Intervention de Geneviève Avenard

Réunion du jeudi 29 octobre 2020 à 9h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Geneviève Avenard, adjointe au défenseur des droits, vice-présidente du collège chargé de la défense et de la promotion des droits de l'enfant jusqu'en juillet 2020 :

Merci pour vos questions. Je crois profondément à l'intérêt d'un temps de débat avec les enfants. Je suis intimement convaincue que si nous donnons aux enfants la possibilité de s'exprimer, et à condition que nous leur ayons communiqué les informations nécessaires à une connaissance minimale du sujet, nous sommes surpris par la richesse de leurs idées et par leur enthousiasme. Cela va à l'encontre de ce que nous pouvons entendre sur le manque d'engagement des jeunes. Je n'ai rien observé de tel durant mes échanges avec les enfants et ils ont été nombreux, car ces rencontres étaient une priorité pour moi.

C'est en me fondant sur cette conviction que j'ai proposé à Jacques Toubon de nous appuyer sur la parole des enfants pour approfondir et éclairer notre travail. Nous avons alors lancé en 2019 une consultation auprès de 2 200 enfants âgés de quatre à dix-huit ans, en lien avec une cinquantaine d'associations ou d'institutions. La consultation s'intitulait « j'ai des droits, entends-moi ». Elle a permis aux enfants interrogés de s'exprimer, de témoigner et d'émettre des propositions d'amélioration quant à leurs droits. Nous avons recueilli au total 276 propositions qui ont été rassemblées en un rapport. Etant donné que nous souhaitions nous adresser en priorité aux enfants les plus vulnérables, nous avons interrogé une proportion importante d'enfants qui relevaient de la protection de l'enfance, des enfants roms et des enfants en situation de pauvreté. La consultation s'est déroulée sous forme d'ateliers débats. Nous avons formé en amont les accompagnateurs des enfants interrogés. Nous avons été bluffés par la qualité, la pertinence et la justesse de leurs propos. Nous avons également été émus par ce qu'ils disaient, parfois aux larmes, car certains témoignages nous renvoyaient à nos responsabilités d'adultes et aux défaillances de notre action. 70 % des enfants que nous avons consultés n'avaient jamais entendu parler de leurs droits. Beaucoup d'entre eux pensaient que leur demander leur avis était une plaisanterie.

Créer les conditions d'un dialogue entre adultes et enfants est un enjeu crucial, la marge de progression étant immense dans ce domaine. L'école est évidemment un lieu important pour accueillir ces dialogues. Cela étant, une telle démarche ne s'improvise pas. Par exemple, nous devrons tenir parole par rapport à ce que nous disons aux enfants. Nous avons notamment travaillé à l'élaboration d'une charte éthique. L'organisation de dialogues avec les enfants à l'école pourrait être un moyen d'ouvrir l'école à d'autres acteurs. Le défenseur des droits compte des ambassadeurs des droits qui sensibilisent chaque année entre 40 000 et 50 000 enfants à leurs droits. Étant donné que ces ambassadeurs n'existent pas dans tous les départements, le défenseur des droits a créé il y a trois ans un programme nommé « Educadroit » qui vise à sensibiliser les enfants non seulement à leurs droits, mais au droit en général. Il explique notamment comment le droit permet de régir les relations entre les membres de la société sans recourir à la violence. Le projet Educadroit est mené sur l'ensemble du territoire national avec un certain nombre de partenaires associatifs, en particulier des juristes et des associations de défense des droits des enfants. L'éducation nationale pourrait s'appuyer sur ces acteurs. Cela se fait déjà lorsque des avocats sont accueillis dans des écoles, par exemple. La démarche doit se renforcer. Dans un communiqué de presse publié à la suite de l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine, Claire Hédon, actuelle défenseure des droits, a indiqué qu'elle était à la disposition de l'éducation nationale pour avancer sur le sujet.

Nous pouvons donc envisager à la fois une action directe du défenseur des droits et de ses équipes et une action plus collective et partenariale. Cette ouverture me semble indispensable, notamment pour les personnels de l'éducation nationale qui ne peuvent opérer sur tous les fronts et ne sont pas compétents dans tous les domaines.

Le site internet a été mis en place dans le cadre de la consultation « j'ai des droits, entends-moi ». Nous ne l'avons pas ouvert à l'époque à une consultation plus générale ou à des saisines. La question de son ouverture était en discussion lorsque je suis partie. Je n'en sais donc pas plus sur ce point. Je n'ai pas souvenance de saisines ou d'appels d'enfants durant la pandémie. En revanche, s'agissant du mode de fonctionnement, les enfants peuvent nous saisir soit en remplissant un formulaire sur le site, soit par téléphone. Le taux de saisine est pour le moment assez modeste. Il s'agit donc de mieux faire connaître l'institution aux enfants et de leur expliquer qu'ils peuvent la saisir. Les demandes recueillies ont généralement trait à la protection de l'enfance. Elles peuvent concerner par exemple un changement de famille d'accueil ou les droits de visite.

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