Comme le disait Mme Dany Marcy, le département du Pas-de-Calais n'a pas été touché par l'épidémie lors de la première vague. Nous avons donc beaucoup d'inquiétudes sur la suite par rapport à ce que nous avons connu précédemment.
Le fait d'avoir été peu touché par le virus nous a permis de maintenir un accueil inconditionnel. A Calais, le département doit aller à la rencontre de ces jeunes. Il a missionné l'association France Terre d'Asile qui se rend sur place et qui donne l'information aux jeunes quant à la possibilité d'être hébergés. Elle essaie de les convaincre de cesser ce passage dangereux vers l'Angleterre.
233 jeunes ont été mis à l'abri sur les mois de mars, avril, mai 2020. En 2019, nous étions à 280 jeunes sur la même période. Effectivement, nous avons pu maintenir cette activité spécifique.
S'agissant de l'accueil du deuxième temps, c'est-à-dire à partir du moment où les jeunes nous sont confiés, nous avons fait preuve d'originalité dans l'accompagnement par rapport à ce que nous faisions habituellement, notamment via l'utilisation des réseaux sociaux, de WhatsApp, des journaux de structure élaborés par les équipes éducatives, des groupes Facebook. J'ai assisté à des séances sportives à distance en visioconférence. Cela peut paraître anecdotique, mais cela a aidé ces jeunes à survivre psychologiquement dans cette période extrêmement difficile.
Nous avons eu du mal à faire face à la difficulté relative au suivi de la scolarité. Le maintien de la scolarité pendant cette deuxième vague nous inquiète quant à la circulation du virus mais en même temps nous soulage quant à la capacité des jeunes à suivre ces premiers enseignements, notamment pour ceux qui viennent d'arriver et qui ont besoin des premiers apprentissages de la langue française.
Lors des premiers temps de l'épidémie, les jeunes n'étaient pas tous équipés de matériel informatique ni de connexion internet.
Lors de cette période, le département s'est placé dans une dynamique beaucoup plus souple à la sortie du confinement par rapport aux règles habituelles fixées, notamment pour l'accès à l'autonomie. Nos maisons d'enfants sont normalement habilitées à accueillir des jeunes jusqu'à 18 ans. Mais le département du Pas-de-Calais offre toujours aux jeunes et aux équipes qui les accompagnent la possibilité de repousser l'âge limite à 18 ans et 3 mois, car il est très difficile d'être régularisé à 18 ans lorsqu'on arrive en France en moyenne à 16 ans et 3 mois. Nous appliquons encore ce délai supplémentaire aujourd'hui.
Si le nouveau confinement est moins strict que celui de la première vague, nous devons tous être vigilants pour faciliter la sortie de nos structures. Si les démarches en ambassade s'arrêtent, si les bailleurs publics ferment en partie leurs portes, nous aurons un « embouteillage » que nous n'avions pas connu lors de la première vague car nous avions des capacités d'accueil relativement importantes.
Si d'un côté les admissions augmentent et que de l'autre nous ne pouvons pas poursuivre ce travail d'accès à l'autonomie, nous risquons d'être en difficulté. Les jeunes eux-mêmes sont en demande d'autonomie. Ils sont demandeurs et heureux de l'accompagnement qu'offre l'aide sociale à l'enfance, mais ils ont envie de voler de leurs propres ailes.
Si nous les laissons dans nos structures, outre le risque d'embouteillage, nous risquons de freiner leur aspiration et leur capacité à devenir des citoyens à part entière dans notre société.