Ces centres avaient initialement été ouverts pour les personnes à la rue qui ne pouvaient pas s'isoler. Lors du démantèlement du dernier camp d'Aubervilliers pendant le confinement, le 23 mars, près de 1 600 personnes ont été mises à l'abri dans des gymnases et des hôtels. Ces lieux sont devenus des clusters du fait de l'impossibilité de respecter la distanciation, de l'absence de matériel de protection (masques et gel notamment) et d'acteurs médicaux aptes à intervenir, du moins au début de la crise. Les opérateurs d'hébergement étaient réduits à leur effectif minimum durant la période et étaient amenés à surveiller les personnes plutôt qu'à les aider. C'est le constat du confinement que nous dressons pour les personnes précaires.
En ce qui concerne les MNA, nous avons longuement discuté avec la mairie de Paris pour les faire prendre en charge. Nous étions nous-mêmes en difficulté pour assurer, sur quatre hôtels différents, le quotidien de ces jeunes confinés dans des chambres de cinq mètres carrés pour certains. La situation était terrible. Pendant le confinement, nous avons conduit très exactement 457 consultations en santé mentale avec deux psychologues, l'équivalent de 2 707 consultations médicales en deux mois, et nous avons suivi 1 680 patients, dont les MNA. Pour répondre à votre question relative au deuxième confinement, aucune action spécifique n'a été déployée. Il ne se passe rien du tout. Nous n'avons pas appris de nos leçons malgré les rapports qui ont été édités, dont celui de MSF sur les taux de séroprévalence parmi les populations précaires. Dès le déconfinement, le 11 mai, nous avions appelé à ne pas vider les centres d'hébergement d'urgence en expliquant que la crise sanitaire se poursuivait et qu'il était indispensable d'assurer une surveillance épidémique. Notre alerte n'a pas été entendue et les personnes présentes dans ces centres ont été expulsées. À Paris, un nouveau campement s'est formé au Stade de France depuis un mois et demi ou deux. Il regroupe plus de 1 900 personnes qui vivent sous tente, ou parfois même pas, et parmi lesquelles sont présents des mineurs. Ce campement n'a pas été démantelé et accueille chaque jour de nouveaux mineurs « déboutés » de leur minorité par la DEMIE. De ce fait, actuellement, 132 mineurs que nous suivons vivent à la rue. Nous avons sollicité la mairie de Paris et les préfets pour leur demander ce qu'ils prévoient pour les personnes à la rue en cette période de confinement. Nous n'avons pas obtenu de réponse. Il semblerait qu'un démantèlement du campement de Saint-Denis soit prévu mais aucune allusion n'est faite aux mineurs et nous constatons qu'aucun dispositif n'est prévu dans le respect de leur minorité. Le jour du démantèlement de ce camp, les mineurs seront « mis à l'abri » avec des adultes dans des gymnases, ou dans des hôtels insalubres, sans accompagnement, sans éducateur et sans accès à la scolarité. Nous assisterons probablement de nouveau à des arrestations de mineurs se rendant à une distribution alimentaire parce qu'ils ne seront pas autorisés à être dehors. Ils vont devenir fous. Nous en sommes là. Une réunion interassociative s'est tenue il y a deux heures. Nous partageons ce constat et nous tenterons de nous mobiliser pour alerter les pouvoirs publics sur cette situation, qui est malheureusement la même situation qu'il y a six mois. Nous nous sommes peut-être améliorés sur les équipements, pour assurer la sécurité des soignants et celle des patients, mais nous n'avons pas avancé sur la prise en charge médicale, sur la protection de ces mineurs ni sur cette notion de présomption de minorité qui est pourtant centrale.