Intervention de Seydina Boiro

Réunion du jeudi 29 octobre 2020 à 15h45
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Seydina Boiro :

Madame Buffet, je crois, mentionnait un guide créé pour améliorer les conditions des évaluations. Cette démarche est positive mais n'est pas suffisante. La présomption de minorité reste l'élément déterminant pour que des jeunes qui arrivent en France ne perdent pas du temps avant d'accéder à la scolarité, ou ne perdent pas leurs droits. Lorsqu'un jeune arrive en France à 16 ans, son évaluation peut prendre des mois. Il aura peut-être 17 ans lorsque le juge reprendra son dossier ; or, passé 16 ans, l'aide sociale ne le considère plus comme prioritaire pour aller à l'école. Les jeunes qui n'ont pu bénéficier de la présomption de minorité se retrouvent donc, pour certains, sans formation à 17 ans. À 18 ans, lorsqu'ils sont mis dehors sans diplôme et sans carte de séjour, ils deviennent automatiquement des sans-abri. Ils ne reçoivent aucune aide. C'est la raison pour laquelle la présomption de minorité est très importante. Lorsque les jeunes se présentent, ils doivent pouvoir se rendre à l'école en attendant que leur évaluation soit tranchée. Cela leur permet de ne pas perdre de temps. Une fois encore, ils ne seront plus jugés prioritaires par les aides sociales une fois qu'ils auront atteint 16 ans ou 17 ans.

Personnellement, je suis arrivé à 15 ans et j'ai attendu huit mois avant de pouvoir aller en classe. Le juge m'a confirmé quatre ou six mois plus tard que je n'étais plus une priorité. J'ai fait des démarches moi-même pour pouvoir obtenir ce droit, notamment en me rendant à la rencontre d'associations. Je tiens d'ailleurs à préciser que les associations nous aident davantage que les éducateurs. Les volontaires de ces associations font plus que les éducateurs pour nous : ils nous accompagnent à la préfecture, dans les ambassades ou pour faire des tests. Ce n'était pas le cas des éducatrices. Je n'ai personnellement pas reçu beaucoup d'accompagnement de leur part. La présomption de minorité est donc centrale pour l'avenir des jeunes, pour éviter qu'ils ne se retrouvent perdus à 18 ans, sans formation. Actuellement, en France, 25 % des SDF ont moins de 25 ans et sont issus de l'ASE. Ce chiffre illustre que le suivi réalisé au niveau de l'ASE n'est pas suffisant. Cette mission est pourtant essentielle car les jeunes ne sont pas en capacité de se prendre en main comme des adultes. Ils ont besoin d'être guidés, d'être accompagnés. Ils ne peuvent être abandonnés à leur propre sort. À 18 ans, la plupart ne sont pas encore matures. À 18 ans, 80 % des jeunes qui sont à l'ASE ne savent pas encore ce qu'ils veulent faire. L'absence de suivi fabrique des sans-abri.

Je suis également choqué, en France, de la disparité des aides sociales entre les départements. Alors que j'ai obtenu un contrat jeune majeur de neuf mois, un ami résidant dans le 77 ne peut accéder qu'à des contrats de trois semaines. Alors que je suis en train de préparer mon avenir, il perd le sien. Nous étions pourtant dans la même classe. Il me semble important qu'une politique similaire soit menée partout en France et que les aides soient accordées uniformément à tous sur le territoire. Je trouve cela très injuste que certains puissent bénéficier de contrats jeune majeur tandis que d'autres se retrouvent dehors à 18 ans, le jour de leur anniversaire, alors qu'ils ne connaissent personne, qu'ils n'ont pas de famille dans le pays. Cet événement est traumatisant pour la personne qui le vit et la plonge dans le plus grand désespoir. Il ne faut pas jouer avec l'avenir des jeunes. Il faut s'engager sur ce point. Il faut revoir la politique de l'ASE pour que des jeunes puissent s'en sortir. Actuellement, ces aides créent plus de sans-abri que de salariés et de futurs jeunes autonomes. L'ASE estime que si le jeune est hébergé et a accès aux repas, le problème est réglé. Pourtant, l'hébergement et la nourriture ne sont pas suffisants. Les jeunes ont besoin d'être accompagnés pour s'en sortir. Je regrette d'avoir eu peu de suivi jusqu'à mes 18 ans. Une fois mon contrat d'apprentissage signé, ce suivi s'est encore davantage estompé. Nous passons trois à quatre mois sans nous parler. Je travaille, j'ai un petit salaire : pour eux, ce suivi n'est probablement plus nécessaire. Je ne vous cache pas que cela a été compliqué à vivre.

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