarité et l'isolement de certaines familles, entraînant un renforcement des inégalités sociales et territoriales. Il a également pu exacerber les risques de violence. Avec la fermeture des écoles et des lieux de vie, on ne disposait plus du regard extérieur nécessaire permettant de se soustraire au huis clos familial et de protéger les enfants. Dès 2005, l'Organisation mondiale de la santé établissait un lien entre les épisodes de catastrophes naturelles et la hausse des violences, notamment celles exercées sur les enfants. De manière générale, cette crise sanitaire nous renseigne sur la place que nos sociétés accordent aux plus fragiles. Or, la valeur d'une société se mesure à la place faite à ses membres les plus vulnérables.

Dans le contexte inédit de la pandémie, l'enfant et l'adolescent sont insuffisamment pris en considération dans leurs besoins, dans leurs droits et dans leur intérêt supérieur. Ce constat n'est malheureusement pas nouveau. Durant les six années qu'a duré mon mandat de défenseur des enfants, je me suis employée à informer et à sensibiliser aux droits et à l'intérêt supérieur de l'enfant. J'ai tâché de faire comprendre ce que la Convention internationale des droits de l'enfant impose aux pays qui en sont signataires. Comme vous le savez, la quasi-totalité des pays a ratifié la convention. Or, plus de trente ans après l'adoption de la convention, les enfants ne sont toujours pas considérés comme des membres à part entière de la cité. La crise a selon moi mis en lumière cette lacune. J'en prendrai un exemple clair : au tout début du confinement, l'accès à certains supermarchés était refusé à des parents au motif qu'ils étaient accompagnés d'enfants, alors perçus comme des vecteurs de contamination. Les dispositions prises étaient totalement contraires aux droits des enfants. Il était demandé aux parents de laisser leurs enfants parfois très jeunes à l'entrée du magasin sous la surveillance de personnes qu'ils ne connaissaient pas. Ces mesures traduisent une totale méconnaissance des besoins de l'enfant.

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